Homélie 7° dim. de Pâques : ce que l’Esprit Saint n’est pas …

donnée au couvent de Paris

Textes liturgiques du 7e dimanche de Pâques (année C) : Ac 7, 55-60 ; Ps 96 ; Ap 22, 12-14 ; Jn 17, 20-26

Parmi les dimanches du temps pascal, celui d’aujourd’hui présente un visage particulier. Situé entre l’Ascension et la Pentecôte, c’est un temps où l’Église est appelée, en chacune de ses communautés et chacun de ses membres, à persévérer dans la prière dans l’attente de l’Esprit Saint ? Il est significatif que les trois textes de la Parole de Dieu entendus en ce jour nous mettent en présence de la prière de demande. L’évangile vient de nous livrer les derniers mots de la prière que Jésus laisse à ses apôtres avant d’entrer dans sa Passion. C’est une prière de demande pour lui-même : « Père, glorifie ton fils » et d’intercession, pour les disciples qu’il va envoyer dans le monde et pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en lui. « Que tous soient un, en nous ».

Dans le récit des Actes, Étienne pendant qu’on le lapidait priait ainsi : « Seigneur Jésus reçois mon esprit. » Il prie pour lui-même et il intercède pour les autres : «  Seigneur ne leur compte pas ce péché » imitant la prière de Jésus sur la croix : «  Père pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » Dans l’Apocalypse de saint Jean, le Christ se présente comme l’origine et l’avenir de l’homme et de l’histoire, celui en qui tout prend vie et en qui s’accomplissent tous les dons reçus. « Je suis le premier et le dernier, le commencement et la fin. » Animée par l’Esprit, l’Épouse, qui désigne l’Église, lui adresse une prière de demande « Viens, viens Seigneur Jésus ». Quant à nous, nous sommes interpellés. « Celui qui entend, qu’il dise : Viens ! Celui qui a soif, qu’il vienne. Celui qui le désire, reçoive l’eau de la vie gratuitement ». Ces paroles éclairent la prière de demande en laquelle l’Église, et chacun de nous, est appelée à persévérer durant ces jours dans l’attente de l’Esprit Saint.

Comment attendre cette venue de l’Esprit Saint ? Non certes comme l’agriculteur attend que tombe la pluie désirée annoncée par la météo. Il n’a qu’à attendre passivement que vienne le moment. Comment habiter les prières de demande à l’Esprit Saint qui se formulent : « Viens, Esprit Saint ; Viens Esprit Créateur » ? Nous savons qu’il est vrai de formuler ainsi notre prière, mais demander l’Esprit en vérité engage plus que notre pensée. L’Apocalypse parle de soif, de soif d’eau, et de désir. Avons-nous soif de l’eau vive promise par Jésus ? Désirons-nous vraiment l’Esprit Saint, d’un désir jamais comblé ? Sommes-nous en manque ? Voilà qui requiert prière, intériorisation.

On peut penser que la première communauté chrétienne d’avant la Pentecôte priait avec les psaumes et se remémorait les promesses des prophètes dans l’Écriture et les paroles de Jésus : chacun prenait ainsi conscience de tout ce qui était inachevé en lui, de la pauvreté de sa foi, de son espérance et de son amour pour les autres. Peu à peu, les cœurs se faisaient plus humbles, le désir du don promis plus réel, plus ardent. Il est précisé que tous priaient ainsi d’un même cœur. A nous de faire de même, personnellement et communautairement, avec l’Église, tout entière appelée à prier.

Pour que la prière de demande à l’Esprit Saint trouve sa pleine vérité, il faut aussi tenir compte de ce que nous demandons : l’Esprit Saint. Promis par le Père et le Fils, envoyé par l’un et l’autre, il est le don par excellence comme le chantent les grandes prières de l’Église. « Viens esprit créateur, don du Dieu très haut, source vive, feu, charité. Allume en nous ta flamme, emplis nos cœurs d’amour, affermis toujours de ta force la faiblesse de nos corps ». Nous chanterons aussi dimanche prochain la séquence : « Viens Esprit Saint en nos cœurs, dispensateur des dons, viens lumière de nos cœurs … donne mérite et vertu, donne le salut final, donne la joie éternelle ». Comment ne pas désirer la venue de l’Esprit Saint pour recevoir ses dons ? Attention. Vivant dans l’espace et le temps nous sommes enclins à chosifier les réalités spirituelles et ainsi à demander l’Esprit Saint et ses dons comme des réalités que l’on reçoit et dont on dispose. Or je ne reçois pas la lumière de l’Esprit Saint comme une super-torche spirituelle que je pourrai manier pour éclairer tout ce que j’ai à faire ou comme une super-force que je n’aurai plus qu’à utiliser pour me redynamiser. L’Esprit Saint est Dieu, on ne met pas la main sur Dieu. On ne le reçoit que lorsqu’on l’accueille comme son Seigneur, et qu’on se laisse mener par lui.

Les symboles de l’Écriture sont clairs. L’Esprit Saint est feu, vent, eau courante. On ne met la main sur aucune de ces réalités. On ne reçoit le vent qu’en se mettant dans le vent, dans sa direction. On accueille la force de l’eau courante qu’en se mettant dans le sens du courant d’eau. Et il n’est pas conseillé de mettre la main sur le feu. On ne prend pas l’Esprit Saint et ses dons, on l’accueille en se faisant dociles pour se laisser mener par lui vers Dieu et vers les autres. St Paul le dit en clair dans l’épitre aux Galates : « Puisque l’Esprit est notre vie, marchons sous la conduite de l’Esprit ». Ce qui nécessite de prendre souvent de brefs temps de prière silencieuse, avant de nous lancer dans ce que nous avons à faire. L’Esprit saint est très discret, il prend la place qu’on lui donne. Il faut savoir se taire pour lui permettre ’d’en placer une’…

Désirer vraiment et accueillir le don de Dieu sans chercher à le posséder donne sa vérité à la prière de demande de l’Esprit Saint. Le catéchisme d’autrefois, celui de mon enfance, disait qu’il fallait demander avec humilité, confiance et persévérance. Il résumait à merveille l’enseignement de l’Écriture. Demander avec humilité, car nous n’avons aucun droit sur ce que le Seigneur nous offre dans sa miséricorde, gratuitement, selon l’Apocalypse qui dit bien que celui qui a soif est appelé à recevoir gratuitement. Avec confiance, en nous appuyant sur les paroles de Jésus : « Combien plus le Père du ciel donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent  » (Lc 11, 13), j’aurais envie d’ajouter vraiment. Et avec persévérance comme l’enseignent les paraboles évangéliques de l’ami importun (Lc 11, 5) et de la veuve auprès du juge.

Demander pour soi-même et pour l’Église, comme un pauvre qui fait confiance et s’émerveille du Seigneur qui se plait à donner gratuitement parce qu’il est Amour. Voilà la grande affaire de chacun de nous, et de l’Église en chacune de ses communautés et de ses familles, en ces jours bénis qui précèdent la Pentecôte. Et nous pouvons nous confier à la prière de la Vierge Marie qui nous a précédés dans cette aventure.

fr. Dominique Sterckx, ocd (Couvent de Paris)
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