Homélie 12° dim. TO : une question vitale

donnée au couvent de Paris

Textes liturgiques (année C) : Za 12,10 - 13,1 ; Ps 62 ; Ga 3, 26-29 ; Lc 9, 18-24

Laissons-nous surprendre par cette question. Qui oserait faire à ses proches une telle demande ? Jésus a conscience de son mystère et sait combien cette question est vitale pour nous : « Pour vous, qui suis-je ? » Cette question est en effet au cœur de l’existence chrétienne. C’est la question qui l’emporte sur toutes les autres. « Qui est Jésus pour moi ? » Répondre à cette question est plus vital pour un chrétien que toute question sur la vie ou la mort, le bien ou le mal, la souffrance ou le bonheur. Cette question est plus importante que celle de savoir qui je suis moi-même, puisque c’est en Jésus-Christ que je peux le découvrir en vérité, lui qui fait de moi un membre de son Corps, lui à l’image de qui j’ai été créé pour devenir enfant de Dieu. Cette question est même première par rapport à celle de l’existence de Dieu, car c’est en Jésus-Christ que je connais Dieu véritablement : « Qui m’a vu, a vu le Père. » (Jn 14,9b)

Mais alors, quelle réponse donner à une telle question ? Peut-on se satisfaire de celle de Pierre ? : « Le Christ, le Messie de Dieu ! » Quand bien même la compléterions nous par la formulation donnée dans l’Evangile selon Saint Matthieu « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! » serions-nous parvenus pour autant au but ? Ne percevons-nous pas une insatisfaction que la seule récitation du credo tout entier ne parviendra pas à dissiper ? La réponse de Pierre est la première expression de la confession de foi de l’Église. A ce titre, elle est indépassable. Pourtant, elle reste insuffisante du fait même de son objectivité, car elle laisse échapper la force d’une interpellation personnelle. Elle peut ne pas engager en profondeur de manière personnelle ; la question ne relève pas que du savoir, elle appelle un ’oui’.

C’est pourquoi Jésus poursuit par l’annonce de sa Passion, de sa mort et de sa résurrection. La question qu’il pose n’est pas scolaire, car il y engage totalement son existence pour Dieu jusqu’au don de sa vie sur la Croix. Aussi la réponse que nous avons à donner ne peut pas s’en tenir à une bonne connaissance du catéchisme : « Celui qui veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix chaque jour et qu’il me suive. » (Lc 9,23) La réponse est un engagement à suivre Jésus ainsi que Pierre en a d’ailleurs donné l’exemple. Elle pourrait se formuler ainsi : « Seigneur, tu es celui que je veux suivre jusqu’à la fin ! » La réponse vraie consiste dans la décision de suivre Jésus jusqu’au bout, quoiqu’il arrive et d’engager toute son existence dans cette décision.

Nous comprenons mieux le sens de la question de Jésus : « Pour vous, qui suis-je ?  » Il est celui dont la vie donnée jusqu’à la fin sollicite de notre part une réponse qui engage notre propre vie à sa suite, parce que lui seul nous révèle l’amour dont Dieu nous aime. Cela suppose d’abord de contempler son cœur transpercé sur la Croix comme l’annonçait déjà le Prophète Zacharie. C’est au pied de la Croix que nous recevons cette certitude de l’amour qui délivre notre conscience du poids de ses fautes. Alors peut jaillir une confiance absolue en l’amour de Dieu pour nous, cette confiance qui nous ressuscite et nous rend capable de croire en la parole de Jésus : pour sauver sa vie, il faut consentir à la perdre !

Du point de vue strictement rationnel, une telle affirmation semble absurde. Pourtant, elle devient une évidence pour quiconque ose prendre le risque d’aimer, le risque de la confiance dans la fidélité et dans le respect de l’autre jusqu’à l’oubli de soi. Cette vérité là ne se prouve pas. Elle se vit à la suite de celui qui est la Vie en plénitude. Cette vérité ne s’impose pas, mais elle conduit irrésistiblement à suivre celui qui nous entraîne dans la dynamique de sa Pâque. Suivre Jésus, c’est placer notre vie toute entière sous la lumière de sa Parole et faire confiance à son Esprit d’amour.

Paul en exprime le mystère : si vous appartenez au Christ, vous êtes héritiers de la promesse, fils de Dieu par la foi dans le Christ Jésus ! En définitive, répondre à la question « Pour vous, qui suis-je ? », c’est découvrir en Jésus notre propre identité, celle d’enfant de Dieu. En le suivant dans sa confiance en la promesse du Père, nous découvrons qui nous sommes en vérité. Sa Parole est exigeante, mais elle est douce comme ce désir d’aimer qui nous conduit alors à marcher à sa suite dans les vouloirs du Père.

fr. Olivier Rousseau, ocd (Couvent de Paris)
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