Homélie 22° dim. TO : une oreille qui écoute

donnée au couvent d’Avon

Textes liturgiques (année C) : Si 3, 17-18.20.28-29 ; Ps 67 ; He 12, 18-19.22-24a ; Lc 14, 7-14

Si j’avais à rassembler les textes que la liturgie de ce dimanche nous offre afin d’en trouver une trame ou un point d’attention, je pense que je choisirai la fin de l’extrait de notre première lecture, le livre de Ben Sirac le Sage, où l’auteur interpelle « son fils » - traduisons tout récepteur de ce message -, par cette phrase : « l’idéal du sage, c’est une oreille qui écoute. ». Voilà un appel qui peut nous rejoindre en ce début d’année – puisque nous sommes plus marqués par le dynamisme du rythme de rentrée scolaire que par le début de l’année nouvelle.

« Une oreille qui écoute… ». Facile à comprendre, mais est-ce aussi simple à mettre en pratique ? Car avec cette expression s’ouvre tout un déroulé de manières d’être, d’attentions à porter aux autres, en un mot savons-nous écouter en liberté, en aimant, en nous ouvrant… ? De plus, la révélation biblique est essentiellement parole de Dieu à l’homme, ainsi Paul ira jusqu’à écrire : « La foi naît de la prédication et la prédication se fait par la Parole du Christ. » (cf. Rm 10). Cette écoute a donc des conséquences dans notre vie quotidienne comme dans notre foi.

Demandons donc en ce début d’année la grâce d’écouter Dieu nous parler. « Ecoutez », répète le Sage, au nom de son expérience et de sa connaissance de la Loi. « Ecoute Israël », redit chaque jour le pieux Israélite pour se pénétrer de la volonté de son Dieu. « Ecoutez », reprend à son tour Jésus lui-même, parole de Dieu. Mais écouter, accueillir la Parole de Dieu, ce n’est pas seulement lui prêter une oreille attentive, c’est lui ouvrir son cœur, c’est la mettre en pratique, c’est obéir. Alors serions-nous disposer en cette période des commencements de mettre en pratique cette invitation en nous interrogeant ? Ecouter Dieu nous parler par les Ecritures, bien sûr. Mais écouter son prochain, son conjoint, ses enfants, sa sœur ou son frère en communauté, ses amis et collègues de travail… Ecouter l’Eglise qui nous parle par ses Pasteurs, écouter monter en nous les bruits du monde même en leurs dissonances. N’aurions-nous pas à mettre en chantier ce travail de l’écoute ? En ouvrant cette perspective, en acceptant de nous laisser interpeller librement et sans filet ou préjugés négatifs, entrons dans cet exercice qui ouvrera pour nous un espace nouveau de vie.

Car reconnaissons-le, les hommes ne savent pas écouter ou ne veulent pas écouter. Et c’est là leur drame. Nous demeurons sourds aux appels de Dieu, et l’Ecriture ne cesse de nous redire que notre oreille et notre cœur sont incirconcis, c’est-à-dire rebelles, fermés au dialogue avec Dieu. Dieu seul peut ouvrir l’oreille de son disciple. Et tel un Maître, Il déploie beaucoup d’énergies pour nous façonner, nous travailler et rendre alors tout être libre et accueillant à sa Vie. Jésus n’aura de cesse de béatifier celles et ceux qui écoutent la Parole de Dieu et la gardent, fécondant alors leur existence. « Heureux ceux qui écoutent la parole de Dieu et la gardent. » (Lc 11,28). La Vierge Marie en est l’exemple le plus saisissant. Depuis et même avant l’Annonciation, Marie écoute son Dieu lui parler. Elle s’efforcera de l’écouter aux heures les plus difficiles lorsque débout au pied de la Croix, elle recevra l’apôtre Jean pour fils, et à travers lui nous tous.

Cependant si l’homme a du mal à vivre cette attitude d’écouter son Dieu ou son proche, Dieu écoute l’homme. Vous me direz que certaines de vos demandes sont restées sans suite…parquées au local des oubliettes. Mais interrogeons-nous quelques instants : Dieu n’écouterait-il pas celui ou celle qui en déposant sa demande prend alors l’initiative d’ouvrir son cœur, c’est-à-dire en refusant toute pression sur Dieu pour que sa demande aboutisse ? Nous savons bien que Dieu n’est pas le distributeur gratuit de bonbons pour nous aider à recevoir et à vivre les désagréments de la vie. En déposant notre demande à Dieu nous nous engageons aussi à ouvrir un espace où pourra grandir notre confiance en Lui.

Ecouter Dieu, croire que Dieu m’écoute et se tient prés de moi, écouter mes proches…voilà beaucoup d’attentions, mais toutes ont au cœur une même nourriture : c’est l’amour qui me fait écouter. Lorsque j’aime, je peux écouter et renouveler sans cesse mon écoute : ce ne sera jamais la même histoire, le même refrain, mais toujours l’expression d’une vie qui se renouvelle. En venant nous asseoir à cette table de l’Eucharistie, pauvres et trop malentendants, laissons Jésus lui-même nous dire : « Mon ami avance plus haut, j’ai encore beaucoup de choses à te dire. Ecoute-moi. »

fr. Didier-Joseph Caullery, ocd (Couvent d’Avon)
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