Florilège de textes

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I - Récit de sa conversion

Hermann raconte sa conversion à l’une de ses connaissances :

« Lorsque vous m’avez connu, j’étais la proie de tous les excès, de toutes les intempérances et de tous les plaisirs, ou plutôt de tous les désordres de la jeunesse : il ne m’en était resté que des amertumes. A peu près ruiné, j’allai rejoindre mon père à Hambourg ; indigné de ma conduite, il refusa de me venir en aide ; mais, ayant voyagé en Allemagne, je trouvai une magnifique réception dans les familles de ce pays ; les concerts que j’y donnais réussirent parfaitement et je fus accueilli avec une distinction dont j’étais très indigne, à la Cour de Son Altesse Royale le Grand Duc de Mecklembourg Schwerin. Là, je dépensais l’or plus facilement ou plus vite que je ne l’avais gagné. La passion du jeu était pour cela un terrible auxiliaire ; elle faillit plusieurs fois m’entraîner au suicide, tant étaient effrayants les revers que j’éprouvais par elle. »
"Cependant je revins à Paris ; je ne tardais pas à y retrouver la brillante position que j’y avais eue auparavant. Tout me réussit avec un succès incroyable ; le faubourg Saint-Germain m’adopta ; je fus, par cette adoption, comme le favori et l’enfant gâté de la vogue ; toutes les fortunes, toutes les séductions du monde s’emparèrent de mon esprit ; je ne regardais plus ni en arrière ni en avant, et je vivais, au jour le jour, sans songer au lendemain. Toutefois, cette existence si belle, si digne d’envie, dans l’opinion de tant de gens, je n’avais pas le temps d’y réfléchir, et j’étais en réalité toujours inquiet. Cette situation se prolongea jusqu’au mois de mai de l’année dernière : à cette époque, le mois de Marie était célébré avec une grande solennité à l’église Ste-Valère, rue de Bourgogne ; des chœurs d’amateurs s’y étaient formés et y exécutaient des morceaux d’harmonie ou de chants qui attiraient la foule. Monsieur le Prince de la Moskowa qui présidait à ces concerts pieux et que j’avais déjà l’honneur de connaître, me pria un soir de vouloir bien aller le remplacer pour la direction des chœurs. J’acceptai et je me rendis à mon poste, uniquement inspiré par l’amour de l’art musical et la satisfaction de rendre un bon office. Dans l’église même, durant la cérémonie, je n’éprouvais rien d’extraordinaire ; mais quand le moment de la bénédiction fut arrivé, bien que je ne fusse nullement disposé à me prosterner comme le reste de l’assemblée, je ressentis intérieurement un trouble indéfinissable : mon âme, étourdie et distraite par les agitations du monde, se retrouva pour ainsi dire et fut comme avertie qu’il se passait en elle une chose tout à fait inconnue auparavant. Je fus, sans m’en douter, ou plutôt sans participation de ma volonté, entraîné à me courber. Étant revenu le vendredi suivant, je fus impressionné absolument de la même manière, et je fus frappé de l’idée subite de me faire catholique."
"Peu de jours après, je passais un matin près de la même église de Ste-Valère ; la cloche annonçait une messe : j’entrai dans le sanctuaire et j’assistai, immobile et assez attentif ; j’entendis une, deux et trois messes, sans songer à me retirer ; je ne pouvais comprendre ce qui me retenait. Après être rentré chez moi, je fus involontairement, vers le soir, ramené vers le même lieu, et la cloche m’y fit rentrer de nouveau, le Saint Sacrement était exposé, et dès que je le vis, je fus entraîné vers la balustrade de communion, et je tombai à genoux. Je m’inclinai, cette fois, sans effort, au moment de la bénédiction, et en me relevant je sentis un apaisement très doux dans tout mon être. Je m’en retournai dans ma chambre, et je me couchai ; mais durant la nuit entière, je n’eus, en rêve ou en réalité, l’esprit occupé que du saint Sacrement. Je brûlais d’impatience d’assister à de nouvelles messes ; et dès la même époque, j’en entendis plusieurs à Ste-Valère, avec une joie intérieure qui absorbait toutes mes facultés."

Suivent de nouveaux combats, puis la rencontre d’un prêtre. Au mois d’août suivant il part en Allemagne pour un concert. Là, sans respect humain malgré la présence de ses amis, il se rend à la messe. Au moment de l’élévation, il est pris d’un déluge de larmes :

"Il me souvient d’avoir pleuré quelquefois dans mon enfance ; mais jamais, non jamais, de semblables larmes ne m’avaient été connues. Pendant que j’en étais inondé, je sentis surgir du plus profond de ma poitrine les remords les plus déchirants sur toute ma vie passée. Tout à coup et spontanément, comme par intuition, je me mis à offrir à Dieu une confession générale intérieure et rapide, de toutes mes énormes fautes depuis mon enfance : je les voyais là, étalées devant moi par milliers, repoussantes, révoltantes, méritant toutes la colère du Juge souverain. Et cependant, je sentis aussi, à un calme inconnu qui bientôt vint répandre son baume consolant sur toute mon âme, que le Dieu de miséricorde me les pardonnerait, qu’il détournerait le regard de mes crimes, qu’il aurait pitié de ma sincère contrition, de ma douleur amère… Oui, je sentis qu’il me faisait grâce, et qu’il acceptait en expiation ma ferme résolution de l’aimer par-dessus tout et de me convertir à lui désormais."

Au terme de cet itinéraire, un chant de confiance :

"Oui, je le sens, Dieu n’abandonne pas ceux qui sont à lui !… J’éprouve un doux calme dans tout mon être : mon esprit est en repos ; je suis comme un petit enfant sur le sein de sa mère. Je ne veux plus et ne crains plus rien pour moi ; je me laisse tourner en tout sens. Je ne me mets plus en peine de ce que les autres croiront de moi. Je fais, dans ce moment, toutes mes actions le mieux que je peux, avec une attention douce, libre et gaie, et je m’abandonne pour le succès. Je ne me juge plus moi-même, et je ne crains plus d’être jugé. Plus de vaines inquiétudes !…"
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II - Le bonheur

« Il y a au milieu de vous quelqu’un que vous ne connaissez pas. J’ai connu, j’ai aimé le monde, nul n’y goûte le bonheur. Pour le trouver, j’ai parcouru les villes et les royaumes, j’ai traversé les mers, je l’ai cherché dans les spectacles grandioses de la nature, je l’ai cherché dans les bals, dans les salons, dans les festins somptueux, dans les jouissances que procure l’or, dans une ambition démesurée, dans la foi d’un ami. Enfin, où ne l’ai-je pas cherché ? Je ne l’ai trouvé nulle part. Et vous, l’avez-vous trouvé ce bonheur ? Ne vous manque-t-il pas ? Où es-tu donc, bonheur ? Dis-moi où tu es, je te sacrifierai tout : santé, fortune, jours de ma vie, tout, tout pour toi ! »
"Comment se fait-il que tous étant nés pour le bonheur, si peu le possèdent ? C’est que nous sommes trompés dans nos recherches par de fausses lueurs… Enfin, je l’ai trouvé, moi ; et depuis cette découverte, je surabonde de joie ; je vous supplie de partager avec moi ce trop-plein qui m’inonde, mais laissez-moi vous dire où je l’ai trouvé… Le bonheur de l’âme (…) c’est l’infini, c’est Dieu. Oui, il faut l’infini à un cœur insatiable ; l’infini qui lui fait goûter des joies plus délicieuses que tous les plaisirs, qui l’élève à des grandeurs surmontant toutes les élévations."
"Mais, direz-vous, comment l’étreindre, Dieu ? (…) Pour connaître ce Dieu, il faut remonter de la créature au Créateur. Mais qu’est-ce que Dieu en lui-même ? Ici, la foi s’élève au point culminant où la raison s’arrête et nous révèle la nature de ce Dieu et les rapports de paternité et de filiation qui sont en lui.(…) La foi fait éclater à nos regards les splendeurs d’un Dieu trois fois saint. Il est un mot qui fait d’immenses révolutions, un mot qui veut dire talisman, lumière, incendie, amour, honneur, gloire, liberté, éternité, immensité : ce mot, c’est Jésus-Christ, Fils de Dieu et Dieu lui-même. Le péché avait émoussé toutes nos facultés : Jésus-Christ est descendu pour nous faire monter : il s’est donné à nous, il habite au milieu de nous. C’est Jésus-Christ que nous pouvons posséder. Il ne tient donc qu’à nous d’être heureux.
"La foi nous montre le bonheur en Dieu et en Jésus-Christ, son Fils, c’est un mystère que l’orgueil ne peut saisir ; et ce qui prouve que cette vérité vient de Dieu, c’est que l’homme n’invente pas ce qu’il ne peut pas comprendre. Quand je ne croyais pas en Jésus-Christ, le jour j’étais en proie aux ténèbres de l’erreur, la nuit aux angoisses cruelles ; Jésus-Christ a mis en mon âme la paix et le calme, et la Sagesse s’est élevée à la place de l’erreur à l’horizon de mon entendement. Tout ce qui ne se fait pas dans le monde au nom de Jésus-Christ, ne peut être sage, car il est la source de la Sagesse."
"Mais (pour) trouver Jésus-Christ, il faut veiller et prier. Par la prière nous nous humilions, nous comblons l’abîme qui sépare l’homme de Dieu. La prière donne foi. (…) La foi s’acquiert par la prière qui, réunie à la foi, donne à l’âme paix, amour, sagesse, lumière, liberté : toutes choses contenues en Jésus-Christ. On aime le bonheur et Jésus-Christ, seul bonheur possible, n’est pas aimé ! On aime les richesses et Jésus-Christ, surabondance éternelle, n’est pas aimé ! On aime les plaisirs, les grandeurs et Jésus-Christ, plaisir le plus délicieux, Jésus-Christ, splendeur de la gloire éternelle n’est pas aimé !… Jésus n’est pas aimé parce qu’il n’est pas connu ! On étudie, on sait tout, excepté lui… Ce Fils de Dieu, Dieu lui-même, le Père nous l’a donné : c’est ainsi que Dieu a aimé le monde. Et, bien qu’il soit l’ineffable félicité des Anges, il descend du ciel, épris d’amour pour l’humanité, et il se fait homme.. Et Dieu se fait semblable à nous pour se faire aimer de nous. Et c’est pour l’humanité seule qu’il a mené une vie de privations et de souffrances, pour elle seule qu’il a supporté les humiliations, les outrages, les calomnies, qu’il a prêché son évangile, qu’il a enduré les supplices les plus affreux, qu’il est mort dans les tourments les plus infâmes et les plus atroces, qu’enfin il est ressuscité. Il s’est livré lui-même pour nous, dit l’Évangile… Il est descendu des cieux à cause de son immense charité et pour notre salut."
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III - Au terme d’un parcours

"Le doux Maître, qui est l’Epoux de nos âmes, veut posséder mon cœur pour lui seul, non seulement mon cœur, mais aussi ma mémoire, mon esprit, mes vues, mon attention. Il ne veut pas que je forme un projet, que j’aspire à agir pour son service dans le ministère de la parole, que je songe à des entreprises ayant pour objet sa gloire ; mais uniquement que je m’immole à lui en restant caché, dans le silence, dans l’oubli, et qu’après avoir été en quelque sorte un homme public qui occupait l’attention d’un grand nombre, je rentre dans l’obscurité, que je m’efface et disparaisse comme si j’étais mort, et que ma vie reste cachée en Dieu avec Jésus-Christ. Jamais je n’ai senti un attrait surnaturel d’une manière si claire et je goûte une ineffable paix dans cette voie où Jésus m’a fait entrer, quoique mon naturel soit plutôt expansif et porté à une continuelle activité."
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IV - Chemins de grâce

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A) Marie

« Je lui donne tout, même mes communions ; car je l’invite toujours à venir recevoir Jésus en moi. »
« Sainte Thérèse est devenue une si grande sainte parce que, dès l’âge de 12 ans, elle a choisi la Sainte Vierge pour Mère. »
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B) Sur le baptême

« Ce qu’il y a de plus beau pour nous, c’est qu’une fois baignés dans les eaux salutaires de la Rédemption, tout notre passé est oublié, aussi effacé devant Dieu que s’il n’avait pas existé. Voilà ce qui me ravit. »
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C) Sur l’Eucharistie

« Que la divine Eucharistie soit votre lumière votre chaleur, votre force et votre vie. »
« Je voudrais que l’Eucharistie fût pour votre âme un foyer, un brasier, où elle puisse se plonger pour en ressortir toute enflammée d’amour et de générosité. »
« La paix est un don du Saint-Esprit qu’on obtient par la fidélité à l’oraison et aussi par de longues actions de grâce après la communion. »
« Je ne connais qu’un plus beau jour que celui de la première Communion, c’est celui de la seconde Communion, et ainsi de suite. »
« O Jésus Eucharistie, dans le désert de cette vie vous m’êtes apparu un jour, vous m’avez révélé votre lumière, votre grandeur, votre bonté, vous avez changé tout mon être, vous avez su vaincre en un instant tous mes ennemis… Puis, m’attirant avec un enchantement irrésistible vous avez allumé dans mon âme une faim dévorante pour ce Pain de Vie. Vous avez allumé dans mon cœur une soif ardente pour votre Sang Divin. »
« Depuis que j’ai résolu de chercher la lumière dans le tabernacle, toute la sagesse du monde m’est évidente folie. »
« Jésus-Christ aujourd’hui, c’est la divine Eucharistie… Aujourd’hui je suis faible, j’ai besoin d’une force qui me vienne d’en-Haut pour me soutenir, et Jésus descendu du ciel se fait Eucharistie, c’est le pain des forts. »
« Aujourd’hui je suis pauvre… J’ai besoin d’un abri pour me mettre à couvert, et Jésus se fait maison… C’est la maison de Dieu, c’est le portique du ciel, c’est l’Eucharistie. »
« Aujourd’hui je suis malade. J’ai besoin d’un baume bienfaisant pour panser les plaies de mon âme, et Jésus se répand comme un onguent précieux sur mon âme en se donnant à moi dans l’Eucharistie… »
« Je suis découragé, il me relève ; je suis attristé, il me réjouit ; je suis seul, il vient demeurer avec moi jusqu’à la consommation des siècles ; je suis dans l’ignorance, il m’instruit et m’éclaire ; j’ai froid, il me réchauffe d’un feu pénétrant ; mais plus que tout cela, j’ai besoin d’amour, et aucun amour de la terre n’avait pu contenter mon cœur, et c’est alors surtout qu’il se fait Eucharistie ; et il m’aime, et son amour me rassasie, me remplit et me plonge dans un océan de charité. Oui, j’aime Jésus, j’aime l’Eucharistie. Jésus, Jésus aujourd’hui, c’est Jésus avec moi… Ce matin à l’autel, il est venu, il s’est donné, je l’ai, je le tiens, je l’adore. Il s’est incarné dans mes mains… C’est mon Emmanuel, c’est mon amour, c’est mon Eucharistie. »
« Si le Roi David dansait devant l’Arche qui vous figurait, ô mon Alliance véritable, en quels élans de joie, en quels chants de triomphe ne dois-je pas éclater ? »
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V - Adoration et travail

(extrait d’une lettre du temps de ses études)

"Vous me demandez si l’Adoration perd à mon changement de vie ? Du moins, elle ne le devrait nullement. Qui m’empêche d’offrir toutes mes études à Jésus comme un hommage d’amour à son Saint-Sacrement ? Ne puis-je pas apprendre par amour, lire par amour, discuter et argumenter et philosopher par amour ? La vraie adoration, l’adoration des adorations, c’est de faire la volonté de Dieu. Or comme il m’est connu évidemment que l’aimable Jésus demande de moi surtout de mettre tous mes efforts et tous mes moments libres à l’étude, je dois tâcher de lui offrir cette adoration studieuse qui, certes, Lui sera plus agréable que si je passais mes jours et mes nuits au chœur dans les sentiments les plus extatiques, lorsque mes supérieurs demandent autre chose de moi."
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VI - Conseils spirituels

« La raison pour laquelle le bon Maître ne fait pas toujours entendre sa douce voix, c’est qu’il aime à se faire chercher, et rien ne lui est plus agréable que les efforts d’une âme éprise de son amour, qui, comme Madeleine, s’adresse aux créatures du ciel et de la terre pour leur demander : »où es-tu mon Dieu ?" Nous devons languir après Jésus, comme le cerf altéré après la fontaine des bois. Une seconde raison, c’est pour nous tenir dans l’humilité. Si nous avions toujours la consolation des entretiens si délicieux de Jésus, nous finirions par nous croire quelque chose, tandis que nous sommes cendre et poussière, pis que cela… pécheurs ! Oh ! Que Jésus est bon et miséricordieux de ne pas nous repousser, et de daigner nous supporter malgré nos misères, nos lâchetés et notre inconstance à son service !"
« Vous devez tendre à établir une profonde paix dans votre âme, éviter ce qui peut la troubler ; priez Jésus de commander aux vents et aux tempêtes, et de faire le calme et la tranquillité dans votre intérieur. Le monde ne sait pas donner la paix. Jésus, l’Agneau de Dieu, est venu pour que nous l’ayons abondamment. Mais, cependant, elle ne sera parfaite qu’au ciel. Ici-bas, où nous ne sommes qu’en passant, nous devons toujours aspirer à ce repos définitif qui nous attend dans les bras de Dieu. Un jour, nous nous endormirons et nous reposerons, comme dit le Psalmiste, dans Celui qui est Lui-même la Paix éternelle. »
« N’épargnez rien pour conserver la délicieuse paix de Jésus ; un bon moyen, c’est de penser peu à vous-même et beaucoup à Jésus ; quand l’âme s’abandonne à Jésus, alors Notre Seigneur se charge d’une manière spéciale de sa conduite, il y produit ce calme paisible qu’il fit régner sur la mer de Tibériade, quand il venait à Pierre marchant sur les eaux. »
« Les soucis matériels ne doivent jamais vous détourner de l’attention à Dieu, parce que c’est précisément à Dieu que vous devez recourir pour les aplanir, et que, dans toutes ces choses, vous devez toujours, avec la plus grande pureté d’intention, avoir uniquement en vue le bon plaisir de Dieu. »

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