19e Dimanche T.O. -C-

« Heureux les serviteurs que le maître, à son arrivée, trouvera en train de veiller »

L’Évangile de ce jour a pu résonner différemment à nos oreilles que nous soyons sensibles à la joie de la venue du Seigneur ou plutôt à craindre de devoir répondre de nos actes. Car ce passage de l’Évangile peut être entendu comme une invitation à l’espérance ou comme une mise en garde.

Dans cet Évangile en effet, Jésus nous parle de bons comme de mauvais serviteurs, certains prendront leur repas avec leur maître, tandis que d’autres recevront des coups de bâton. Les mauvais serviteurs craignent le retour du maître, tandis que les bons l’espèrent et l’attendent mettant tout en œuvre pour le satisfaire. Mais les uns comme les autres ne connaissent pas l’heure du retour de leur maître, c’est un secret bien gardé. Secret peut-être redoutable pour les uns, entouré de mystère, source d’inquiétude. Joyeuse espérance pour les autres. Ainsi un même secret est source de crainte pour les uns ou promesse d’amour pour les autres.

Qu’en est-il de nous ? Jésus viendra à l’improviste nous le savons, à la fin des temps ou au jour de notre mort. Sommes-nous de ceux qui le redoutent ? Ou sommes-nous parmi ceux qui l’attendent avec joie ? En écoutant cet évangile, notre cœur est-il pris peur ou s’est-il réjoui ? Mais la question est-elle vraiment de savoir si nous sommes de bons ou de mauvais serviteurs ? N’est-elle pas plutôt de savoir convertir notre peur en confiance et notre joie en charité active ? Car tous, plus ou moins pécheurs, nous aurons besoin de sa miséricorde, aucun ne peut se prévaloir d’une conscience véritablement pure. Et notre joie ne vient pas de notre propre satisfaction, mais de notre confiance en la miséricorde infinie du Seigneur.

Car l’invitation à la vigilance que nous lance l’Évangile se déploie dans deux directions, l’invitation à une Foi active et l’invitation à une Foi confiante. Car il ne s’agit pas seulement d’espérer joyeusement la venue du Seigneur, mais de réaliser dans notre vie ce que nous avons compris de la volonté du Seigneur sur nous : « Heureux serviteur, que son maître, en arrivant, trouvera à son travail ». Et il ne s’agit pas seulement de travailler pour un maître exigeant, mais d’espérer une rencontre d’amour, et non un jugement : « Sois sans crainte, petit troupeau, car votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume ».

Ainsi en fut-il d’Abraham, le père des croyants, qui a inauguré cette relation de Foi confiante et active. Il sut partir de son pays, quitter toutes ses sécurités, faisant confiance à la promesse qui lui avait été adressée. Il eût été même capable de sacrifier son fils si la main du Seigneur ne l’avait arrêté à temps, parce qu’il avait confiance qu’Il pouvait ressusciter les morts.

C’est cette même dynamique d’une Foi confiante et active qui animait Sainte Thérèse de l’enfant Jésus. Lors du procès de béatification, sa cousine Marie Guérin, soeur Marie de l’Eucharistie, donnera ce témoignage sur la manière dont Thérèse expliquait à ses novices la dynamique de la petite voie. En particulier, la manière dont il faut aborder nos petits efforts, faire ce que l’on peut. Pour Thérèse, nous sommes de petits enfants au bas de l’escalier, et nous voulons retrouver notre mère chérie sur le palier, mais nous sommes trop petits pour gravir les marches de l’escalier. Alors, comment faire pour monter au palier ? Faudrait-il se désespérer ? Non, mais espérer que notre mère descendent pour venir nous prendre dans ses bras. Et quel est le meilleur moyen pour que la maman aille rechercher son enfant resté au bas de l’escalier ? Certainement pas de pleurer, mais de toucher son cœur maternel. Eh bien, nous dit Thérèse, que le petit enfant montre à la maman qu’il veut monter cet escalier en soulevant son petit pied pour gravir la première marche. Voyant les efforts désespérés de son petit pour gravir les marches de cet escalier, et surtout s’il a déjà réussi à gravir quelques marches, la maman, touchée par ces efforts, et peut-être aussi craignant que l’enfant ne se blesse, viendra sans tarder prendre son enfant dans ses bras.

Il en est de même pour nous dans notre relation au Seigneur : notre désir de sainteté, de gravir l’escalier de la perfection, et notre incapacité à y parvenir par nous-mêmes. Si nous ne pouvons pas gravir ce rude escalier de la perfection, ce n’est pas parce que nous ne le voulons pas, ni parce que nous voudrions nous satisfaire de moyens plus faciles, mais parce que cela n’est pas en notre pouvoir, néanmoins nous sommes invités à faire réellement ce que nous pouvons. Ce qui touche le Seigneur dans ses entrailles de miséricorde, ce n’est pas la grandeur de nos œuvres, mais notre bonne volonté qu’elles expriment.

À la suite de sainte Thérèse de l’enfant Jésus, et de tous les saints, nous tâchons de faire ce que nous pouvons, ce que nous avons compris, et nous tâchons de mettre en pratique la parole entendue comme des serviteurs fidèles. Une fois fait notre possible nous nous en remettons dans les mains du Père, avec confiance. L’important étant moins ce que nous avons pu réaliser concrètement, mais que nos efforts étaient l’expression de notre bonne volonté. « Heureux les serviteurs que le maître, à son arrivée, trouvera en train de veiller ».

Fr. Antoine-Marie Leduc, o.c.d.

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