Enfance

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I - L’aile des Princes

Louise naît à Versailles le 15 juillet 1737. Elle est désignée comme Madame Septième, née Huitième, puisque l’une de ses sœurs est morte quatre ans auparavant. En dix ans, la reine a mis au monde dix enfants. Un seul des deux garçons, le petit Dauphin, a survécu. Epuisée par tant de naissances qui ont assuré fragilement l’avenir de la dynastie, Marie Leszczynska continue de tenir sa cour tout en se ménageant une vie intime de prière et de méditation. La petite princesse rejoint ses sœurs aînées dans l’aile des Princes qui domine le parterre du Midi et l’Orangerie. Dès ses premiers jours, elle est entourée des soins empressés de sa nourrice et des douze personnes attachées à sa Chambre sous les ordres de Madame de Tallard, gouvernante des Enfants de France.

Vue de l'aile des Princes

« Madame Septième » jouit dès ses premiers jours d’un train de vie princier, soumis à une étiquette parfois bien contraignante. Elle fut entourée de soins attentifs et soigneusement réglés à l’avance : une première femme de chambre, qui veillait en permanence sur l’enfant et conduisait tous ses déplacements, assistée de huit autres femmes de chambre qui prenaient leur service par quartiers, c’est à dire en équipe de deux par trimestre. La nourrice du corps, nourrice en titre, jouait un rôle capital… Elle n’était bien sûr chargée que de l’allaitement… la remueuse habillait et déshabillait le bébé, lui donnait son bain, bref veillait à tous les soins matériels…

Etat des meubles fournis pour la naissance de Madame Louise

… C’eût été un grave manquement et une injure aux personnes que de mélanger les attributions, dont certaines (celle de femme de chambre) revenaient à des dames de condition, tandis que d’autres (nourrice ou remueuse) allaient à des roturières, femmes du peuple généralement […] notre petite dernière voyait également s’affairer autour d’elle un valet et un garçon de chambre, un portefaix chargé du ménage, une blanchisseuse, une empeseuse [de collerettes], une baigneuse, une coiffeuse, un garçon portemanteau, une servante de cuisine, qui servait en fait les femmes de chambre." (Bernard Hours, "Madame Louise princesse au Carmel", Cerf, 1987)

Meubles et fournitures sont livrés quinze jours avant la naissance de la princesse, destinés à l’enfant à sa gouvernante et à sa nourrice ainsi qu’à la veilleuse, à un garçon de chambre et à un portefaix. Est aussi livrée de la vaisselle d’or et de vermeil, gravée des armes du roi et de la légende des Enfants de France. Le document est signé "en reçu" par la duchesse de Ventadour.

Une année à peine a passé quand le couple royal se sépare de ses filles cadettes. Les quatre plus jeunes princesses sont conduites à l’abbaye de Fontevraud. Leur éducation est confiée aux religieuses. Les personnes de leur suite qui composent la « Maison de Mesdames » se relaient par roulement auprès d’elles. De coûteux travaux d’aménagement ont été entrepris pour recevoir tant de monde. La décision d’éloigner les petites princesses de Versailles n’est sans doute pas due à un souci d’économie, mais plutôt au désir de les faire grandir dans un climat plus sain et plus serein que celui du château, où s’entassent les courtisans et où, paradoxalement, l’espace commence à manquer.

"Le voyage fut une véritable expédition qui égrena lentement, à travers les plaines de la Beauce, un lourd cortège de neuf voitures et vingt fourgons, encadré d’un détachement des Gardes du Corps. Il dura treize jours, que Madame Septième passa assise sur les genoux de sa première femme de chambre, munie d’un hochet de vermeil. Dans le même carrosse se trouvaient ses trois sœurs, Mme de La Lande qui avait reçu la responsabilité du voyage, et deux autres femmes de chambre. Le passage de Mesdames, avec leur suite de cent vingt personnes et deux cents chevaux, provoquait quelque dérangement : la population devait fournir draps et matelas, les auberges étaient réquisitionnées, les milices bourgeoises mises sur pied de guerre…

… Le 28 juin, le cortège quitta Saumur pour l’étape finale, Fontevraud, où les petites princesses, acclamées par la population, firent leur entrée au milieu d’une haie d’honneur formée par la maréchaussée de la province. Dans la cour de l’abbaye, Mme de La Lande les remit à la garde de l’abbesse, Madame de Rochechouart. En leur honneur, on donna une fête avec un dîner de plus de deux cents couverts, présidé par l’abbesse, suivi, le soir par des illuminations et un feu d’artifice. Le lendemain, Madame de La Lande repartait sans délai rendre compte au roi de sa mission.« (Bernard Hours, »Madame Louise princesse au Carmel", Cerf, 1987)

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II - Fontevraud

Au début de l’année 1739, des travaux sont entrepris pour aménager l’ancien logis Bourbon construit par la tante d’Henri IV, Eléonore de Bourbon, tout proche du logis abbatial. On y ajoute une aile supplémentaire. Mais les princesses ne pourront emménager qu’en 1741.

"…Pendant trois ans on logea les princesses par des moyens de fortune : Mesdames Quatrième et Cinquième dans les appartements de l’abbesse, Mesdames Sixième et Septième dans un bâtiment délabré, voisin du logis abbatial. Ce qui devait arriver arriva : dès les premières froidures de l’automne 1738, Mesdames Cinquième, Sixième et Septième tombèrent malades. On craignit même pour la vie de la dernière, et l’on décida de la baptiser sans plus tarder […] La cérémonie eut lieu le 20 décembre 1738, dans l’église paroissiale Saint-Michel, en présence du curé et de Madame [l’abbesse] de Rochechouart. […] la petite fille reçut le nom de Louise-Marie. Vu les circonstances, elle fut placée sous la protection particulière de la Vierge Marie, et, selon la tradition, vouée au blanc pour un an […] Madame Louise une fois revenue à Versailles, n’oublia pas cette paroisse où elle avait aussi reçu la première communion et la confirmation. Les princesses continuèrent d’y faire leurs Pâques chaque année, même après l’achèvement de leur chapelle privée. En 1755, elles envoyèrent au curé un tableau représentant « Saint Joseph tenant dans ses bras l’enfant Jésus »." (Bernard Hours,"Madame Louise, princesse au Carmel", Cerf, 1987)

L’éducation que la petite princesse reçoit des religieuses à qui elle est confiée tend à la préparer au rang qu’elle aura à tenir dans le monde, mais aussi à dompter son orgueil et sa vivacité parfois mordante. A une suivante qui, un jour, tarde à la satisfaire, elle rappelle avec dédain Je suis la fille de votre roi !Et moi, Madame, je suis la fille de votre Dieu ! s’entend-elle répondre. Elle acquiert ainsi une lucidité qui lui permet de se remettre en question et de se corriger. Sans doute se souviendra-t-elle des talents pédagogiques de ses éducatrices quand elle aura elle-même la charge du noviciat à Saint-Denis.

Cloître de Fontevraud
Tout ce qui ne vient pas de Dieu ne saurait être bon et les scrupules ne sont pas de lui. Faisons-nous non une conscience large, mais une conscience paisible.

(Mère Thérèse de Saint-Augustin, conseils à ses novices)

Toute petite, Madame Louise apprend à aimer Dieu, ressentant déjà, de façon enfantine le désir de se donner toute à lui. Sa générosité allant avec l’impétuosité de son tempérament est accompagnée cependant du scrupule d’être indigne de tant d’amour. Cela au point qu’elle appréhende presque le moment de sa première communion : Il n’est pas encore temps d’y penser.

La cérémonie a lieu le 21 novembre 1748, jour de la fête de la Présentation de la Vierge. Elle a alors douze ans et en gardera toujours un souvenir ému : A peine mes premières années s’étaient-elles écoulées, à peine les enseignements de votre sainte religion avaient-ils pénétré mon âme, que vous y fîtes naître une piété affectueuse pour le sacrement de vos autels. Je ne soupirai plus qu’après le moment de vous y recevoir, de vous y posséder : une foi vive, un ardent amour, avec de nouveaux dons de votre grâce, accrurent encore mes désirs. Vous les entendîtes pour les exaucer, Dieu de bonté ! Vous les avez couronnés en me donnant votre corps pour nourriture. Ô faveur qui jusqu’au dernier instant de ma vie sera présente à ma reconnaissance ! (« Méditations Eucharistiques, Fête de la présentation de la Sainte Vierge »)

Jamais le couple royal ne fera le voyage pour rendre visite à ses filles. En septembre 1747 cependant, Jean-Marc Nattier est dépêché auprès d’elles pour faire leurs portraits. En découvrant le visage de Louise la reine commente : …je n’ai jamais rien vu de si agréable que la petite. Elle a la physionomie attendrissante et fort éloignée de la tristesse […] elle est touchante, douce spirituelle (Lettre à la duchesse de Luynes, citée par le duc de Luynes, "Mémoires", t. VIII, p. 309). Le peintre a su faire ressortir le charme et la fraîcheur de la petite princesse. Il a aussi habilement « gommé » la déformation de son dos, due à une scoliose ou à une mauvaise chute que Louise aurait faite en voulant descendre seule de son lit alors qu’elle était encore à Fontevraud. Il y a loin du charme de la petite fille à l’apparence, peu avenante il faut bien le dire, de la femme qui plus tard se dépeindra ainsi, avec un humour teinté de cruauté : Votre servante est fort petite, grosse tête, grand front, sourcils noirs, yeux bleu-gris-brun, nez long et crochu, menton fourchu, grasse comme une boule et bossue. (Lettre à la Prieure du carmel de Bruxelles, 6 mars 1783)

Âgée de quinze ans, Victoire retourne à Versailles en 1748. Louise et Sophie devront patienter deux années encore.

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