Homélie 17° dim. TO : la prière de Jésus

donnée à Lisieux

Textes liturgiques (année C) : Gn 18, 20-32 ; Ps 137 ; Col 2, 12-14 ; Lc 11, 1-13

Luc est l’évangéliste qui nous parle le plus de la prière de Jésus. Il nous donne de contempler Jésus dans sa relation filiale au Père. Cela imprègne tout son évangile.

La première parole de Jésus dans l’évangile de Luc, c’est la réponse de Jésus à Marie et à Joseph qui viennent de passer trois jours à le chercher, lors du retour du pèlerinage à Jérusalem. Et Jésus déclare : « Comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? » (Lc 2,49).

La dernière parole, Jésus la prononce sur la Croix, avant de mourir, il s’écrie : « Père, en tes mains je remets mon esprit » (Lc 23, 46). Il est intéressant de noter que la première parole de Jésus comme sa dernière sur la croix, contiennent le mot « Père ». Nous pouvons dire que toute la vie de Jésus est un colloque filial, un dialogue du Fils avec son Père. Dans son incarnation, le Christ Jésus se situe sans cesse comme Fils. Et c’est bien ce qui se manifeste dans l’évangile de ce jour : non seulement Jésus s’y révèle comme « Fils du Père » mais il nous invite à devenir « fils » en recevant le don du Saint-Esprit.

« Il arriva que Jésus, en un certain lieu, était en prière. Quand il eut terminé, un de ses disciples lui demanda : “Seigneur, apprends-nous à prier, comme Jean le baptiste, lui aussi, l’a appris à ses disciples” » (Lc 11, 1).

C’était tellement habituel pour Jésus de prier que l’évangéliste ne situe plus ni le temps, ni l’espace. Cela se passe « un jour », « en un certain lieu »… Oui, Jésus avait une pratique habituelle et répétée de la prière personnelle.

Les disciples attendent qu’Il ait fini. C’est à dire qu’ils perçoivent bien que Jésus vit une relation et ils respectent ce qu’Il est en train de vivre avec son Père mais en même temps, ils ont le désir d’y entrer à leur tour, ils ont le désir de vivre eux aussi de cette relation qu’ils voient vivre à leur Maître.

Nous sommes invités, nous aussi à contempler la relation de Jésus avec son Père… Nous sommes invités nous aussi

  • à demander au Seigneur de nous apprendre à prier,
  • à nous faire entrer dans ce colloque filial avec son Père,
  • à nous faire entrer dans cette intimité qui soutenait toute son action, tout son agir, toute sa mission.

En réponse à la demande des disciples, Jésus leur donne le « Notre Père ». Il ne s’agit pas d’abord d’un texte à réciter, amis l’archétype de la prière des disciples, du modèle de toute prière, du modèle de la prière des fils.

Si Jésus nous l’enseigne, c’est parce qu’il permet ainsi de situer, de hiérarchiser les différentes intentions de la prière.

« Quand vous priez, dites : Père  » (Lc 11,2). Au début de la prière nous commençons par nous adresser à Quelqu’un. La prière est une relation vivante, « un commerce d’amitié avec Celui dont nous savons qu’il nous aime » dirait sainte Thérèse d’Avila (Vie 8, 5.)

Puis Jésus nous invite à nous occuper des affaires du Père : « Que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne » (Lc 11,2). Nous nous occupons de son intérêt à Lui, sachant que la manifestation de sa Sainteté et la venue de son Règne vont rejaillir sur le monde des humains en actes de Salut.

Après nous être adresser à Quelqu’un, d’une manière personnelle, dans une relation, et avoir pris en compte ses intérêts, nous continuons la prière par les besoins de l’humanité : « Donne nous le pain dont nous avons besoin pour chaque jour » (Lc 11, 3). Quand nous demandons notre pain, c’est à la fois le pain qui nous servira corporellement mais c’est aussi le pain spirituel dont nous avons besoin pour croître spirituellement comme enfant de Dieu, dont nous avons besoin pour mener les combats spirituels qui sont les nôtres.

« Pardonne-nous nos péchés » (Lc 11,4). Nous avons besoin du Pardon pour croître en humanité. Et il s’agit véritablement d’un don à recevoir. Nous n’avons pas en nous-même la capacité et la force de pardonner. C’est un chemin sur lequel Dieu nous précède et nous appelle. Le Pardon, c’est l’achèvement du Don. Dieu se donne à nous comme un Dieu pardonnant, nous rappelant que rien ne peut nous séparer de lui ; notre péché est obstacle, mais déposer dans le cœur de Dieu il devient source de grâce. Et dans le pardon reçu, nous trouvons la source du pardon pour pardonner à notre tour.

« Ne nous laisse pas entrer en tentation » (Lc 11,4). Jésus nous enseigne à prier pour demander à Dieu son assistance dans l’épreuve, sachant que, de par notre condition humaine, nous ne pouvons pas y échapper. L’épreuve fait partie du parcours humain, l’épreuve est le lieu d’exercice de notre liberté. Je crois qu’il n’y a que les épreuves qui nous permettent de vérifier quels sont les attachements et les valeurs qui sont les nôtres, quels sont nos points d’ancrage.

La prière est une invitation à voir les choses du point de vue de Dieu, en attendant tout de sa grâce. Cela ne conduit pas à une démobilisation, à un laisser faire en attendant que cela vienne. Quand je dis tout attendre de sa grâce cela signifie : en mettant au service de sa grâce toutes les ressources de mon intelligence et de mon action, en sachant que la grandeur des fils de Dieu, c’est d’entrer dans l’œuvre du Père.

Pour pourvoir avancer sur ce chemin, Jésus nous indique clairement quoi faire : « Combien plus le Père du ciel donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent ! » (Lc 11,13). Jésus nous invite à demander l’Esprit saint, Il nous faut être véritablement des mendiants de l’Esprit saint. Il ne s’agit pas de demander comme cela en passant, mais de supplier le Père de nous donner son Esprit.

Pour que nous puissions prier, Il faut que l’Esprit vienne prier en nous. (Cf. Rm 8, 26-27). Nul ne peut dire Jésus Christ est Seigneur sans le don de l’Esprit saint (Cf. I Co 12, 3.), nul ne peut dire « Abba Père » sans le don de l’Esprit saint (Cf. Rm 8, 15 ; Ga 4, 6.), c’est pour cela qu’il nous faut demander sans cesse l’Esprit saint. Comme pour la manne, nous ne pouvons pas faire une réserve d’Esprit saint, il nous faut le demander sans cesse. Bien sûr nous l’avons déjà reçu, mais nous avons toujours à le recevoir pour nous laisser mouvoir par lui car « tous ceux qu’anime l’Esprit de Dieu sont fils de Dieu  » (Rm 8, 14). Et si nous le demandons vraiment, avec insistance, le Père nous le donnera : « le Père du ciel donnera l’Esprit à ceux qui le lui demandent  » (Lc 11, 13).

Alors demandons–le pour nous même, demandons-le les uns pour les autres, demandons-le pour la communauté, pour l’Église locale, pour l’Église universelle, pour le Monde.

C’est par la prière qu’une Pentecôte permanente pourra survenir en nous et dans le monde. Que notre prière soit ÉPICLÈSE, appel de l’Esprit sur tous et sur tout. Soyons des mendiants de l’Esprit Saint pour entrer dans la prière du Fils. Amen.

fr. Didier-Marie de la Trinité, ocd (Couvent de Lisieux)
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