6e Dimanche de Pâques (Année B) 13 mai 2012

Changement, initiative, liberté, action ne sont-ils pas les maîtres mots de notre culture ? Et s’il faut changer de changement, peu importe ; l’important est de changer. Certes le changement peut-être aussi synonyme d’insécurité, de stress, d’inquiétude face à l’avenir, car avant d’être un choix, le changement est une réalité de notre monde en mutation rapide. Que nous le percevions positivement ou négativement, le monde change de plus en plus vite. En outre, par-delà cette réalité sociétale, chaque être humain éprouve le changement dans son existence personnelle à travers les divers âges de sa vie et les événements de son histoire. Ces changements heureux ou douloureux, progressifs ou brutaux, prometteurs ou accablants, sont si nombreux dans une vie qu’un individu peut avoir peine à se reconnaître lui-même dans ce qu’il a vécu des décennies auparavant. La foi elle-même ne met-elle pas le changement au cœur de l’existence chrétienne. La Parole de Dieu est une invitation constante à cette forme de changement que l’on appelle la conversion. Être chrétien, n’est-ce pas vivre dans une dynamique de conversion constante ? Sans cela, comment la foi ne se dessècherait-elle pas peu à peu ou ne s’enliserait-elle pas dans une forme d’autosatisfaction et de pharisaïsme ? Aussi l’évangile selon Saint Jean nous déroute-t-il quelque peu lorsqu’il utilise avec insistance le verbe « demeurer ». Il met en effet l’accent sur une attitude stable, inamovible comme la maison dans laquelle on demeure. Alors que tout change et que nous-mêmes nous changeons, il serait donc possible de trouver dans notre vie présente une demeure stable. Cela nous est même présenté au nom de Jésus comme une exigence ayant la forme d’un commandement. Il nous faut demeurer jours après jours en un lieu fondé par Dieu lui-même, un lieu stable au sein de notre existence mouvante, son amour même. En effet, Dieu a réalisé au sein même de sa Création un changement inimaginable par l’envoi de son Fils en ce monde. La conversion chrétienne consiste à s’ouvrir sans cesse à l’accueil par la foi de ce don du Fils en notre chair pour demeurer dans l’amour infini qu’il manifeste, un amour fidèle qui ne passera pas. En avoir connaissance, c’est avoir reçu un incroyable cadeau. Par définition, un cadeau ne vient pas de nous, mais de la personne qui nous le fait. « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous est choisis et établis afin que vous partiez, que vous donniez du fruit et que votre fruit demeure » déclare Jésus. Le cadeau le voici : croire en l’amour de Dieu, en l’amitié de Jésus, en la liberté d’aimer qu’elle suscite comme le plus beau fruit de ce don et de cette mission. Pour recevoir ce cadeau, Jésus affirme qu’il faut être fidèle à ses commandements comme lui-même a gardé fidèlement les commandements du Père. Ces commandements sont multiples et pourtant se résument en un seul : l’amour mutuel, sans que rien d’autre ne soit précisé, sinon que cet amour implique le don de soi. Ces commandements ne correspondent donc pas à une liste de prescriptions. En outre, leur accomplissement ne dépend pas d’abord de notre effort ou de notre générosité. Être fidèle à ces commandements, c’est être en relation avec Jésus qui nous révèle la volonté du Père parce qu’il veut faire de nous ses amis. La vie chrétienne est une relation de dépendance vitale envers celui qui est l’Amour. Croire en cet amour, c’est choisir de se laisser guider par Lui, de se laisser engendrer à la vie filiale et fraternelle par son Esprit. L’obéissance aux commandements est le lien vital qui nous relie à Dieu et nous fait vivre de son amour. Il est possible alors de vivre les changements non pas sous la pression des événements extérieurs ou comme une obligation de nous changer nous-mêmes, mais comme cette offre sans cesse renouvelée d’être en relation avec les autres tout en demeurant dans cet amour qui nous précède et qui demeure à jamais. L’Eucharistie est le signe par excellence de notre demeure dans l’amour. Nous communions dans la foi à celui qui a donné sa vie pour nous une fois pour toutes et dont nous attendons la venue en gloire. Demeurer dans l’amour, c’est vivre aujourd’hui dans la mémoire du salut déjà donné et dans l’espérance de la gloire promise.

Fr. Olivier-Marie Rousseau, ocd

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