Homélie 2° dim. TO : Dieu dans l’ordinaire !

donnée au couvent de Paris

Textes liturgiques (année C) : Is 62, 1-5 ; Ps 95 ; 1 Co 12, 4-11 ; Jn 2, 1-11

La manifestation de Dieu dans notre humanité est au cœur de notre foi chrétienne. Et c’est précisément ce mystère-là que nous avons célébré à Noël : de façon absolument inouïe, l’accomplissement des prophéties confiées à Israël se réalise, pour le peuple élu et pour toutes les nations, par la naissance en notre chair du Fils de Dieu lui-même. La dernière semaine du temps de Noël, entre la solennité de l’Épiphanie et la fête du Baptême du Seigneur, s’est attachée plus particulièrement à faire mémoire des manifestations lumineuses du Christ dans son ministère public. En effet, dans les récits évangéliques que la Parole de Dieu nous a faits entendre alors (guérisons, multiplication des pains, marche sur les eaux), nous avons vu autant de signes éclatants qui nous ont fait reconnaître en la personne de Jésus la manifestation de la gloire de Dieu. L’Épiphanie elle-même est la manifestation du Sauveur à tous les peuples, représentés symboliquement et par anticipation par les mages venus d’Orient. Le Baptême du Christ, quant à lui, est le moment où le ciel se déchire et où la voix du Père se laisse entendre : « Tu es mon Fils bien aimé ; en toi, je trouve ma joie », manifestation de l’être unique qu’est Jésus. Et maintenant que nous sommes entrés dans ce que la liturgie appelle le temps ordinaire, nous sommes invités aux noces de Cana, où il est encore question de manifestation lumineuse du Christ, mais au milieu d’une scène très familière, une scène de fête comme tout le monde peut en connaître. C’est comme si la liturgie voulait orienter le regard de notre cœur vers la manifestation du Seigneur, qui se produit dans les circonstances ordinaires de notre vie.

« Tel fut le commencement des signes que Jésus accomplit. C’était à Cana de Galilée. Il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui ». Dans l’Évangile de saint Jean, nous avons entendu le récit de ce premier signe accompli par Jésus. Comment, en quoi, le Seigneur a-t-il manifesté là sa gloire ? Il a été attentif au manque qui lui était humblement présenté ; il a voulu communier au bonheur de ceux qui vivaient un événement important comme l’est un mariage ; et, après avoir agi, il est resté sur l’arrière de la scène tandis que se manifestait la joie parmi les convives. Paradoxe de cette manifestation de la gloire de Jésus, éclatante et cachée à la fois : le miracle est époustouflant (de l’eau changée en vin, et à profusion !) mais seul un tout petit nombre de témoins en ont connaissance explicitement (les plus humbles, les serviteurs). Ainsi, pour la majorité des convives présents à Cana, la manifestation de gloire, c’est la joie des noces qui peut aller à son comble sans être interrompue par la pénurie de vin. Nous aussi, dans notre vie de tous les jours, nous sommes appelés à discerner les manifestations de la gloire de Jésus. Pour ce faire, l’attitude que l’Évangile nous enseigne, c’est l’humble prière et la foi : présenter humblement au Seigneur ce qui nous fait défaut, et croire qu’il désire notre bonheur. Sa manifestation, nous la reconnaîtrons dans la joie de notre cœur, qui est un écho de sa propre joie : joie du Christ qui accomplit le mystère de notre salut, qui nous arrache à nos chemins de perdition, qui nous conduit sur les chemins du Père et accomplit ainsi la mission qui lui a été confiée.

Et saint Paul nous apprend que nous ne sommes pas seulement les bénéficiaires de la manifestation de Dieu : nous en sommes aussi les dépositaires afin que, par nous, à travers nous, d’autres reçoivent à leur tour la manifestation de Dieu : « À chacun est donné la manifestation de l’Esprit en vue du bien » : paroles de sagesse, paroles de connaissance, don de foi, don de guérison, discernement… nous pouvons poursuivre la litanie des dons de l’Esprit entamée par l’Apôtre dans sa première lettre aux Corinthiens en y ajoutant les dons qui ont été faits à chacun de nous. Il s’agit pour nous d’en rendre grâce à Dieu, et de les mettre en œuvre pour le bien de l’Église, pour le bien d’autrui : les dons que nous avons reçus sont des manifestations de l’Esprit, qui sont remis entre nos mains pour que, en les exerçant, nous manifestions la présence de Dieu dans notre monde. Nous sommes responsables du don de Dieu qui nous a été confié.

À nous maintenant, en ce début d’année, de prendre le temps de la prière, sous le regard du Seigneur, pour reconnaître ses manifestations dans notre vie. Reconnaître les passages de Dieu que nous avons accueillis, afin de lui en rendre grâce ; reconnaître aussi nos résistances à sa venue, afin de lui en demander pardon et de le prier de convertir notre cœur : ainsi notre regard spirituel s’affinera toujours plus et nous saurons, comme le maître du repas des noces de Cana, nous réjouir de la saveur exquise de la présence de Dieu dans nos vies. Reconnaître, enfin, les dons de Dieu dont nous sommes les dépositaires, chacun de nous, personnellement, afin de lui en rendre grâce et de les mettre en œuvre là où nous sommes, pour que le salut de Dieu rejoigne toujours plus, à travers nous, toute personne.

Ainsi Dieu lui-même pourra trouver toujours plus sa joie dans notre monde : « Comme la jeune mariée fait la joie de son mari, tu seras la joie de ton Dieu ». Procurer à nos frères et sœurs, et à Dieu lui-même, la joie de l’accomplissement du salut dans notre monde : à nous de contribuer à cette merveille aujourd’hui !

fr. Anthony-Joseph de sainte Thérèse de Jésus, ocd (Couvent de Paris)
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