Homélie de l’Ascension : la fête de notre espérance

donnée au couvent de Paris

Jeudi 14 mai 2015 – Ascension du Seigneur

Textes liturgiques : Ac 1, 1-11 ; Ps 46 ; Ep 4, 1-13 ; Mc 16, 15-20

Aux yeux du Seigneur, « mille ans sont comme hier », chante le psalmiste. Aussi, à plus forte raison, les cinquante jours du temps pascal, comme les quarante jours qui séparent notre solennité de l’Ascension du jour de Pâques, sont comme un seul jour. Et de fait, la chronologie de la liturgie ne doit pas nous faire oublier que, pendant le temps pascal, du matin de Pâques au jour de la Pentecôte, en passant par l’Ascension, c’est l’unique mystère pascal, le mystère un de la Pâque de Jésus que nous célébrons.

« Pendant quarante jours, il leur est apparu, et leur a parlé du royaume de Dieu. (…) Après ces paroles, tandis que les Apôtres le regardaient, il s’éleva, et une nuée vint le soustraire à leurs yeux ». Tout comme il nous est bien difficile d’imaginer – c’est-à-dire de mettre en images – ce que les Apôtres ont vécu pendant les quarante jours qui ont suivi la Résurrection du Seigneur Jésus, au cours desquels le Vivant s’est manifesté à eux et les a instruits au sujet de son mystère, il peut être assez hasardeux de chercher à nous représenter visuellement cette ascension du Christ au ciel, à la droite du Père. Ce qui est manifesté lors de cet événement, c’est l’accomplissement de ce que le Père a fait pour son Fils au terme de son itinéraire parmi nous : « Celui qui était descendu est le même qui est monté au-dessus de tous les cieux pour remplir l’univers » : ressuscité, le Fils unique partage sans aucune réserve la vie et la gloire de son Père dans la communion de l’Esprit.

Mais aussi, comme cela est le cas pour tout ce qui le concerne, pour tout ce qui lui appartient, Jésus ne vit pas ce mystère de l’Ascension seulement pour lui : il le vit pour nous, pour le salut de toute personne. En effet, l’Ascension n’est pas le ’happy end’ de l’itinéraire humain du Fils de Dieu, un retour à la case départ après un pèlerinage terrestre de trente-trois ans. C’est le Verbe fait chair qui entre en ce jour dans la nuée de la vie divine : Jésus achève de combler l’abîme infranchissable qui existait entre l’humanité et Dieu, abîme non seulement du péché, mais abîme bien naturel qui sépare la créature de son créateur. Avec l’Ascension de Jésus, quelque chose de notre humanité a déjà pénétré pour toujours dans le monde de la vie divine. L’Ascension est la fête de notre espérance : Jésus nous a tracé le chemin, Jésus nous entraîne à sa suite jusque là : par lui et en lui, déjà nous sommes introduits dans la joie et l’éternité du mystère de la vie de Dieu. Alors, forts de cette espérance, levons les yeux vers cet horizon, et demandons au Seigneur de nous délivrer déjà de tout ce qui resserre notre cœur et rétrécit le champ de notre regard. Il y a plus loin que la mesquinerie et que la violence, il y a plus beau que le mal que nous commettons et que nous subissons. « Votre vocation vous a tous appelés à une seule espérance (…) que nous parvenions tous ensemble à l’unité dans la foi et la pleine connaissance de l’Homme parfait, à la stature du Christ dans sa plénitude ».

Levons les yeux vers cet horizon de la vérité de Dieu, mais sans devenir des têtes en l’air ni des doux rêveurs ! Les anges nous préviennent : « Ce Jésus qui a été enlevé au ciel d’auprès de vous, viendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel ». Peut-être craignons-nous la solitude ou l’abandon, maintenant que Jésus s’en est allé au ciel de la gloire. Pourtant, lui qui « s’élève au plus haut des cieux », « il ne s’évade pas de notre condition humaine ». Premier-né du Royaume, il nous fait vivre déjà de l’espérance de partager un jour cette vie en plénitude. Déjà aussi, il nous en fait vivre dans le ciel de notre cœur, par la foi. Pendant les jours qui nous séparent encore de la Pentecôte, appelons l’éveil de l’Esprit Saint dans notre cœur : «  Au cours d’un repas qu’il prenait avec eux, il leur donna l’ordre de ne pas quitter Jérusalem, mais d’y attendre que s’accomplisse la promesse du Père. (…) Vous, c’est dans l’Esprit Saint que vous serez baptisés d’ici peu de jours. Vous allez recevoir une force quand le Saint-Esprit viendra sur vous ; vous serez alors mes témoins jusqu’aux extrémités de la terre  ».

fr. Anthony-Joseph de sainte Thérèse de Jésus, ocd (Couvent de Paris)
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