Homélie 4° dim. Avent : être disciple-missonnaire avec Marie

donnée à la basilique de Lisieux

Textes liturgiques du 4e dimanche de l’Avent (année C) : Mi 5,1-4 ; Ps 79 ; He 10,5-10 ; Lc 1,39-45

« En ces jours-là »… (Lc 1, 39)

Durant ce temps de l’Avent, l’évangéliste Luc nous a fait parcourir une vaste chronologie. Souvenez-vous, le 1er dimanche de l’Avent, nous étions aux temps derniers, lors de la venue du Christ en gloire sur les nuées du Ciel (cf. Lc 21, 25-36). Les 2e et 3e dimanches de l’Avent, nous entendions la prédication de Jean-Baptiste qui « préparait la route au Seigneur », En ce 4e et dernier dimanche de l’Avent, Luc nous donne de contempler la Visitation. Nous passons ainsi de la venue dans la gloire à la présence cachée d’un enfant dans le sein de sa mère. Une manière, pour la liturgie de nous signifier que Celui que nous attendons est venu, qu’il reviendra et paradoxalement qu’il demeure toujours avec nous. Et c’est sa présence dans le « banal quotidien » qui nous fait désirer sa venue dans la gloire…

« Marie se mit en route et se rendit avec empressement vers la région montagneuse » (Lc 1, 39).

Après avoir reçu l’annonce de l’ange qu’elle concevrait et enfanterait un fils, Marie part immédiatement et « avec empressement » près de sa cousine dont elle vient d’apprendre qu’elle en est « à son sixième mois [de grossesse] alors qu’on l’appelait la femme stérile » (Lc 1, 36). La Bienheureuse Élisabeth de la Trinité, moniale carmélite à Dijon, a longuement contemplé ce mystère de l’Annonciation et de la Visitation, elle écrit : « À travers tout la Vierge restait l’adorante du don de Dieu ! Cela ne l’empêchait pas de se dépenser au-dehors lorsqu’il s’agissait d’exercer la charité ; l’évangile nous dit que Marie parcourut en toute diligence les montagnes de Judée pour se rendre chez sa cousine Élisabeth. Jamais la vision ineffable qu’elle contemplait en elle-même ne diminua sa charité extérieure » (Le Ciel dans la Foi n° 40). Ne nous y trompons pas, si au début de son évangile Luc présente ce « voyage de Marie » c’est déjà dans la perspective de la mission, de l’annonce de la parole de Jérusalem jusqu’aux extrémités de la terre. Nous pourrions dire que Marie est la première « disciple-missionnaire » pour reprendre l’expression du Pape François.

« Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth » (Lc 1, 40).

Le parcours de la parole de Dieu se fait de façon simple, dans le quotidien, « dans la maison », « entre parents ». Une transmission naturelle, dans la simplicité du quotidien. Marie ne dit rien d’elle-même, ni de ce qu’elle a vécu, mais elle salue sa cousine et vient prendre part à sa joie. Élisabeth se disait intérieurement : « Voilà ce que le Seigneur a fait pour moi en ces jours où il a posé son regard pour effacer ce qui était ma honte devant les hommes » (Lc 1, 25). Et l’inattendu se produit :

« Quand Élisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle » (Lc 1, 41).

Luc, qui était médecin, au dire de saint Paul (cf. Col 4, 14), est ici très concret, il dit « l’enfant tressaillit dans son ventre ». Évocation des premiers mouvements dans le sein de la mère, instant si émouvant pour une femme qui sent pour la première fois la vie prendre son autonomie en son sein. Dès le sein de sa mère, Jean-Baptiste commence son rôle de prophète. Et la première destinataire de son annonce est sa propre mère.

« Alors, Élisabeth fut remplie de l’Esprit Saint » (Lc 1, 41).

Une pentecôte avant l’heure ! Une pentecôte intime et familiale, sans éclat… La présence de Jésus, le Verbe de Dieu dans le sein de Marie, la « comblée de grâce » (Lc 1, 28), celle « sur qui vient l’esprit saint  » (cf. Lc 1, 1, 35) permet à Élisabeth d’être remplie de ce même Esprit. « Prendre Marie chez nous  » (cf. Jn 19, 27) permet à Jésus de nous combler d’Esprit Saint. En recevant Jésus au plus intime de notre être, le mystère de la communion eucharistique nous rend à notre tour porteur du Christ, ’Christophore’, et nous pouvons alors permettre à Jésus de remplir d’Esprit Saint ceux vers qui il nous enverra à l’issue de cette célébration…

« Elle s’écria d’une voix forte » (Lc 1, 42).

Ce petit verset est extraordinaire, l’expression utilisée par Luc est tout à fait particulière. On ne la trouve que dans le livre des Chroniques où elle désigne toujours et uniquement les « acclamations liturgiques » en l’honneur de l’Arche d’Alliance. Par là même, Luc désigne ici, Marie comme l’Arche de l’Alliance nouvelle. Saisie par l’Esprit Saint, Élisabeth acclame Marie comme nouvelle Arche. Elle reconnait en elle la présence de Dieu. Une louange extraordinaire jaillit alors des lèvres d’Élisabeth. Elle reconnaît que Marie a été bénie par Dieu, mais plus encore, alors que Marie n’a pas encore eu le temps d’annoncer sa grossesse, Élisabeth affirme que celui qu’elle porte en elle est béni. Elle reconnait en sa cousine « la mère de son Seigneur » (Lc 1, 43) et s’étonne qu’elle « vienne jusqu’à elle ». Nous pouvons entendre en écho le cri de David, au deuxième Livre de Samuel : «  Comment l’Arche du Seigneur pourrait-elle entrer chez moi ?  » (2 S 6, 9). Une manière pour Luc d’affirmer qu’en Jésus, nous avons désormais la présence de Dieu parmi les hommes. Une présence qui n’est plus dans des objets inanimés, mais dans un corps façonné « à l’image et à la ressemblance de Dieu » (Gn 1, 26). Un corps qui permet au Christ Jésus de s’offrir au père comme le redit la lecture de la Lettre aux Hébreux : « Tu m’as formé un corps. […] Me voici […] mon Dieu pour faire ta volonté » (He 10, 5.7). Nous n’aurons jamais fini de nous émerveiller, frères et sœurs, du fait que notre Dieu a pris chair de notre chair. L’Incarnation du Verbe a des conséquences infinies que nous n’aurons jamais fini d’explorer pour notre propre manière de vivre notre condition charnelle dans l’offrande de tout notre être au Père et à nos frères…

« L’enfant à tressailli d’allégresse » (Lc 1, 44).

Tressaillir d’allégresse, bondir de joie, cela évoque la joie et la danse de David devant l’Arche d’Alliance (cf. 2 S 6, 15). L’allégresse évoquée ici par Luc ne se trouve que dans le livre des psaumes qui en parle 90 fois. C’est toujours la joie de la présence de Dieu, une joie qui n’a rien à voir avec celle que donne les plaisirs de la terre, c’est cette joie surnaturelle donnée par l’Esprit Saint. Saurons-nous tressaillir de joie à la venue de notre Sauveur ? Savons-nous tressaillir de joie, car s’il est venu, et si nous attendons sa venue, nous savons aussi qu’il est là et dans cette eucharistie, il va même se donner à nous en nourriture pour que nous devenions « porteurs du Christ » pour le monde.

« Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur » (Lc 1, 45).

Marie est déclarée, sous l’action de l’Esprit Saint, « Bienheureuse  » par ce qu’« a cru ». Première béatitude proclamée par une femme, Élisabeth, pour une autre femme, Marie ! Béatitude que Jésus reprendra lui-même : « Heureux ceux qui écoute la Parole de Dieu et qui la mettent en pratique » (Lc 11, 28). Cette béatitude peut devenir la nôtre. Pour cela, il nous faut devenir toujours plus des « écoutants » de la Parole de Dieu. Cette parole entendue, il nous faut oser croire qu’elle s’adresse à nous et qu’elle peut accomplir son œuvre en nous. Laisser la parole agir en nous, c’est la mettre en pratique d’une manière concrète et nous mettant au service de nos frères en humanité.

Avec Thérèse, contemplons encore ce mystère de la Visitation et demandons la grâce de devenir vraiment et concrètement des « disciples-missionnaires » : « Auprès de toi, Marie, j’aime à rester petite. Des grandeurs d’ici-bas, je vois la vanité, Chez Sainte Élisabeth, recevant ta visite, J’apprends à pratiquer l’ardente charité  » (Pourquoi je t’aime, Ô Marie, PO 54, strophe 6).

Amen.

fr. Didier-Marie de la Trinité, ocd (Couvent de Lisieux)
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