Homélie dim.19e TO : marcher sur les eaux

donnée au Carmel de Lisieux

Textes liturgiques (année A) : I R 19, 9a.11-13a ; Ps 84 ; Rm 9, 1-5 ; Mt 14, 22-33

Dans la seconde lecture, saint Paul le redit avec force : « Ils sont l’adoption, les alliances, la législation, le culte, les promesses de Dieu ; ils ont les patriarches… » (Rm 9,4). Il souligne ainsi le statut particulier et privilégié du peuple juif qui a été choisi par Dieu pour se manifester au monde. Dans la première lecture, nous assistons émerveillés à la grande découverte du saint Prophète Élie, Dieu n’était ni dans l’ouragan, ni dans le tremblement de terre, ni dans le feu, mais dans la brise légère et le Prophète pu se tenir devant Lui.

Dieu ne cesse de vouloir se communiquer aux hommes. Il veut nouer avec eux une Alliance éternelle. Pour cela, après avoir parlé aux patriarches, après avoir envoyé à son peuple des prophètes, il a envoyé son Fils unique dont saint Paul affirme dans la seconde lecture : « C’est de leur race que le Christ est né, lui qui est au-dessus de tout  » (Rm 9,5).

L’évangile de ce jour nous donne justement de contempler Jésus, le Christ, et de le laisser se manifester à nous comme Sauveur et comme Seigneur.

Parcourons ensemble ce beau texte d’évangile :

« Aussitôt [après avoir nourri la foule] » (Mt 14,22). Jésus vient d’accomplir une œuvre exceptionnelle. Il a nourri une foule immense avec presque rien… mais Jésus ne s’appesantit pas sur son succès, comme nous le faisons nous-même parfois. Tout le secret de la vie de Jésus est là. Nous pourrions ajouter, tout le secret de la vie d’un disciple de Jésus est là. Ce qui donne sens à sa vie, ce ne sont pas les actions qu’il peut mener, les paroles qu’il peut prononcer, les succès qu’il peut remporter, ce qui donne sens à sa vie c’est d’être en relation avec son Père, de s’entretenir avec Lui, de se recevoir de Lui. Au cœur de sa mission, Jésus n’oublie jamais l’essentiel : arrêter de faire, pour être avec le Père. Belle invitation pour chacun et chacune d’entre nous à savoir cesser nos activités pour vivre un temps d’intimé avec Dieu. En commentant ce passage d’Évangile, notre mère sainte Thérèse d’Avila écrit : « Lui-même priait toujours dans la solitude, non par nécessité mais pour notre instruction » (Chemin de Perfection 24,4).

Et de manière discrète l’évangile nous fait comprendre que Jésus a pris le temps de la prière. Il commence à prier « le soir venu » (Mt 14,23), et il s’interrompt « vers la fin de la nuit  » (Mt 14, 25). Long temps d’intimité de Jésus avec son Père. Long temps pour se recevoir du Père, pour advenir toujours plus profondément à son identité de Fils de Dieu. Nous sommes nous aussi invités à prendre du temps pour vivre en relation avec le Père, avec le Fils, avec l’Esprit Saint. Une formule de sainte Élisabeth de la Trinité peut nous aider à définir l’attitude requise : « Être là tout entier, tout livré à l’action créatrice de Dieu » (Note Intimes 15).

Puis après un long temps d’intimité filiale, Jésus prend l’initiative et vient rejoindre ses disciples en marchant sur les eaux – c’est-à-dire en affirmant qu’il est le Seigneur et qu’il domine les puissances infernales symbolisées par les eaux profondes.

Devant la panique des disciples, il les apaise : « Confiance ! C’est moi ; n’ayez pas peur !  » (Mt 14, 27). Jésus nous invite à la confiance. Il ne veut pas faire de nous des personnes pusillanimes, craintives. Et au cœur de ces paroles d’encouragement, il se révèle. Entre « Confiance » et « N’ayez pas peur », deux petits mots : « C’est moi ». Il serait plus juste de traduire : « Je suis », car ces deux petits mots « ego eimi » en grec, renvoient à la révélation à Moïse lors de la scène du buisson ardent. Par ces simples mots, Jésus affirme aux disciples qu’il est bien l’envoyé du Père, le Fils du Père.

Notre brave Pierre, toujours aussi rustre et gaffeur, ne peut se contenter de la venue de Jésus et de cette invitation à la confiance. Il veut du concret : « Si c’est bien toi, ordonne-moi de venir vers toi sur les eaux  » (Mt 14,28).

À cette demande un peu folle, un peu surprenante, Jésus répond simplement par une invitation : « Viens  » (Mt 14,29).

Et l’incroyable se produit, sur la parole de Jésus, Pierre descend de la barque et marche sur les eaux.

Savons-nous, comme Pierre, risquer notre vie sur une parole de Jésus ? Faisons-nous suffisamment confiance à la Parole de Dieu pour qu’elle accomplisse son œuvre en nous ?

Pierre va vers Jésus… Mais il ne fixe pas uniquement son regard sur Jésus ; Il voit la force du vent et il a peur.

Sainte Thérèse d’Avila, à de nombreuses reprises, invite ses filles et ses fils à poser le regard sur Jésus : « Tout ce que je vous demande c’est de le regarder » (Chemin de perfection, 26,2). Ou encore « Nous devons fixer les yeux sur Jésus-Christ, notre Bien » (Ires D 2,11).

Dès que nous cessons de fixer le Christ, nous pouvons perdre cœur devant les vents contraires de l’adversité et perdre pied à notre tour.

Pierre en s’enfonçant, regarde à nouveau vers Jésus et crie : « Seigneur sauve-moi  » (Mt 14,30). Un cri existentiel, un appel au secours. Ils nous arrivent parfois de sombrer, de nous laisser engloutir de manière diverses et variées… mais avons-nous alors le réflexe de crier vers le Seigneur, de l’appeler à notre secours. Avons-nous déjà fait l’expérience d’être sauvé par le Christ ? Expérience fondamentale de notre être chrétien et qui ne cesse de s’approfondir. Déjà sauvé par le Christ Jésus, nous avons encore et toujours besoin de son Salut.

Et, comme pour Pierre, chaque fois que nous crions vers lui, « Jésus étant la main et nous saisit » (Mt 14,31).

Ce matin, il me semble que l’évangile nous invite à trois attitudes en tant que disciples du Christ Jésus :

  • Prendre le temps de nous tenir avec Jésus, en solitude, pour prier le Père et recevoir notre mission,
  • Oser comme Pierre risquer notre vie sur la Parole de Jésus. Sainte Thérèse d’Avila écrivait : « Souvent je me disais que saint Pierre n’avait rien perdu à se jeter à la mer, bien qu’ensuite la frayeur l’eût saisi. Ces premières résolutions sont d’une haute utilité  » (Livre de la vie, 13,3).
  • - Savoir reconnaître sa Présence au cœur de nos vies parfois malmenées et se prosterner en disant comme les apôtres : « Vraiment tu es le Fils de Dieu ! » (Mt 14,33)

Amen.

fr. Didier-Marie de la Trinité - (Couvent de Lisieux)
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