2e Dimanche de Carême, Mt17,1-9

La Bonne Nouvelle de l’Amour du Père, manifesté en Jésus-Christ

Pour ceux qui ont pu parcourir la Terre sainte et gravir le mont Thabor, lieu de la Transfiguration, la première phrase de l’évangile de ce jour peut les faire sourire. « Jésus pris avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il les emmena sur une haute montagne ». En effet, le Thabor est loin d’être une montagne, c’est plutôt une belle colline d’un peu moins de 600 mètres d’altitude. Si l’évangéliste emploie ce terme de montagne, ce n’est ni pour exagérer ni pour nous induire en erreur. Il s’agit plutôt de placer l’événement de la Transfiguration dans l’univers symbolique des manifestations du Seigneur à son peuple. Ce qui se déroule sur le mont Thabor, devant Pierre, Jacques et Jean, est du même ordre que ce qui s’est déroulé au mont Sinaï où Dieu donna la loi à Moïse, ou bien dans la fente du rocher où Élie rencontra le Seigneur. Au Thabor comme au Sinaï, nous avons la montagne, la nuée et Dieu qui nous adresse une parole.

Depuis les origines, d’Abraham à aujourd’hui, Dieu notre Père cherche à se faire connaître des hommes tel qu’il est, avec tout son amour pour chacun de nous. Il n’est pas le Dieu qui prendrait plaisir à la mort, ni au sacrifice humain offert dans la crainte, comme on faisait pour les idoles païennes. Il est le Père des miséricordes qui se penche vers nous, qui préfère donner la vie et non la prendre et il va jusqu’à se donner lui-même en son Fils unique : « Il n’a pas refusé son propre Fils, il l’a livré pour nous : comment, après cela, pourrait-il, avec Lui, ne pas nous donner tout ? » Cependant, il nous faut bien comprendre cette offrande du Fils au Père dans le mystère de la Croix, ce n’est pas le sacrifice d’une vie pour apaiser le courroux d’un Dieu vengeur et comptable des péchés des hommes. Dieu n’a pas fait avec son Fils ce qu’il n’a pas accepté d’Abraham. Le resplendissement de la Transfiguration au seuil de la Passion annonce par avance la victoire de la vie divine sur la mort corporelle.

Cette manifestation de Dieu, qui s’inscrit dans la symbolique de l’Ancien Testament, à ce moment précis de la montée vers Jérusalem, manifeste aussi la nouveauté de la Nouvelle Alliance. Jésus s’entretient avec les 2 personnages qui représentent le mieux les deux sources de la révélation juive : la loi et les prophètes, Moïse et Élie. Ces deux figures emblématiques de la première alliance entourent Jésus et s’entretiennent avec lui, Jésus apparaît alors comme une nouvelle étape de la révélation. Puis la voix du Père se fait entendre : « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi, écoutez-le ». Alors, Moïse et Élie s’effacent devant la nouvelle révélation, et Jésus reste le seul. Il n’est plus ainsi une simple étape nouvelle dans l’histoire de la révélation, il en est l’achèvement qui, d’une certaine manière, relativise l’ancienne révélation.

L’événement de la Transfiguration réoriente fondamentalement la révélation issue de la première alliance. Car désormais, la parole que le Seigneur nous adresse n’est plus un message, mais une personne, « celui-ci est mon fils ». Moïse et Élie, la loi et les prophètes, proposaient aux croyants un message : faites ceci, ne fait pas cela, et Dieu sera avec vous. Dorénavant, avec la personne de Jésus, la Nouvelle Alliance ne consiste pas d’abord à accueillir une nouvelle loi ou une nouvelle prophétie, mais à croire en l’œuvre de grâce manifestée en Jésus. Certes, nous avons des textes, un Nouveau Testament, et nous sommes appelés à vivre selon la foi et la morale évangéliques. Mais ce qui fait que je suis chrétien, ce n’est pas ma pratique, ma morale, mais ma Foi en la personne de Jésus. Au sens strict, l’évangile, la Bonne Nouvelle, ce n’est pas le texte qui raconte la vie et le message de Jésus, mais l’évènement de la victoire de Jésus sur la mort. La vie de Jésus manifeste la véritable voie pour être sauvé, c’est-à-dire pour vivre en communion avec Dieu. Sa crucifixion démontrait qu’il était un réprouvé, « maudit soit celui qui est pendu au bois ». Et Paul nous dira que Dieu l’avait, pour nous, identifié au péché. Mais, après la passion du Christ, Dieu, le Père de Jésus, l’a ressuscité d’entre les morts alors qu’aux yeux de ses contemporains, sa passion et sa mort sur la croix démontraient que Jésus était rejeté de Dieu.

Ce rejet, c’était l’extérieur, le visible, ce que la Transfiguration avait manifesté aux yeux des trois disciples privilégiés demeurait vivant dans la personne de Jésus. La résurrection fera éclater aux yeux des disciples la réalité de la communion profonde de Jésus à la vie divine qui n’est pas vaincue par le mal. Ce qu’ils ont vu de leurs yeux au mont Thabor avant la passion sera à nouveau manifesté à la résurrection. Voilà la bonne nouvelle pour tous les hommes : quand Dieu fait alliance avec l’homme, il peut mener jusqu’à son achèvement l’œuvre de vie qu’il a initiée. Malgré le mal qui nous ronge et qui défigure le monde, si je demeure tourné vers le Père dans la confiance et l’amour, la vie divine aura le dernier mot. L’Evangile, la Bonne Nouvelle des chrétiens, ce n’est pas d’abord un récit qui nous est transmis sous 4 formes, mais l’événement de la mort et de la résurrection de Jésus. La religion chrétienne n’est pas à proprement parler une religion du livre, de la loi et des prophètes, c’est une religion de la relation vivante et actuelle avec Jésus, seul, présent aujourd’hui à nos côtés.

Par le récit de la Transfiguration, le Seigneur veut nous redonner courage : « N’ayez pas peur, je suis vainqueur du monde. Avec moi, vous traverserez les épreuves et les difficultés de cette vie qui ne signifient pas que Dieu vous a abandonné. » En effet, les épreuves sont l’expression du combat de la lumière et des ténèbres dans notre cœur et dans le monde d’aujourd’hui. Mais ce combat n’est pas égalitaire, le Seigneur aura le dernier mot. Au terme de votre vie et de la vie du monde, Notre Père manifestera dans toute notre personne, l’alliance qu’il a conclue avec nous par mon fils unique, nous participerons à sa vie et à sa lumière.

Fr. Antoine-Marie Leduc, o.c.d.

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