Homélie 12° Dim. TO : la tempête avec Jésus

donnée au couvent de Paris

Dimanche 21 juin 2015 - 12° dimanche du Temps ordinaire

Textes liturgiques : Jb 38, 8-11 ; Ps 106 ; 2Co 5,14-17 ; Mc 4,35-41

Quelle est donc cette tempête qui se déchaine brusquement sur les eaux calmes du lac ? Pour les connaisseurs de la Palestine et du micro-climat du lac de Tibériade, la réponse est bien connue. Pareil phénomène se produit lorsque les vents venant de la mer Méditerranée, à l’ouest, rencontrent violemment les vents venant du désert, au sud. Brusquement le calme habituel du lac se transforme en tempête. L’événement rapporté par l’évangéliste devient alors un tableau vivant de ce que nous pouvons nous même connaître. Alors que notre vie se déroule sans histoire surgit un évènement qui ressemble à une tempête : accident de santé ou de la route, rupture de relation, échec brutal, violence subie… Nos repères sont alors bouleversés ; nous nous sentons petits, perdus. Dieu Lui-même nous semble absent.

Et pourtant Jésus, le vivant, le ressuscité est autant avec nous qu’il l’était avec ses disciples lorsque les vagues envahissaient la barque : leur vie était réellement en péril et lui dormait. Selon la prophétie d’Isaïe, n’est-il pas celui que la vierge Marie devait enfanter et qui recevrait le nom d’Emmanuel, ce qui veut dire « Dieu avec nous » ? Et lui-même n’a-t-il- pas quitté ses apôtres en leur promettant : «  Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps ». Or cette promesse a valeur pour nous. Mais la parole adressée aux disciples « N’avez-vous pas encore la foi  » est aussi un appel à une foi plus juste. L’image que nous avons de Dieu est peut-être à corriger. Dieu n’est pas avec nous pour nous dispenser des épreuves de la vie mais pour nous y accompagner, les vivre avec nous. Il est là pour nous aider à grandir dans une vie d’union profonde avec lui et à faire une l’expérience fondamentale : nous n’avons pas à avoir peur de notre propre faiblesse, car il est toujours avec nous, comme les disciples ont pu expérimenter que leur crainte n’était pas mortelle.

En pareille situation d’épreuve, où Jésus nous appelle à plus de foi, nous ne devons pas seulement répondre par un effort humain qui s’appuierait sur notre décision et notre courage. La vérité est de nous reconnaitre pauvres de foi et de demander dans une simple prière, une prière de pauvres : « Seigneur, augmente ma foi ». Et si nous sommes trop faibles pour prier ainsi avec confiance, si nous nous ne voyons pas que Jésus est avec nous dans la barque de notre existence, nous voyons par contre que nous sommes embarqués avec d’autres. Nous pouvons et nous devons alors faire appel à nos frères et sœurs dans la foi et leur demander de prier avec nous  : « Augmente notre foi ».

Cet évangile n’a pas seulement valeur pour les situations de grande détresse. Si nous éprouvons, parfois ou souvent, que le Seigneur semble « dormir  », et qu’il nous oublie, nous pouvons nous dire, qu’en réalité il est « sur le coussin à l’arrière de la barque », c’est-à-dire qu’Il est là où se trouve le gouvernail. Il sait où il nous conduit avec puissance. Ressuscité, vainqueur de la mort, Il est capable de museler les forces du mal qui nous retiennent encore et nous empêchent de devenir libres pour aimer. Autrement dit il peut nous donner de parvenir à ce que à quoi nous aspirons au plus profond de nous-mêmes.

C’est bien ce qu’exprime St Paul dans l’extrait de la 2e lettre aux Corinthiens que nous venons d’entendre dans la deuxième lecture. « L’amour du Christ nous saisit quand nous pensons qu’un seul est mort pour tous, et qu’ainsi tous sont passés par la mort. Car le Christ est mort pour tous, afin que les vivants n’aient plus leur vie centrée sur eux-mêmes, mais sur Lui, qui est mort et ressuscité pour eux. … Si donc quelqu’un est dans le Christ, (et tout chrétien l’est) il est une créature nouvelle. Le monde ancien s’en est allé, un monde nouveau est déjà né » Le Christ n’est pas seulement à coté de nous comme il l’était avec ses disciples avant sa Pâques. Il est ressuscité. Nous sommes en lui et lui est en nous, au plus intime de nous-mêmes. A nous d’être réaliste et de le reconnaitre si proche, lui notre frère, notre ami et notre Seigneur.

Mes amis, c’est ainsi : une tempête petite ou grande peut nous faire prendre conscience de notre peu de foi mais aussi de notre vocation à être de plus en plus dans le Christ et de passer petit à petit sur l’autre rive, dans ce monde nouveau.

fr. Dominique Sterckx, ocd (Couvent de Paris)
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