Homélie 2° dim. de Pâques : ressusciter l’espérance

donnée au couvent de Paris

Textes liturgiques du 2e dimanche de Pâques (année C) : Ac 5, 12-16 ; Ps 117 ; Ap 1,9-19 ; Jn 20, 19-31

Il arrive souvent que les paroles de nos célébrations liturgiques paraissent déphasées et même en totale discordance avec les situations actuelles de l’existence, comme si les unes et les autres relevaient de deux univers qui n’avaient rien en commun. Tel a pu être le cas dimanche dernier, au matin de Pâques. Alors que retentissaient encore les Alléluia qui avaient éclaté dans la nuit comme autant d’appels à louer le Seigneur, on apprenait le massacre qui venait d’avoir lieu à Lahore au Pakistan. A moins de réduire les acclamations liturgiques à de belles paroles de consolation, intemporelles et éphémères, et de mettre à distance les évènements, petits ou grands, qui nous rejoignent, comment conscientiser l’appel à louer vraiment le Seigneur, dans un mouvement qui ne soit pas seulement des lèvres et de la pensée, lorsque les faits viennent meurtrir la vie du prochain ou la nôtre ?

La question est concrète et il y va de la vérité de notre vie chrétienne. C’est d’ailleurs la question dont notre pape François s’est fait le témoin, au long de la semaine sainte, ne cessant d’évoquer les situations d’inhumanité et d’injustice du monde pour les renvoyer à notre conscience de chrétiens, disciples de Jésus. Elle nous rejoint tous, plus ou moins directement, si nous sommes éveillés dans notre foi chrétienne et solidaires de nos frères et sœurs en humanité. Je pense par exemple à cette famille qui vient d’être traumatisée par une décision de justice parfaitement injuste, la victoire a été remportée en effet non par la justice mais par l’argent corrupteur. La décision est maintenant sans appel et les conséquences sont lourdes. En ces circonstances ou en d’autres, comment entendre la parole que le Seigneur adresse ce matin à tous ses disciples dans l’évangile : « Paix à vous » ?

Dans son homélie de la vigile pascale, le Pape disait : « Nous voyons et nous verrons continuellement des problèmes autour de nous et en nous. Il y en aura toujours. Mais, cette nuit, il faut éclairer ces problèmes de la lumière du Ressuscité, et en un certain sens, les « évangéliser ». Les obscurités et les peurs ne doivent pas accrocher le regard de l’âme et prendre possession du cœur. Le Christ est ressuscité, il est toujours à nos côtés et ne nous décevra jamais. Voilà le fondement de notre espérance. L’espérance chrétienne est un don que Dieu nous fait, si nous sortons de nous-mêmes et nous ouvrons à lui. Elle ne déçoit pas car l’Esprit Saint a été répandu dans nos cœurs (cf. Rm 5, 5). Le consolateur ne rend pas tout beau, il ne supprime pas le mal d’un coup de baguette magique, mais il infuse la vraie force de la vie, qui n’est pas une absence de problèmes mais la certitude d’être toujours aimés et pardonnés par le Christ. Aujourd’hui, c’est la fête de notre espérance, la célébration de cette certitude : rien ni personne ne pourra jamais nous séparer de son amour. »

L’évangile de ce matin ne dit pas autre chose. « Alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées, par crainte des juifs, Jésus vint, il était là au milieu d’eux. » Le Ressuscité n’a pas attendu l’appel des disciples, pour venir aux devants d’eux et les rejoindre là où ils étaient, même si la peur les enfermait en eux-mêmes. Il leur dit « Paix à vous ». A ceux qui l’avaient abandonné lors de son arrestation à Gethsémani, il n’a qu’une parole de paix et de pardon qui les délivre de l’enfermement dans leur détresse en leur ouvrant le nouvel horizon de sa présence aimante. « La paix soit avec vous. Ils furent remplis de joie. » C’est un fait : Si la peur et la souffrance enferment, l’acte de foi en la parole du Seigneur ouvre à sa présence à nos cotés en toutes circonstances.

La reconnaissance du Christ dans la foi ne s’arrête pas là. «  La paix soit avec vous. De même que le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. Recevez l’Esprit Saint. » C’est un autre fait. Le Christ ressuscité est porteur de l’Esprit Saint, dont il est inséparable, et l’accueillir c’est s’ouvrir à cet Esprit qui fait de nous des témoins de la vie en Jésus-Christ. Le Pape l’a souligné dans cette même homélie pascale : « Le Seigneur est vivant et veut être cherché parmi les vivants. Après l’avoir rencontré, il envoie chacun porter l’annonce de Pâques, susciter et ressusciter l’espérance dans les cœurs appesantis par la tristesse, chez celui qui peine à trouver la lumière de la vie. Il y en a tellement besoin aujourd’hui. Oublieux de nous-mêmes, comme des serviteurs joyeux de l’espérance, nous sommes appelés à annoncer le Ressuscité avec la vie et par l’amour. »

Serviteurs joyeux de l’espérance. Ils le sont les membres de cette famille que j’ai évoquée, lourdement frappée par l’injustice. Ils font l’étonnement autour d’eux. Car au lieu de se lamenter sur leur propre sort, ils s’efforcent de soutenir une autre famille affectée par la même épreuve. « La Paix avec vous », la paix avec toi… « Comme le Père m’a envoyé je vous envoie », je t’envoie. Gardons précieusement ces paroles, personnellement et communautairement. Qu’elles soient notre joie et notre espérance. Et puissions nous crier ! « Mon Seigneur et mon Dieu. »

fr. Dominique Sterckx, ocd (Couvent de Paris)
Revenir en haut