Homélie de Pâques : d’humbles signes de la résurrection

donnée au couvent de Paris

Textes liturgiques du Jour de Pâques (année C) : Ac 10, 34a.37-43 ; Ps 117 ; Col 3, 1-4 ; Jn 20, 1-9

Vendredi, avec la mort ignominieuse de Jésus, injustement condamné au supplice de la croix, nous avions le sentiment déchirant d’avoir tout perdu. Et pourtant, comme Marie Madeleine, nous sommes venus au tombeau de bon matin car quelque chose en nous ne cessait d’espérer contre toute espérance. Jésus, qui avait passé dans notre vie en faisant le bien, lui que Dieu avait consacré par l’Esprit Saint et rempli de sa force : comment pouvait-il être mort à jamais ? Alors, comme Marie Madeleine, tandis qu’il faisait encore nuit dans notre cœur, nous nous sommes rendus au tombeau. L’évangéliste saint Jean ne nous dit pas que Marie Madeleine se rend au tombeau pour se lamenter. Elle n’y va pas non plus pour honorer le corps de Jésus par un quelconque rite funéraire, car ces rites ont déjà accomplis lors de l’ensevelissement du Seigneur. Non, sans bien comprendre, elle va au tombeau, poussée par son espérance, pour garder vif en son cœur le souvenir de celui qu’elle aime et qui lui a fait tant de bien.

Et que voit-elle au tombeau ? La pierre qui en fermait l’entrée a été enlevée ! Le corps du Seigneur aurait-il été dérobé ? Bouleversement, crainte de la profanation, elle court en apporter la nouvelle à Pierre et au disciple bien-aimé. Et c’est à leur tour de courir au tombeau ! Et Pierre, que voit-il alors ? « Les linges sont posés à plat », « le suaire qui avait entouré la tête de Jésus (…) roulé à part à sa place ». Et rien d’autre que cela : des tissus servant à envelopper le corps d’un défunt sont posés là, d’une façon inhabituelle. Et le corps du mort est absent. À propos du disciple bien-aimé, l’évangéliste nous dit : « Il vit, et il crut ». Sans recevoir d’annonce tonitruante, l’évidence de cette vérité s’impose au cœur du disciple bien-aimé : le mort est absent du tombeau, c’est-à-dire que la mort a disparu, la vie l’a emporté.

Ce que Jésus nous avait dit de beau et qu’il nous avait fait de bon, ce que notre cœur ne pouvait se résoudre à oublier, malgré toutes les dissipations de la vie, cela était bien vrai : oui, il nous a délivrés, comme nous le chantions jeudi dans une hymne liturgique, « du grand abîme entourant toute chair », de « la cendre que nous sentions à marcher vers la mort », du « vide béant derrière et devant nos amours ». Dans son agonie, dans sa mort sur la croix, dans sa descente aux enfers, il a assumé toutes nos souffrances, il s’est chargé de toutes nos douleurs, afin de nous en délivrer, afin de nous sauver, en nous entraînant dans sa vie de Ressuscité. Oui, il est ressuscité, vivant pour toujours, et il ne cesse de nous communiquer sa vie, pour que dès aujourd’hui nous soyons, avec lui, en lui, des vivants.

Car l’apôtre saint Paul le dit aux Colossiens et à nous en ce matin de Pâques : « Vous êtes ressuscités avec le Christ  ». Par la grâce du baptême, la vie de Jésus ressuscité, la communion vivante au Père dans l’Esprit, nous a été donnée. Cette vie ne cesse d’être alimentée en nous par les sacrements de l’Église, spécialement l’Eucharistie et la réconciliation. Mais, comme les disciples qui se rendirent au tombeau vide, et sur le témoignage desquels nous nous appuyons, cette Bonne Nouvelle appelle notre foi. Nous sommes ressuscités avec le Christ, mais nous non plus, nous ne voyons pas de signes tonitruants de la résurrection du Seigneur et de notre propre résurrection. Nous n’en voyons que d’humbles signes : de l’eau qui nous asperge, du pain et du vin qui nous nourrissent, des gestes d’amitié donnés et reçus, des paroles de pardon échangées.

Saint Paul nous avait prévenus : «  Vous êtes ressuscités avec le Christ, et votre vie reste cachée avec lui en Dieu », ce que vous êtes ne paraît pas encore, ce que vous êtes déjà en vérité – des ressuscités avec le Christ ressuscité – n’est pas encore pleinement manifesté. Mais nous le sommes déjà ! À l’exemple du disciple bien-aimé, il nous faut grandir toujours dans la foi  : foi en la résurrection de Jésus, foi en notre propre résurrection. C’est cette foi que nous allons proclamer dans un instant en renouvelant les promesses de notre baptême.

C’est cette foi qui motive aussi notre action, notre attention aux autres, nos engagements dans l’Église et dans la société : « Recherchez les réalités d’en haut, tendez vers les réalités d’en haut », c’est-à-dire : n’oubliez pas la grâce qui vous est faite au matin de Pâques et au jour de votre baptême : la vie du Ressuscité vous est donnée, à vous d’en vivre, et ce dans toute votre vie. À vous de l’annoncer aussi, car, comme le disait saint Pierre dans notre première lecture, « nous qui avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d’entre les morts – c’est ce que nous sommes en train de vivre en cette Eucharistie – il nous a chargés d’annoncer au peuple et de témoigner » de cette Bonne Nouvelle : Christ est ressuscité, alléluia, il est vraiment ressuscité, alléluia !

fr. Anthony-Joseph de sainte Thérèse de Jésus, ocd (Couvent de Paris)
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