Béatification Louis et Zélie Martin, Dimanche 19 octobre 2008

Pour tout savoir sur la béatification de Louis et Zélie Martin, parents de Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus voir www.therese-de-lisieux.com.

Pour les époux chrétiens, le sacrement de mariage les invite à devenir signe et participation tant de l’amour trinitaire que de l’amour du Christ et de l’Eglise. En effet, par ce sacrement, les époux se promettent une fidélité entière pour toute la vie en s’engageant sur les valeurs d’unité, d’indissolubilité et de fécondité, et ils forment une communauté de vie et d’amour en vivant au quotidien le dialogue, le respect et le service mutuels. Or en s’engageant et en vivant les valeurs d’unité, d’indissolubilité et de fécondité, les époux tendent à exprimer l’amour même qui existe au sein de la Trinité qui vit cette unité substantielle et éternelle qui est à l’origine de la création. De même, ils peuvent devenir signe et participation de l’amour du Christ pour l’Eglise en imitant Jésus qui sut toujours accueillir ceux qu’il croisait sur son chemin, leur adresser une parole bienveillante et constructive, les servir dans leurs besoins concrets. Tour à tour, les époux deviennent Christ et Eglise l’un pour l’autre lorsqu’ils entrent dans un dialogue vrai, vivent un respect profond et servent le bien commun familial. Donc pour répondre à la question de savoir quelle est la sainteté des époux Martin, il faudrait montrer que leur vie conjugale fut un chemin de sainteté en devenant signe et participation de l’amour de Dieu, amour trinitaire et amour du Christ.

Nous savons que, tant Louis et que Zélie, les époux Martin étaient profondément chrétiens, et engagés dans une vie spirituelle personnelle authentique. Du fait de cet engagement et de la générosité de leur cœur, tous les deux ont songé tout d’abord à s’engager dans la vie religieuse pour étancher leur soif de l’amour divin. Mais ils s’engagèrent sur un autre chemin, le mariage vécu non comme un remède à la concupiscence, selon une formule ancienne dépréciative, mais, selon une note écrite de la main même de M. Martin « une manière plus parfaite (de vivre) l’union chaste et toute spirituelle de Jésus-Christ avec son Eglise ». C’est pourquoi ils désiraient au point de départ vivre la continence à l’intérieur de leur mariage. Regrettant tous les deux l’idéal religieux, qui leur paraissait plus pur, ils se comprenaient facilement l’un l’autre, ayant des objectifs et des désirs semblables. Ceci explique les pleurs et la délicatesse mutuelle au lendemain de leur mariage quand ils rendaient visite à la sœur de Zélie visitandine au Mans : « J’ai été la voir pour la première fois à son monastère le jour de mon mariage ; je puis dire que j’ai pleuré ce jour-là toutes mes larmes, plus que je n’avais jamais pleuré dans ma vie, et plus que je ne pleurerai jamais ; cette pauvre sœur ne savait comment me consoler. Je n’avais pourtant pas de chagrin de la voir là, non, au contraire, mais j’aurais voulu y être aussi ; je comparais ma vie à la sienne et les larmes redoublaient. Enfin, pendant bien longtemps, je n’avais mon esprit et mon cœur qu’à la Visitation. (…) Toi qui aimes tant ton père, ma Pauline, tu vas penser que je lui faisais de la peine et que je lui en avais fait le jour de mon mariage ? Mais non, il me comprenait et me consolait de son mieux, car il avait des goûts semblables au mien ; je crois même que notre affection réciproque s’en est trouvée augmenter, nos sentiments étaient toujours à l’unisson et il me fut toujours un consolateur et un soutien. »

C’est donc rempli d’attention et de respect mutuel, dans une communion de valeur, que les nouveaux époux vivent leurs relations. Et c’est bien du fait de l’existence de ces valeurs partagées et de désirs spirituels communs que Louis et Zélie Martin vont tout d’abord s’engager à vivre comme frère et sœur puis ils vont évoluer vers le projet de fonder effectivement une famille. La droiture de leurs intentions, véritablement spirituelles, et non par dégoût psychologique de la sexualité, se vérifie par la rapidité avec laquelle ils changèrent d’orientation une fois éclairés par un “bon confesseur”. Il leur montra qu’ils pouvaient mener de front leur idéal de sainteté et une pleine vie conjugale qui s’épanouirait dans la fécondité. Ils gardent pour eux leur objectif de sainteté qui, conçue au départ d’un point de vue personnel, s’élargit à la communauté familiale : « Quand nous avons eu nos enfants, nos idées ont changé un peu ; nous ne vivions plus que pour eux, c’était tout notre bonheur, et nous ne l’avons jamais trouvé qu’en eux. Enfin, rien ne nous coûtait plus ; le monde ne nous était plus à charge. Pour moi, c’était la grande compensation, aussi je désirais en avoir beaucoup, afin de les élever pour le ciel. »

Dans cette citation, Zélie Martin nous révèle déjà que l’amour familial se vit dans un service bien réel et concret au profit de toute la famille. Ce service pour elle, ce fut le travail quotidien dans les tâches ménagères et son artisanat de points d’Alençon. Il s’agit avant tout pour les parents Martin de subvenir par leur travail aux besoins de la famille : « Ce n’est pas le désir d’amasser une plus grande fortune qui me pousse ; J’en ai plus que je n’en ai jamais désiré, mais je crois que ce serait folie à moi de laisser cette entreprise, ayant cinq enfants à établir. Je dois aller jusqu’au bout pour eux… » (CF 152). Mais leur vraie joie est dans la réussite spirituelle de leur famille, « Pourvu que j’arrive au Paradis avec mon cher Louis et que je les vois tous bien mieux placés que moi, je serais assez heureuse comme cela ». L’amour permet de mieux supporter le poids du service : « C’est un travail si doux de s’occuper de ses petits-enfants ! Si je n’avais que cela à faire, il me semble que je serais la plus heureuse des femmes. » (CF 31) et la maman a bien conscience de s’être livrée sans réserve dans ce service du travail : « Je me dis souvent que si j’avais fait la moitié de tout cela pour gagner le ciel, je serais une sainte a canonisé ! » (CF 152).

Car les époux Martin ne perdent pas de vue leur objectif spirituel qui les réunissait dès le commencement de leur vie conjugale, la sainteté. Tout entier le foyer est ordonné à accueillir et à rayonner l’amour de Dieu, c’est pourquoi le cœur des époux est résolument orienté vers le Seigneur dans la prière conscient que tout repose dans ses mains : « « Je lui ai dit de ne pas se creuser la tête pour cela, qu’il n’y avait qu’une chose à faire : prier le bon Dieu, car, ni elle, ni moi, ne pouvions t’aider d’une autre manière. Mais Lui, qui n’est pas embarrassé, nous tirera de là quand il trouvera que nous avons assez souffert, et alors, tu reconnaîtras que ce n’est ni à tes capacités, ni à ton intelligence que tu dois ta réussite, mais à Dieu seul, comme moi, avec mon point d’Alençon ; cette conviction est très salutaire, je l’ai éprouvé par moi-même » (CF 81).

Cette primauté de Dieu dans la famille Martin se traduit concrètement, non seulement par la prière, mais aussi par des choix de vie : la fidélité aux enseignements de l’Eglise catholique, l’honnêteté dans le travail, la justice et même la charité dans les rapports avec les employés, la régularité dans la participation aux offices liturgiques, les pèlerinages, et l’engagement dans des mouvements catholiques, surtout pour M. Martin. Nous n’illustrerons cela que par un seul point qui pourrait nous interpeller encore aujourd’hui, à savoir la sanctification du dimanche. Il n’était pas question de travailler ce jour-là, de faire commerce, Dieu devait être le premier servi. Et pour Zélie Martin il semblerait que son mari était encore plus exigeant qu’elle sur ce point : « je me dis : « Voilà un homme qui n’a jamais essayé de faire fortune ; quand il s’est établi, son confesseur lui disait d’ouvrir sa bijouterie le dimanche, jusqu’à midi. Il n’a pas voulu accepter la permission, préférant manquer de belles ventes. Et malgré tout, le voilà riche. » Je ne puis attribuer l’aisance dont il jouit à autre chose qu’à une bénédiction spéciale, fruits et de son observance fidèle du dimanche. » (CF 140)

Louis et Zélie se sont engagés réellement dans leur sacrement de mariage pour vivre et rayonner l’amour de Dieu. Recherchant l’unité de toute la vie, avec une belle fécondité, ils se sont mis généreusement au service de tous pour le bien commun, dans l’Eglise et le monde, en laissant toujours à Dieu la seule place qui lui vaille, la première. Et nous pouvons terminer en laissant la parole à M. Martin avec une conclusion d’une lettre à sa femme qui exprime merveilleusement toute la qualité relationnelle des époux : « Ton mari et vrai ami, qui t’aime pour la vie ! »

Fr. Antoine-Marie Leduc, o.c.d.

Revenir en haut