4e Dimanche de Pâques ; Jean 10,27-30

« Mes brebis écoutent ma voix »

De dimanche en dimanche, spécialement en ce temps pascal, la liturgie de l’Église vient au-devant de nous avec le même message d’espérance. Oui, les temps sont durs ; oui, les années passent, avec leur lot d’épreuves personnelles, familiales, ecclésiales ; mais ce qui fait vivre le disciple de Jésus, ce n’est pas la sécurité, c’est la certitude, certitude que le Christ est déjà vainqueur de ce qui oppresse les hommes, certitude qu’il est vivant, Lui, vrai homme, vivant de la vie même de Dieu, certitude qu’il est plus présent que jamais à son Église.

Il est vrai que nous ne voyons pas le Christ, que nous ne touchons pas chaque jour ni à volonté les signes de son action ; mais nous avons un moyen merveilleux de le rejoindre : là où nous sommes, il nous suffit de tendre l’oreille pour entendre la voix du Berger : « Mes brebis écoutent ma voix, dit Jésus ; moi, je les connais, et elles me suivent ».

Il existe une sorte de connivence entre les brebis et le berger, et la voix du berger n’est pas toujours une voix qui s’impose. Simplement, de temps à autre, le berger parle, comme pour dire : « Je suis là, et je m’en vais par là ». Et les brebis suivent ! C’est bien cela, en effet, qui nous fait réagir et repartir : cette voix du Christ qui redit : « Je suis là avec toi ; je suis là pour vous, et je te connais. Je te donnerai la vie éternelle : jamais tu ne périras ».

Nous ne périrons pas, parce que nous serons défendus. Le berger, pour nous, n’est pas seulement une voix qui nous hèle ; c’est une main qui nous tient et qui nous protège. Et jamais rien ni personne ne pourra nous arracher de la main du Christ, car le Christ nous garde et nous serre comme le cadeau que le Père lui a fait : « Ils étaient à toi, et tu me les as donnés, et je n’en ai perdu aucun »(Jn 17,6.12).

Le Christ tient à nous, Dieu notre Père tient à nous, lui qui est « plus grand que tout ». C’est bien cela l’inouï : que Dieu veuille à ce point réussir l’homme, et qu’il nous ait donné un tel berger pour nous conduire à la vie.

Mais si le Seigneur nous assure de sa présence, nous rassure de sa main, pour ainsi dire, il ne nous invite pas au repos, du moins pas encore : « Mes brebis me suivent », dit Jésus. Admis à l’intimité du Père comme le Christ, par le Christ et avec le Christ, nous sommes, comme le Christ, envoyés, chaque jour envoyés, chaque jour en marche, jusqu’au bout de notre chemin terrestre, jusqu’au bout du don de nous-mêmes, et ce que Dieu dit à l’Apôtre saint Paul au cours de sa mission, il le redit à chacun et chacune de nous dans la prière : « J’ai fait de toi la lumière des nations, pour que, grâce à toi, le salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 13,47).

En lisant cela au quotidien, cela veut dire : "Tu es porteur (porteuse) du message de Jésus jusqu’au bout du vaste monde qui est l’horizon de ta vie, jusqu’au bout dans ton foyer, jusqu’au bout de ton dialogue avec tes enfants, jusqu’au bout de ton pardon en famille, jusqu’au bout du cercle de tes relations, jusqu’au bout de ton dévouement et de ta solidarité, jusqu’au bout de ta solitude, offerte au Christ et peuplée de milliards d’hommes.

Il n’est donc pas question, pour les brebis du Seigneur, de brouter là où elles sont, droit devant, sans s’occuper du reste, car la voix du berger n’appelle jamais deux fois du même endroit. Le berger se déplace, pour nous conduire vers les sources d’eaux vives, tous, comme « une foule immense que nul ne saurait dénombrer, une foule de toutes nations, de toutes races, peuples et langues » (Ap 7,9) ; foule immense, en marche, où l’on apprend à se connaître, à s’aimer, tout en s’avançant vers la source.

Mais il faut marcher, il faut cheminer : il faut suivre. Avant de parvenir jusqu’au trône de Dieu, dit le voyant de l’Apocalypse, il faut passer « par la grande épreuve » (Ap 7,14), par un test de fidélité à monnayer au quotidien. Il est des jours où l’épreuve se fait plus lourde, et la fidélité plus difficile, des jours où l’on est las d’être en route, las de soi-même et déçu du troupeau ; il est des heures où toute lueur d’espoir s’éloigne, pour nous-mêmes ou ceux que nous aimons. Comme il est bon de nous rappeler alors - car cela aussi est le message de Pâques - que notre Dieu est « plus grand que tout ».

C’est la tendresse de Dieu qui aura le dernier mot : « Dieu essuiera toute larme de nos yeux », et il nous dira : « Maintenant, c’est fini. Je suis là : ne pleure plus ».

Fr. Jean-Christian Lévêque, o.c.d.

Revenir en haut