Homélie d’Avon : 19e Dimanche T.O.

« Sois sans crainte, petit troupeau, car votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume. » Être sans crainte, ne pas avoir peur de l’avenir, faire confiance, voilà ce à quoi nous aspirons constamment et qui n’est pas si simple. La source de cette confiance nous dit Jésus, c’est de croire en la promesse de Dieu : la venue à nous de son Règne est chose décidée ; c’est déjà une réalité dans le cœur de Dieu. Ce Royaume est aussi une réalité dans nos vies à travers le dynamisme que son attente suscite. La confiance se vit en effet de manière active de sorte qu’elle transforme en profondeur notre existence. Elle suscite en effet une attente vive, dynamique. Elle incite à se dépouiller de l’accessoire et à être vigilant dans le service en vue du Royaume qui vient.

L’attente est tension, orientation vers l’avant. Attendre, c’est tendre vers ce qui n’est pas, mais doit advenir, vers ce qui est nouveau, sans précédent. Cette nouveauté est Dieu lui-même. Elle est donc universelle et éternelle. Elle ne concerne pas seulement notre personne individuelle ou nos proches. Attendre, ce n’est pas veiller au salut de son âme en se tenant soigneusement à l’écart du destin de l’humanité. Attendre, c’est être dans l’histoire tendu vers un nouvel ordre des choses. Attendre, c’est participer à la gestation de ce monde, être avec lui en travail de naissance à l’absolument nouveau. La Nouveauté promise par Dieu surplombe l’histoire humaine et constitue pourtant le ferment de sa transformation à travers une dynamique de développement tout à la fois social et spirituel.

Les premiers chrétiens attendaient une manifestation de la gloire de Dieu accompagnée d’un spectaculaire bouleversement cosmique. Jésus a parlé de bouleversement, mais aussi de graine en germination ou de levain dans la pâte. Au milieu des multiples accélérations de l’histoire humaine, l’attente est plus que jamais d’actualité. Cette attente est prophétique, car elle consiste à lire les événements à la lumière de leur finalité divine. Cela suppose de renoncer à toute représentation objective de ce qui vient, pour accueillir ce qui est véritablement nouveau et donc imprévisible, non représentable.

La vigilance chrétienne unit l’action et la contemplation dans cette attente du Royaume. Orientée vers la nouveauté, l’attente comporte en effet deux aspects apparemment contradictoires. D’une part, ce qui est attendu surviendra sans que cela dépende en rien de notre action. D’autre part, ce qui est attendu est exigé de nous et requiert donc notre engagement pour se réaliser. Il faut tenir ensemble la gratuité absolue de la promesse et la nécessité d’un engagement persévérant et concret à vivre l’exigence du moment présent. Cette conjonction d’une œuvre à réaliser et de la promesse de sa réussite possible caractérise la vigilance chrétienne. L’attente, loin d’être passive, inclut donc l’action, car seule une attente agissante est réelle.

Cependant, parce que l’exigence n’est pas liée aux capacités humaines, mais à la seule promesse de Dieu, elle ne consiste pas en des actes de puissance. L’être humain peut y correspondre réellement au sein de la plus grande faiblesse, les pauvres, les marginaux étant les premiers appelés à vivre cette attente. Aussi est-ce auprès d’eux que le disciple de Jésus apprend à attendre en vérité le Royaume qui vient pour tous. Mais combien l’attente, fut-elle une vigilance active, demeure difficile à vivre pour l’homme désireux d’en voir la réalisation. Comment ne pas brusquer les évènements en faisant violence à la réalité pour lui imposer d’évoluer selon nos vues les plus généreuses ?

Il faut pouvoir consentir à ce que nos aspirations les plus authentiques puissent ne pas être exaucées par nos efforts sans que cela décourage notre désir ou notre agir. Cela requiert une confiance qui ne vient pas en fait de nous et qui est pourtant tout à la fois source de notre désir et terme de notre action. Cette confiance nous vient de la Parole de Jésus. Elle seule permet de croire envers et contre tout à la fécondité finale du désir engagé dans l’action. La foi en Jésus donne d’agir avec patience pour accueillir ce don qui dépasse toute attente. Croire, c’est espérer alors pour tout ce Règne qui vient comme un voleur et se mettre humblement à son service ici et maintenant dans une confiance sans frontière en la vérité de l’espérance.

fr. Olivier Rousseau, ocd

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