Homélie pour Ste Thérèse d’Avila - 15 octobre 2010

donnée au Carmel de Montmartre

Sainte Thérèse de Jésus, fille de l’Eglise

Sg 7,7-14 ; Rm 8,14-17.26-27 ; Jn 7,14-18.37-39

Quelle figure que sainte Thérèse de Jésus, elle est sans nul doute fille de son siècle, de son pays, de l’Église de son temps, en même temps elle a su cependant de beaucoup dépasser ce cadre, avec la liberté de ceux qui sont conduits par l’Esprit-Saint, elle a su s’affranchir des contraintes que la société ne manquait pas d’exercer vis-à-vis d’une femme au XVIe siècle en Espagne.

En ce jour où nous la commémorons solennellement, on ne peut pas ne pas souligner l’amour de l’Église que sainte Thérèse possède, un amour de feu, un amour qui la dévore de l’intérieur, qui la tourmente et qu’elle exprime de manière vive lorsqu’elle écrit son ouvrage le Chemin de Perfection au chapitre 1, œuvre qui va nous accompagner tout au long de cette nouvelle année dans le cadre de notre préparation au Ve centenaire de sa naissance en 2015 :

« En ce temps-là j’appris les malheurs de la France, les ravages qu’avaient faits ces luthériens et combien se développait cette malheureuse secte [1] . J’en eus grand chagrin, et comme si je pouvais quelque chose, ou comme si j’eusse été quelque chose, je pleurais devant le Seigneur et le suppliais de remédier à tant de maux. Je me sentais capable de donner mille fois ma vie pour sauver une des nombreuses âmes qui se perdaient là-bas. » Comme elle l’affirme, sainte Thérèse se sent capable de donner mille fois sa propre vie, cette déchirure dans l’unique tunique du Christ lui cause un véritable tourment spirituel. Et un peu plus loin dans ce même chapitre, un passage que nous connaissons tous bien qui montre sa détermination à s’engager comme moniale carmélite dans ce combat pour l’Église :

« Le monde est en feu, on veut condamner à nouveau le Christ, comme on dit, puisqu’on élève contre lui mille faux témoignages, on veut jeter à terre son Église, et nous devrions perdre du temps à des choses qui priveraient le ciel d’une âme de plus, si par hasard Dieu les leur accordait ? Non, mes sœurs, nous ne vivons pas en des temps où l’on puisse parler à Dieu d’affaires de peu d’importance. » Avant d’en arriver là, sainte Thérèse a elle-même beaucoup reçu de l’Église. Quand on dit qu’elle fut nourrie par l’Église, c’est surtout qu’elle a été influencée par des religieuses et surtout des religieux qui l’ont dirigée sur ce chemin de conversion, de don de soi, sur ce sentier difficile de l’oraison et des nombreuses grâces reçues – où l’âme entre en communication avec Dieu, vient demeurer en sa présence. Des prêtres, essentiellement des dominicains et des jésuites sans oublier aussi quelques carmes (non des moindres avec saint Jean de la Croix et le Père Jérôme Gracien), l’ont aussi secourue dans les moments les plus difficiles, l’ont soutenue et guidée. Et elle a su profiter avec enthousiasme des conseils, et même des amitiés qui l’ont accompagnée dans sa volonté de réformer l’Ordre du Carmel.

Sainte Thérèse, qui a aimé l’Église passionnément, comme la mère qui l’a façonnée, qui l’a nourrie et lui a fait don de la vie chrétienne, a aussi souffert par l’Église. Elle a été très souvent menacée – à tort – d’en être exclue. Elle a été soupçonnée un temps d’illuminisme (avec le courant des Alumbrados qui parcourait l’Espagne) notamment après avoir écrit son premier livre : la Vida. Elle a même été considérée comme insoumise, ce qui, d’ailleurs, lui a fourni l’occasion de faire preuve d’une obéissance totale quel que soient les situations. Son attitude a valeur d’exemple tellement sa confiance en l’Église peut nous apparaître surprenante, elle sait que la voix de Dieu finira toujours par l’emporter même si elle doit passer elle-même par des brimades et des opprobres. On rapporte que le monde avait dit d’elle trois mensonges : qu’elle était belle, intelligente et sainte. Des deux premiers, elle s’était confessée d’y avoir cru étant jeune. Quant au troisième, « sainte », elle n’avait jamais eu à en parler en confession, n’y ayant jamais accordé le moindre crédit !

Il faut savoir que lorsqu’en 1562, sainte Thérèse de Jésus établit, sous l’inspiration de son Seigneur, le premier monastère de moniales à Saint Joseph d’Avila, monastère initiateur de la Réforme de l’Ordre, elle le fait pour le salut des âmes et l’accroissement de l’Église comme elle le rappelle au livre des Fondations (chapitre 1). Sainte Thérèse a toujours été soumise à tous les enseignements de la foi catholique (Relations 1576), elle ne cessera de le clamer et de l’écrire notamment dans les préambules de ces livres non par coquetterie mais bien par conviction intime que seule la parole de l’Église a autorité et que d’elle-même, aucun bien véritable ne peut sortir sans conformité en tout à l’Église sa Mère.

Jusqu’au bout, elle aimera et servira l’Église. Épuisée, alors qu’elle se nomme elle-même « la pauvre vieille », nous sommes en 1582, elle a alors 67 ans. Elle se trouve au couvent d’Alba de Tormes, elle souffre maintenant depuis plusieurs années d’un bras cassé sans oublier sa maladie de cœur, ses rhumatismes et une certaine « tuberculose » lui font sentir que la mort est proche, elle dira : « Il est temps de nous voir, mon Seigneur, il est temps de nous mettre en route. » Et sur le point de mourir, elle s’est écriée : « Enfin, je suis fille de l’Église ». Amen.

fr. Christophe-Marie, ocd

[1Propos à resituer dans le contexte brûlant de l’époque…

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