25e Dimanche T.O. ; Mc 9, 30-37

Pourquoi Marc dans cet évangile nous donne-t-il ces deux enseignements de Jésus à la suite ? En effet, cet évangile rapproche deux paroles de Jésus qui, à première vue, n’ont pas de relation entre elles : une annonce de la Passion-Résurrection et un reproche adressé aux disciples qui se sont disputés en route pour savoir qui étaient le plus grand. L’évangéliste, Saint Marc, ne les a pas cependant rapprochées sans quelque raison. Elle résume en effet tout le mystère de la pâque de Jésus, ainsi que notre façon d’y entrer à sa suite.

Et d’abord, le reproche que Jésus adresse à ses disciples : « si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et de serviteurs de tous ». Ce que Jésus demande ainsi à ceux qui veulent suivre, il l’a d’abord vécu lui-même. Une telle attitude est la sienne, et même la plus fondamentale, qu’il rappelle ainsi : « voici que je me tiens au milieu de vous comme celui qui sert ».

Le serviteur est celui qui est à la disposition des autres, qui s’efface, s’abaisse, se donne sans compter. Dans la bouche de Jésus, l’image autant que le mot évoque le serviteur souffrant et glorifié, abaissé et élevé, dont le prophète Isaïe avait tracé une mystérieuse et saisissante image : celui qui se donne tout entier en rançon pour le peuple (Is 50, 5-9). C’est la raison pour laquelle l’évangéliste rapproche l’image du serviteur de celle du crucifié : le fils de l’homme qui sera livré aux mains des pêcheurs pour être bafoué et mis à mort, puis ressusciter, est bien le même que le serviteur dont les souffrances purifient le peuple, dont l’extraordinaire abaissement mérite une gloire inouïe et le nom qui est au-dessus de tout nom. Celui qui s’humilie, et qui sera exalté ; celui qui s’abaisse, et qui sera élevé.

Nous voici au cœur du mystère de Pâques devant son double mouvement essentiel, abaissement-élévation. Le Christ s’est d’abord abaissé, dépouillé, devenu obéissant jusqu’à la mort et la mort sur une croix. À cette offrande de Jésus va répondre maintenant l’éblouissante initiative du Père, l’exaltation de Jésus. L’abaissement jusqu’à la mort se trouve soudainement inversé dans une exaltation au-delà de tout ce qui était prévisible.

En régime chrétien, toute situation d’humilité et de pauvreté reçoit ainsi ses lettres de noblesse. Elle peut toujours exprimer et renouveler le geste Pascal par excellence : l’abaissement du Fils que le Père tourne en gloire. Nous ne disposons aujourd’hui d’aucune autre voie où imiter Jésus et entrer avec lui dans ce même mouvement pascal. Bienheureux et divin abaissement ! Aujourd’hui encore, au cœur de l’église, il n’y a rien de plus urgent ni de plus fécond. À lui seul il répète le geste rédempteur qui a triomphé de la mort et à sauver le monde. Ce mouvement pascal est la porte étroite qui donne accès à la vie éternelle.

Une certaine humilité d’esprit, une certaine modestie de convenance ne saurait suffire. L’abaissement doit être comme celui de Jésus : vrai et effectif, puisqu’il reproduit autant que faire se peut, l’extraordinaire descente de Jésus du ciel jusqu’au milieu de nous, et, plus bas encore, jusque dans la mort et les enfers. Abaissement devant Dieu au cœur de toute épreuve, abaissement devant nos frères comme serviteur de tous et à la dernière place, volontairement ou involontairement, ou abaissement à nos propres yeux dans nos échecs et nos faiblesses, seul l’Esprit Saint peut l’opérer en nous lorsqu’il nous donne ce grand amour de Jésus qui nous presse à le rejoindre par l’humiliation, par où lui-même a passé, et achever ainsi ce qui manque à sa Passion pour son corps qui est l’Église. Vivre cet abaissement dans la foi, l’espérance et la charité, en attendant de Dieu seul le relèvement, c’est devenir chrétien, c’est entrer dans l’action de grâces du Christ.

C’est lui, serviteur et Seigneur, abaissé et glorifié, dépouillé et comblé, dont nous nous souvenons dans l’action de grâce de l’Eucharistie. Dans la communion à son corps et à son sang, il nous entraîne avec lui dans sa Pâque. Qu’il nous donne de porter au cœur du monde l’humiliation de sa croix et qu’il vous revête un jour, dans son royaume, de sa lumière et de sa gloire. AMEN !

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