Homélie : Présentation du Seigneur au Temple

Textes liturgiques (année B) : Ml 3, 1-4 ; Ps 23 (24) ;Lc 2, 22-40 ;Lc 2, 22-32

La fête de la Présentation du Seigneur au Temple est devenue aussi la fête de la Vie consacrée, car la consécration à Dieu s’accomplit dans la consécration du Christ. La Vie consacrée rend visible la consécration à Dieu qui est celle de tout baptisé.

Je voudrais m’arrêter à trois dimensions de cette consécration chrétienne particulièrement actuelles. Témoigner de la gratuité : Le récit de la Présentation au Temple manifeste que l’existence de Jésus appartient à Dieu. Appartenir à quelqu’un, c’est être dans une situation de dépendance, voire d’esclavage. Mais il n’en va pas ainsi dès lors que l’appartenance est vécue vis à vis de Dieu, car Dieu vit toute relation avec un désintéressement absolu. Ainsi, lui appartenir, c’est entrer dans une dynamique de gratuité. Dieu libère celles et ceux qui se consacrent à lui en leur donnant d’expérimenter cette gratuité dans laquelle il nous a créés par amour. Le vieillard Syméon reconnaît ainsi en la consécration de cet enfant la gratuité du salut que Dieu nous offre. La prophétesse Anne quant à elle chante les louanges de Dieu et désigne l’enfant à tous les porteurs d’espérance. L’Esprit Saint a conduit l’un et l’autre à reconnaître la gratuité de Dieu en cet enfant de pauvres. Dans notre société qui n’a plus besoin de la religion et qui se fonde de plus en plus sur des rapports marchands, la vie consacrée est appelée à être signe de cette gratuité sans laquelle il n’existe ni amour, ni liberté authentiques.

Témoigner de la liberté : Cette appartenance à Dieu a pourtant ses exigences. C’est ce que prophétise le vieillard Syméon à Marie : « cet enfant sera un signe de division. Et toi-même, ton cœur sera transpercé par une épée. » Si la gratuité est chemin de liberté, c’est à travers des dépouillements, des séparations qui sont parfois de véritables de mort. L’épître aux hébreux souligne combien l’épreuve vécue avec le Christ libère de cette peur de la mort qui maintient l’homme dans une condition d’esclave. S’offrir à Dieu à la suite de Jésus, c’est consentir à une forme de mort à ce monde pour vivre de la vie de Dieu. Celui qui est ainsi libéré par le Christ de cette peur de la mort peut risquer sa vie dans le don de soi. Marie elle-même a fait cette expérience en éprouvant la blessure du cœur au pied de la Croix. Cette blessure est une composante de l’amour. Elle libère l’affectivité de sa possessivité spontanée et rend capable d’une authentique offrande de soi. La vie en communauté se fonde ainsi sur la contemplation du cœur blessé de Jésus crucifié. Il n’y a pas de fraternité sans cette liberté d’un cœur blessé dans son auto suffisance aussi bien que dans sa dépendance captative. Dans un monde où il existe tant de souffrances et de solitudes affectives, la vie consacrée est appelée à rendre témoignage à la liberté que donne l’amour du Crucifié, source de la fraternité à laquelle nous sommes tous appelés.

Témoigner de la vie éternelle : La miséricorde de Dieu dans le Christ nous donne de connaître dès à présent la réalité de son Règne, un Règne paradoxal qui s’éprouve au sein de notre précarité humaine. Nos propres misères, vécues comme blessures d’amour, deviennent sources vives de compassion et de don de soi. L’amour crucifié est victorieux de la souffrance et de la mort. Face à des situations humainement sans issues, les chrétiens témoignent de leur espérance en une vie plus forte que la mort. Dans cette espérance, la vie éternelle est déjà commencée : « Mes yeux ont vu le salut, lumière pour éclairer les nations et gloire d’Israël son peuple ! » proclame le vieillard Syméon. Fort de cette expérience, il est prêt à accomplir définitivement sa vocation d’éternité. En un temps où l’homme cherche à maîtriser son existence terrestre pour se donner l’illusion de l’invulnérabilité, il est possible à celles et ceux qui ont fondé leur vie sur la réalité du Royaume de témoigner d’une espérance qui assume la vulnérabilité d’un cœur de chair. La vie consacrée, fondée sur des valeurs qui ne sont pas de ce monde, oriente vers ce Jour où Dieu sera tout en tous : viens Seigneur Jésus ! Appelés à la gratuité, à la liberté et à la vie éternelle, nous célébrons en cette Eucharistie le don que le Christ fait de lui-même au Père gratuitement, librement et à jamais. Rendons grâce à Dieu pour notre consécration dans le Christ. Qu’avec lui, par lui et en lui, nous vivions de la Vie de Dieu dès maintenant et pour toujours !

Fr. Olivier-Marie - (Couvent de Paris)

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