Assomption de la Vierge Marie 2010

« Le Seigneur fit pour moi des merveilles ! »

À travers la rédaction de l’évangéliste saint Luc, et à travers son enthousiasme pour la Mère de Jésus, nous rejoignons dans le Magnificat la Vierge Marie au cœur de son propre mystère et au cœur du mystère du peuple de Dieu.

Marie, parce qu’elle se sait porteuse du Messie de Dieu, se situe d’elle-même au centre de toute l’histoire du salut, entre la promesse faite aux patriarches et le salut « à jamais » offert à tous les croyants ; donc entre la première aube de la foi et l’aube définitive de la gloire, qui déjà l’enveloppe personnellement : « tous les âges me diront bienheureuse ».

Entre cet hier des promesses et ce demain assuré de l’accomplissement Marie, modèle de foi, accueille et chante l’aujourd’hui de Dieu, et c’est un aujourd’hui de tendresse. Dieu vient de se pencher vers sa servante, qu’il voyait si humble ; il s’est penché vers cette femme humble, qu’il voyait prête à le servir. Dieu vient de faire pour elle des merveilles, des merveilles en elle et par elle.

Et c’est pourquoi Marie exalte et exulte. Elle exalte son Seigneur plus haut que tout, plus haut que tous : lui seul est grand, lui seul aussi est assez grand pour l’amour qu’elle veut lui donner. Et elle exulte parce que Dieu l’a sauvée, elle la première, pour la rendre digne du Fils de Dieu Sauveur.

Puisque Dieu est à la fois le Dieu de majesté et le Dieu qui se penche, la prière de Marie se fait à la fois adoration et allégresse : adoration devant le Tout autre, allégresse filiale auprès du Tout proche. Ainsi l’humble Marie de Nazareth, sans phrases ni discours, nous ramène devant l’essentiel de notre existence contemplative, devant ce double et unique mystère de majesté et de tendresse qu’il nous faut rejoindre chaque jour sans jamais le saisir, et sans jamais le posséder autrement que dans l’espérance, et recouvert par l’opacité de la foi.

Puis le regard de Marie embrasse, au-delà et à la lumière de son mystère personnel, le mystère du peuple de Dieu. Dans le style des hymnes d’Israël, elle chante les habitudes de Dieu, qui sont autant de visages de sa fidélité.

Face au groupe du refus, où se retrouvent les superbes, les puissants et les riches de cœur, Marie rassemble autour d’elle le groupe du oui : les humbles, les affamés, l’Israël serviteur, puis Abraham et toute sa lignée d’hommes de foi.

D’un côté Dieu agit en force : il disperse, il renverse, il renvoie, il vide les mains, car le Dieu de Marie reste libre, juste et souverain ; mais avec le peuple du oui, ce même Dieu déploie tout son amour : il élève, il relève, il comble de biens. Car le Dieu de Marie est celui qui « se souvient » ; il est Yahweh à la longue mémoire ; il sait qu’il a promis et ce qu’il a promis à ceux qui l’aimeront : d’âge en âge il suit son idée et maintient son amour.

Pour tout le peuple des pauvres de cœur qui attendent et accueillent le salut comme Dieu l’a prévu et là où Dieu l’envoie, la force même de Dieu devient un autre nom de son amour : « le Puissant fait de grandes choses »

Et de fait, il n’y a que les grandes choses qui soient dignes de Dieu Mais ces choses grandes qu’il aime parce qu’elles lui ressemblent, où Dieu les a-t-il faites ? où l’ombre de l’Esprit s’est-elle faite plus dense et plus féconde ? - Au village perdu de Nazareth, que personne ne remarquait, dont personne ne parlait sinon pour se moquer des attardés qui y vivaient encore (Jn 1,46).

C’est à Nazareth, sous l’ombre de l’Esprit, que se poursuit la gestation humaine du Fils de Dieu. C’est de Nazareth que Marie partira lorsque le temps sera venu pour son enfant de naître dans la cité de David. C’est aussi à Nazareth que Dieu nous veut et nous rejoint, le Nazareth de notre vie, de notre service, de notre amour quotidien. Que notre position ou notre tâche soient brillantes ou obscures, que notre compétence et notre dévouement soient reconnus ou ignorés, notre réponse à Dieu garde tout son prix si nous la monnayons loyalement, filialement, dans l’aujourd’hui de notre Nazareth.

Dieu, pour faire en nous de grandes choses, n’a que faire de nos grandeurs, et plus nous mettons à son service notre crédit humain et notre efficacité, plus il nous demande de « marcher modestement sous son regard » (Mi 6,8). Là, dans ce cheminement généreux et tout humble, nous retrouvons chaque jour le meilleur de nous-mêmes, notre être de fils et de filles de Dieu. Là, serviteurs et servantes du Seigneur, à l’image de Marie nous apprenons à redire, comme des pauvres de cœur, notre Magnificat : Dieu m’a sauvé, Dieu m’a regardé, Dieu a fait pour moi de grandes choses.

Fr. Jean-Christian Lévêque, o.c.d.

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