Homélie 28° dim. TO : La foi s’accomplit dans l’action de grâce

donné au couvent de Paris

Textes liturgiques (année C) : 2R 5,14-17 ; Ps 97 ; 2TM 2,8-13 ; LUC 17, 11-19

Cet Evangile pose la question de la gratitude qui accompagne la foi et de la relation personnelle à Dieu. Une relation vraie suppose un échange, la foi est un don de Dieu et accueillir ce don se fait en rendant grâce. Cet Evangile nous parle aussi de l’importance de percevoir la vraie guérison qui est au-delà du simple rétablissement physique, vraie guérison qui n’est autre que le salut de l’âme, du commencement de la vie éternelle.

Il y a donc cette rencontre de Jésus avec dix lépreux. Cette rencontre se fait dans un village d’une région frontalière entre la Samarie et la Galilée. On sait que Jésus franchissait allègrement les frontières, frontières politiques et frontières religieuses, pour annoncer la Bonne Nouvelle à la recherche d’hommes qui acceptaient d’écouter ce qu’Il avait à leur dire, qui acceptaient de recevoir ce qu’Il avait à leur donner. Jésus va à la rencontre de tous les hommes, et en entrant dans un village, c’est « dix lépreux (qui) vinrent à sa rencontre. » Mais ajoute l’Evangile : «  Ils s’arrêtèrent à distance et lui crièrent : « Jésus, maître, prends pitié de nous.  »

Pourquoi ? Les lépreux étaient condamnés à rester à distance des hommes sains, parce que la lèpre était considérée en Israël comme une impureté. Pas une maladie comme nous le concevons aujourd’hui, mais une impureté qui concernait donc la religion et les prêtres. Le prêtre qui la diagnostiquait ordonnait la mise à l’écart du malade et celui-ci était considéré comme mort à la société. Ainsi, un rituel semblable à celui des funérailles marquait le départ du lépreux hors de la communauté saine.

Au cri des lépreux, Jésus a une réponse qui peut nous sembler étrange aujourd’hui, mais qui s’explique très bien dans la religion juive : «  Allez-vous montrer aux prêtres  ». En effet, la Loi de Moïse – non sans optimisme, c’est à noter – préconisait aussi un rituel pour le cas d’une guérison de la lèpre : le prêtre devait pouvoir le constater, déclarer pur le lépreux guéri et le réintégrer dans sa famille et la société. C’est à cela que Jésus invite les dix lépreux quand il leur dit : «  Allez-vous montrer aux prêtres. » Mais observez bien qu’à ce moment-là, ils ne sont pas encore guéris ! Jésus les envoie avant leur guérison effective, testant ainsi leur foi en son pouvoir.

Les lépreux, selon toute vraisemblance, le croient, puisqu’en chemin ils sont guéris miraculeusement. Ou plutôt, en termes bibliques, il faut dire qu’ils sont « purifiés ». Rappelez-vous ce qui est dit dans la première lecture au sujet du général syrien Naaman : « alors sa chair redevint semblable à celle d’un petit enfant : il était purifié ». Et dans l’Evangile, il est écrit de même au sujet des dix lépreux : « En cours de route, ils furent purifiés ». Ce qui est clair pour nous, comme pour eux, c’était qu’ils étaient guéris, guéris à cause de leur foi en la puissance de guérison de Jésus. Jésus opère donc ici un nouveau miracle, qui peut susciter notre admiration, notre action de grâce pour la compassion de Jésus et pour la foi de ces dix lépreux. L’Evangile pourrait s’arrêter là, mais ce n’est pas le cas.

La deuxième partie du récit nous montre que si leur foi les a « purifiés », guéris, elle n’a pas été suffisante pour les « sauver » faute d’exprimer leur gratitude, à une exception près ! Car l’un des dix, un samaritain, sans hésiter ni tarder, retourne auprès de Jésus pour le remercier. « Il se jeta face contre terre aux pieds de Jésus en lui rendant grâce  ». Seul ce lépreux samaritain retourne vers Jésus pour rendre gloire à Dieu, pour exprimer à Jésus sa gratitude et à cause de cela, il est le seul à entendre ces mots : « Relève toi et va : ta foi t’a sauvé ». Une parole de Dieu, qu’on « n’enchaîne pas » pour reprendre le mot de St Paul dans la deuxième lecture. Une parole de Dieu qui a du poids !

On est en droit de conclure que si la foi ne s’accompagne pas de gratitude, elle n’est pas complète, elle n’est pas achevée, ce n’est pas encore la foi qui sauve ! La véritable foi est une union du don de Dieu et de la reconnaissance de l’homme par rapport à ce don. «  Si tu savais le don de Dieu !  » dit Jésus à la Samaritaine (Jn 4,10). Reconnaitre le don de Dieu et lui dire sa gratitude est un même mouvement de vie, de foi, de salut. Quand on apprend à rendre grâce, la vie commence à changer vraiment. Et même dans les simples relations humaines.

Dans la première lecture, un autre étranger à la religion d’Israël, le général Naaman, veut exprimer sa gratitude au prophète Elisée en lui donnant un présent. Elisée refuse et, finalement, Naaman trouve la solution en emportant de la terre du pays d’Israël pour pouvoir adorer le Dieu d’Israël. Quelle belle preuve d’esprit de gratitude !

Ce sont donc deux étrangers à la religion d’Israël qui nous donnent ce matin une leçon : la gratitude et l’action de grâce envers notre Dieu est le vrai témoignage de la foi, de la foi qui guérit, qui purifie, qui sauve. La gratitude envers Dieu entraîne la gratitude envers le prochain, elle est source féconde d’action dans le monde… Et quand on est habité par la gratitude, on est aussi habité par la miséricorde.

Demandons à Dieu, frères et sœurs, de vivre de cette foi véritable qui change la vie !

fr. Robert Arcas - (Couvent de Paris)
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