3e Dimanche de Carême ; Jn4,5-42

« Si tu connaissais le don de Dieu »

Il est des jours où tu te sens las, las de donner, las de recommencer, las de puiser, de remonter l’eau seau par seau sans jamais suffire à la tâche. Et parfois, c’est au moment même où tu dis : « J’ai soif » que le Christ, pour toute réponse, te dit calmement : « Donne-moi à boire ! »

Pour refaire tes forces, il te demande un service ; pour te rendre confiance, il te donne de donner, de lui donner. De lui offrir quoi en guise d’eau fraîche ? - quelques moments de vraie gratuité, de véritable écoute, de prière sans témoins et sans fard ; quelques instants où tu essaieras de coïncider avec le vouloir du Père, tel que tu es, avec tes misères et tes richesses que le Christ connaît mieux que toi.

Le Christ traverse ta route aujourd’hui comme celui qui s’invite et t’invite.

Jésus n’était pas invité par la femme de Samarie, qui ne pensait qu’à son eau pour son dernier faux mari. C’est lui qui a pris l’initiative, comme il le fait aujourd’hui pour toi. L’important, à ces tournants de la vie, est de ne pas fuir la rencontre, de ne pas esquiver le regard du Christ en rêvant à une autonomie qui rendrait moins visible ton engagement, moins franche ton option pour le Royaume, moins austères ta route et ta solitude avec lui.

La Samaritaine a cru d’abord s’en tirer à bon compte. Elle a joué à la plus fine, elle s’est défendue par tous les moyens et elle s’est dérobée, car elle vite pressenti ce qui lui serait demandé, au bout de cette invitation : une conversion du cœur, un retournement de sa vie.

Le Christ t’interpelle aujourd’hui comme celui qui sait.

C’est lui qui te dit « tout ce que tu as fait », avant même que l’aveu te soit monté au cœur. Il sait déjà, mais il veut que tu dises toi-même ; il tient à ce que vienne de toi la parole qui libère avant qu’il prononce lui-même la parole qui sauve. « Il sait ce qu’il y a dans l’homme » (Jn 2,25 ) ; il connaît ton histoire, l’espérance que tu portes et tes moments de fragilité. Malgré tes lassitudes et tes compromissions, c’est à lui que tu as décidé d’appartenir, et pour rien au monde tu ne voudrais quitter sa présence ni trahir son amitié. Tout cela, il le sait : Il sait bien que tu l’aimes (Jn 21,15-17)

Le Christ te visite aujourd’hui comme celui qui sauve.

Il accueille tout, pour tout recréer ; il veut tout, pour tout sanctifier, et il te dit, comme à la Samaritaine : « Va chercher ton passé, tout ton passé, et donne-le moi ». Avec Jésus le passé n’arrête jamais l’avenir ; et s’il met en lumière tes blessures, c’est pour t’ouvrir un chemin de liberté.

L’initiative de Jésus n’est jamais culpabilisante, et le calme avec lequel il conduit le dialogue souligne bien qu’il ne travaille pas par pressions morales, mais au niveau de la vérité : « Tu dis bien ; en cela tu dis vrai ! » C’est déjà vivre le salut que d’être vrai avec le Sauveur, sans louvoiements, sans dénégations, sans calculs. Face à son regard de miséricorde, laisser descendre la vérité au fond de l’être : c’est cela qui libère.

Le Christ vient à toi aujourd’hui comme celui qui envoie.

La femme de Samarie, avant d’être totalement convertie, avant même d’avoir dépassé le stade des premières interrogations, reçoit une mission de Jésus : « Va, appelle ton mari, et reviens ici ». Mission impossible à réaliser sans un retournement dans la vie de cette femme, car elle doit revenir avec le vrai mari ; mais cette clarification qui lui est proposée est comme enrobée dans la mission, et c’est même la mission qui ressort le plus nettement.

Auprès des gens de Sychar, la Samaritaine se fait pressante : « Venez voir ! » ; mais elle ne force pas leur assentiment : elle leur apporte seulement un témoignage et une question. Un témoignage sur la clarté que l’étranger vient de faire en elle : « Il m’a dit tout ce que j’ai fait ! » ; et, paradoxalement, sa mauvaise conduite passée rend son témoignage encore plus percutant. Quant à la question, elle résume le cheminement de sa propre foi : « Cet homme qui m’a abordé, qui m’a parlé comme un prophète, ne serait-il pas le Messie ? »

Toi qui croises Jésus au midi de ta vie, toi que Jésus restaure en te faisant confiance, réponds sans crainte à son amitié et deviens à ton tour témoin de sa grâce. Annonce à tous les tiens ce qu’il a fait pour toi : il t’a libéré(e) en te rendant tes liens ; il t’a appelé(e) sans te contraindre ; il t’a demandé à boire, Lui, la source de l’eau vive. Laisse-là ta cruche auprès de lui. Va vers tes frères.

Fr. Jean-Christian Lévêque, o.c.d.

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