Homélie 1er dim. Avent : des veilleurs … debout !

donnée au couvent de Paris

Textes liturgiques du 1er dimanche de l’Avent (année C) : Jr 33, 14-16 ; Ps 24 ; 1Th 3,12 - 4,2 ; Lc 21, 25-28.34-36

Loin du bruit et des spots publicitaires, commence aujourd’hui une nouvelle année liturgique. Elle commence dans le silence sans que la plupart des hommes ne s’en aperçoivent. Les chrétiens eux-mêmes sont parfois surpris de la voir commencer. Marquée par la simplicité liturgique, la couleur qui l’introduit, le violet, n’invite pas tout de suite à la joie. Elle fait appel à la méditation, méditation pénétrée d’espérance, espérance soutenue par l’attente d’un avènement.

Avènement ! Tel est le mot qui caractérise l’ouverture de cette nouvelle année dont la première période est appelée temps de l’avent. Mais de quel avènement s’agit-il ? Les textes du jour ne tarissent pas de mots pour répondre à cette question : il s’agit bien de l’avènement du Fils de l’homme.

L’Emmanuel ! Ce Dieu dont l’exigence de l’amour le conduit à dresser sa tente au milieu des hommes et surtout à leur faire comprendre qu’un monde de paix, de fraternité et de pardon n’est pas impossible, même si l’histoire des peuples, avant, pendant, et après cet avènement semble défier cette annonce. La question qui demeure est celle de se demander comment comprendre cette annonce de paix que nous célébrerons à Noël alors qu’elle semble se convertir en un avènement agité à la fin des temps selon les propos de l’évangéliste Luc ? Les propos qui précèdent le passage que nous avons écouté ne décrivent pas seulement un malheur cosmique, mais aussi des situations de guerre et de souffrance. Le prince de la Paix serait-il finalement un prophète de malheur ?

En effet, s’il est difficile pour nous de comprendre l’origine du mal, il nous est au moins permis de percevoir les causes des malheurs dans le monde. L’ébranlement des puissances, les guerres, les souffrances décrites par Jésus, avant d’être des signes précurseurs de son avènement, sont des réalités propres à son époque. Et c’est au cœur de ces évènements qu’il a pris chair dans le quotidien des hommes. S’il a pu nous dire : « quand ces évènements commenceront, redressez-vous et relevez la tête », c’est parce qu’il en a lui-même fait l’expérience. Il peut à ce titre nous proposer cette affirmation comme un programme de vie. Par sa vie, il a montré qu’en se redressant dans la direction de Dieu et relevant la tête pour regarder dans les yeux de son vis-à-vis, l’homme pouvait faire de l’avènement de Dieu une réalité dans le monde.

Ainsi, face à l’orgueil, source de division et de discrimination, il a proposé l’humilité, facteur de libération. Devant l’incompréhension de ses coreligionnaires, il a vécu le dialogue et l’écoute. Face à la barbarie qui l’a conduit à la mort, il a prêché le pardon libérateur. Dans un contexte dominé par l’idée d’un Dieu justicier source et cause de division entre les peuples, il a annoncé un Dieu de miséricorde en qui chaque peuple peut se définir et peur voir le reflet de l’autre. Alors que la logique voudrait que les ennemis se regardent en chiens de faïence, il a montré que l’inimitié en elle-même n’a aucune consistance.

Son avènement dans un monde teinté de couleur violette, signe de méditation et d’espérance, a été pour lui le lieu d’un renouvellement de l’intelligence de son temps. Le prophète Jérémie a donc raison de le nommer « Le Germe de justice ». Il a initié une nouvelle justice en montrant qu’au milieu des agitations cosmiques et des malheurs volontaires causés par l’homme, il est possible de se relever et de redresser la tête. « Quand ces évènements commenceront, redressez-vous et relevez la tête, car votre rédemption est proche ». Les catastrophes cosmiques sont de plus en plus présentes en notre monde. La souffrance causée à l’homme par l’homme prend plusieurs formes dans notre monde actuel. Ne sommes-nous pas à l’avènement ultime ? Comme le dit le Fils : Nul ne sait le temps. Ce qui nous est donné c’est de faire comme Jésus : être capable de nous redresser au cœur des tumultes et aussi des malheurs que l’homme inflige à l’humanité. Comment cela est-il possible ?

Le Christ lui-même nous en donne deux pistes à la fin du passage que nous avons écouté. Dans un premier temps, nous sommes appelés à être des veilleurs. Le veilleur de notre monde actuel sera certainement l’homme debout, capable comme le dit saint Paul, d’aller de progrès en progrès en témoignant d’un amour de plus en plus intense et débordant. Le veilleur d’aujourd’hui témoignera qu’il est dans l’attente de l’avènement du Christ, en étant lui-même un Christ dans l’aujourd’hui du monde. Il apprendra à cet effet à se réapproprier les titres sous lesquels le prophète Isaïe annonçait déjà les couleurs messianiques : « merveilleux conseiller et prince de la Paix ». Il apprendra à voir dans les catastrophes actuelles et les souffrances qui nous touchent de près ou de loin, non pas Dieu comme auteur, mais au contraire à percevoir dans le cri de l’humain, l’avènement de Dieu qui se donne et se redonne en quête d’un lieu où se poser et se reposer, sans jamais se lasser. Ainsi, ce veilleur, en se laissant toucher par le Mendiant par excellence, saura relever la tête et être lui-même un rédempteur.

Mais, comment le veilleur pourrait-il être attentif à cet avènement s’il ne suit pas le deuxième conseil de Jésus, c’est-à-dire « prier en tout temps  » ! S’il est vrai qu’on ne peut pas passer toute notre vie devant le tabernacle, il est encore plus vrai que nous pouvons faire de notre vie un temple où Dieu vient, revient et communique en tout temps avec nous. « Voici, je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui, je souperai avec lui, et lui avec moi » (Ap 3, 20). Dès lors que cette affirmation est assumée par le veilleur d’aujourd’hui, sa vie devient non pas seulement un avent, mais aussi un Noël anticipé.

Puisse Dieu au cours de cette préparation à Noël faire de nous des veilleurs debout devant le Fils de l’Homme qui vient, c’est-à-dire des hommes et des femmes qui savent se redresser et relever la tête !

fr. Elisé Alloko, ocd (Couvent de Paris)
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