Homélie 6° dim. de Pâques : à l’approche de Jérusalem

donnée au couvent d’Avon

Textes liturgiques du 6e dimanche de Pâques (année C) : Ac 15, 1-29 ; Ps 66 ; Ap 21,10-23 ; Jn 14, 23-29

« Il me montra la Cité sainte… ».

Dans l’évangile de saint Jean chap. 2, Jésus a pu affirmer, un jour, qu’on pouvait détruire le Temple de Jérusalem, et que lui, en trois jours, il le rebâtirait ; l’évangéliste précise que Jésus parlait de son corps - Temple (allusion à sa mort, puis à sa résurrection). La seconde lecture parle précisément de ce Temple (le Christ) : « Dans la Cité, je n’ai pas vu de Temple, car son Temple, c’est le Seigneur, le Dieu tout-puissant et l’Agneau ». Considérons cette Cité Sainte.

La Cité sainte, nous le savons, c’est Jérusalem, nommée ainsi dans de nombreux textes de l’Ecriture parce qu’elle est la ville que Dieu a choisie (qu’Il s’est choisie) de préférence à toutes les autres cités de la terre. Unique au monde surtout par la beauté que lui confère son Temple, elle n’est pas pour le Très Haut une « résidence secondaire », (quelconque, « une annexe de la maison », les communs du château…). Non, elle est sa « résidence principale », l’endroit où il demeure à jamais, le lieu de son repos et de ses délices (et donc, de sa Présence). Tout le psaume 48 l’exprime avec éloquence ; et le psaume 132, quant à lui, nous dit : « Car le Seigneur a fait choix de Sion ; elle est le séjour qu’il désire : c’est ici mon repos à tout jamais, là je siègerai car je l’ai désiré  ».

La Jérusalem de l’Histoire (en terre d’Israël) que les yeux du corps admiraient (de même que son Temple, où Jésus a prié) n’était pourtant que l’ombre (ou le reflet) d’une réalité invisible et transcendante, (et à venir) : la Jérusalem nouvelle qui ne peut se voir qu’avec les yeux de la foi, quand l’Esprit nous les ouvre, comme en témoigne l’expression de saint Jean dans le livre de l’Apocalypse : « l’ange me montra la Cité sainte… qui descendait du Ciel, d’auprès de Dieu » (en quelque sorte : l’Esprit de Dieu m’a ouvert les yeux pour la voir). Concernant ce regard de foi qui donne de voir cette Cité, nous avons l’exemple d’Abraham : « Par la foi Abraham obéit à l’appel de partir vers un pays qu’il devait recevoir en héritage… C’est qu’il attendait la ville pourvue de fondations dont Dieu est l’architecte et le constructeur » (He 11, 8… 10) ; notons que c’est toujours la foi, qui permet de comprendre les projets et la volonté de Dieu (car cela est vrai pour nous aussi).

La Jérusalem terrestre était située sur « une haute montagne » (Sion, à 800 m au dessus du niveau de la mer : ainsi, on « montait » à Jérusalem : cf. « psaumes des montées » du Ps. 120 au Ps. 134 ; car pour accompagner ce pèlerinage il y avait des chants : une série de psaumes) ; et le Temple était bâti sur une hauteur de cette montagne, un promontoire (on montait donc également au Temple). Avec ce lieu, selon la foi d’Israël, on avait comme un escalier symbolique du Ciel, un gradin, un marchepied, un escabeau (cf. psaume 109). Et dans le livre de l’Apocalypse, c’est également sur une grande et haute montagne (cf. aussi Ez 40, 1-5) que l’ange emmène le croyant, « le voyant » pour lui faire voir la véritable Cité sainte ; une Cité placée en un lieu si élevé (cette fois) que les escaliers ne suffisent plus pour y accéder et sont remplacés par cet ascenseur spirituel et divin pourrait-on dire qu’est l’Esprit Saint.

La Jérusalem nouvelle que Jean contemple dans sa vision de la fin des temps, déjà toute achevée et magnifique, se construit pourtant déjà dans le monde présent, au fil de l’Histoire. Elle sort même de celui-ci, tout comme elle a été tirée de l’Ancienne Alliance, un peu comme l’enfant qui, sorti du sein de sa mère, est appelé à grandir, à se développer pour atteindre peu à peu sa pleine stature d’adulte. Enfantement difficile de cette Jérusalem pour une destinée étonnante qui en fera la lumière de tous les peuples («  la gloire de Dieu l’illuminera…  ») ; et alors elle justifiera pleinement son nom de « Cité de justice et de paix  ». Jésus le dit dans les adieux qu’il fait à ses disciples. Lui qui est le Temple de la Cité, le cœur même de sa réalité, il laisse à ses disciples la paix du Ciel, et la justice, c’est-à-dire, en langage biblique, la Sainteté : « C’est la paix que je vous laisse, c’est ma paix que je vous donne… », … ma sainteté que je vous lègue… non à la manière du monde. Tout comme la Cité Sainte, paix et joie sont d’une « autre nature » ; elles ne sont pas de la terre mais du Ciel.

Certes, les chrétiens que nous sommes sont encore en chemin. Toutefois le baptême a fait de nous des héritiers de la gloire éternelle, et déjà, à l’avance des « citoyens du Ciel ». Aussi, en raison de ce titre, et bien qu’en chemin, nous sommes déjà dans la proximité de la Cité de Dieu, chaque jour qui passe nous en rapproche : enfants de Dieu, nous sommes déjà, spirituellement parlant, dans la ’banlieue’ de la Nouvelle Jérusalem ; le peuple des croyants, en route vers son Seigneur s’approche peu à peu de cette Cité ; en vérité, en raison du Salut universel opéré par le Christ, tous les peuples s’acheminent vers cette Ville, nouvelle et lumineuse, la source de lumière étant l’Agneau lui-même (nous est-il précisé). Oui, les chrétiens sont encore dans la banlieue de la Jérusalem nouvelle, mais ils ont déjà reçu suffisamment de leur Seigneur pour pouvoir refléter sur les hommes les rayons du soleil divin qui éclaire cette Cité de jour comme de nuit. Par notre baptême et notre vie dans l’Esprit, nous sommes comme « en gravitation » autour d’elle : nous la voyons et la contemplons, sans demeurer encore en elle de façon permanente. Mais quoiqu’en espérance, nous la possédons et en vivons.

Nous avons dans le récit des Actes, avec les décisions prises lors du « 1er Concile », un cas exemplaire de ce que l’Eglise cherche à faire aujourd’hui de manière plus systématique : faire pénétrer le message évangélique dans toutes les cultures. Une tâche à laquelle chacun de nous doit prendre part en raison de son baptême/de sa confirmation. Les missionnaires que nous sommes ne peuvent l’oublier même dans les actes plus modestes de leur vie quotidienne. Car l’Histoire n’est pas achevée et l’Eglise est encore en construction ; nous pourrions dire en lutte ou en état de mission, « en travail d’enfantement » (Rm 8, 22). Tout ne sera parfait que lorsque la Bonne Nouvelle aura atteint tous les hommes ; lorsque nous contemplerons l’Eglise dans sa phase finale de construction : « resplendissante de la gloire de Dieu ».

En vue de l’avènement de cette Jérusalem nouvelle, Jésus nous dit l’importance de la fidélité à sa Parole, de l’accueil de l’Esprit Saint (qui nous instruira de toute chose), de la paix, de la joie divines qu’il donne : ce sont là les « outils » du bâtisseur de la Cité Sainte que Jean contemplait achevée. Il nous est demandé d’en faire usage. Encore en pèlerinage sur la terre, en état de mission, et riches de cet « équipement spirituel », laissons-nous mouvoir par l’Esprit Saint pour rayonner le Christ, Sauveur de tous les hommes, venu les attirer à Lui, pour les conduire à la Cité Sainte, auprès du Père. Cet appel fait aux chrétiens au début du christianisme vaut toujours pour nous aujourd’hui : Aussi, soyons témoins de cette « Jérusalem nouvelle » ; mesurons l’Espérance qu’elle peut susciter dans les cœurs. Par toute notre vie, rendons-la « lisible » à nos contemporains, à un monde trop souvent découragé. Amen

fr. Gérard-Marie Scoma, ocd (Couvent d’Avon)
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