Noël 2009, Messe du jour

« Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas accueilli. Mais à tous ceux qui l’ont accueilli, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu. »

Nous venons donc d’entendre le commencement de l’Évangile selon Saint-Jean, c’est-à-dire que, lorsque nous désirons débuter la lecture de cet Évangile, ce sont ces paroles que nous lisons en premier. L’apôtre Jean nous présente en quelques phrases l’essentiel de son expérience de foi à la suite du Christ Jésus. Nous lisons ce prologue très spirituel et théologique avant de découvrir la vie concrète de Jésus tel que l’apôtre nous la décrira dans son évangile. Mais pour saint Jean, le cheminement spirituel fut l’inverse. Il a rencontré l’homme Jésus, puis, particulièrement après la résurrection du Christ, il a entrepris une réflexion toujours plus profonde sur le mystère de la personne de Jésus. Ce qui nous est donné comme introduction à son Évangile est en définitive la conclusion théologique de son expérience spirituelle. L’apôtre nous donne la clef du mystère de la personne de Jésus pour mieux le suivre sur le chemin de sa vie terrestre. En tant que conclusion théologique, c’est un texte très construit et structuré qui décrit des réalités spirituelles cachées, mais que Jésus nous révèle.

Il me semble que l’on comprend mieux ce texte si on se le représente comme une figure mathématique Ce texte, en effet, ressemble à une parabole. Vous connaissez certainement cette figure géométrique qui ressemble à un ‘U’. Il y a deux branches qui partent vers l’infini et une base qui forme comme un virage. Les deux branches qui vont vers l’infini, ce sont le début et la fin du texte où l’apôtre Jean nous décrit ce qu’il y a de plus profond et immense : l’intimité de la vie divine trinitaire (v.1 et v.18). La base, qui est comme un virage, se situe tout simplement au milieu du texte, comme la base de l’hyperbole est au milieu de la figure géométrique. Si vous écrivez le prologue en deux colonnes égales, le milieu du texte se situe à la fin du verset 11, et vous commencerez la seconde colonne avec le verset 12. Ceux d’entre vous qui ont une Bible en poche peuvent le vérifier. Or le verset 12 commence par le mot “mais” qui signifie bien une opposition entre les deux versets. Il y a comme un virage à prendre avec ces deux versets entre ceux qui n’ont pas accueilli la lumière venue dans le monde au verset 11, et ceux du verset 12 qui ont accueilli cette lumière. (V.11 et 12).

Nous avons donc les deux branches de l’hyperbole, l’une descendante et l’autre ascendante. La branche descendante part de la Trinité pour rencontrer les hommes, et la branche ascendante repart des hommes qui ont accueilli le verbe de Dieu pour les mener jusqu’à la Trinité. La lumière divine descend vers les hommes qui vivent dans les ténèbres, et si elle trouve un cœur accueillant, le verbe de Dieu l’amènera à la rencontre du Père. Nous pourrions pousser un peu plus l’analyse structurale du texte en mettant en parallèle chaque branche de la parabole, mais, aujourd’hui, pour comprendre le mystère de Noël, nous pouvons nous contenter de ces trois points : les deux points vers l’infini de la Trinité et la base constituée par le cœur de l’homme qui accueille la lumière divine. Pour la fête de Noël, nous pourrions ainsi résumer le prologue : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était tourné vers Dieu, et le Verbe était Dieu. (…) Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas accueilli. Mais à tous ceux qui l’ont accueilli, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu, (…).Nul n’a jamais vu Dieu ; le Fils unique, qui est tourné vers le sein du Père, lui, l’a fait connaître. »

L’apôtre Jean nous livre là tout le résumé de son expérience spirituelle à la suite de Jésus. Il témoigne qu’en Jésus de Nazareth, Dieu est venu rejoindre les hommes, il est descendu du ciel pour venir chez les siens et les amener à connaître en vérité le Père éternel. Le Verbe de Dieu descend sur terre pour nous ramener auprès du Père. Avec l’incarnation du Verbe il y a 2000 ans, nous sommes au virage de l’histoire de l’humanité. Dieu descend et prend naissance au fond des ténèbres de la grotte, et désormais toute son œuvre est de ramener l’humanité à la vraie lumière. Historiquement, c’est la raison pour laquelle nous fêtons Noël le 25 décembre. Dans la Rome antique, on fêtait le solstice d’hiver, lorsque la nuit la plus longue, on célèbre le soleil invincible qui l’emportera sur les ténèbres avec les jours qui vont rallonger. Comme le dit saint Jean dans le prologue, le Verbe est la lumière véritable qui brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas arrêté. Au fond de la grotte de Bethléem, Jésus prend naissance et devient pour tous ceux qui l’accueillent la lumière qui les conduira à la vie éternelle.

La lumière descend de Dieu, et vient éclairer nos ténèbres pour nous faire connaître Dieu notre Père. Pour participer au mouvement du Verbe qui vient vers nous et nous emporte vers la contemplation du Père, ce n’est pas compliqué. Il nous suffit d’accueillir la lumière divine qui se lève dans les cœurs droit et sincère. Ce sont ceux qui accueillent la lumière de l’Évangile qui deviennent enfant de Dieu. Il n’y a pas d’exploit à accomplir, mais simplement de devenir disciple, se laisser enseigner par la Parole de Dieu qui nous a rejoints. Il n’y a pas de grandes œuvres à réaliser, il ne s’agit pas de devenir un surhomme, mais de savoir reconnaître et accueillir la lumière divine qui brille avec Jésus. Accueillir la lumière, c’est désirer qu’elle illumine notre cœur et toute notre vie, il ne faut pas imiter Adam et Ève qui se cachaient pour ne pas être vus dans leur pauvreté après leur faute. Accueillir la lumière, c’est ne pas craindre d’être vu par Dieu dans notre faiblesse, car le Seigneur ne sera pas arrêté par nos ténèbres, mais il nous élèvera jusqu’à lui.

Savez-vous que c’est parce que ce qui nous est demandé est si simple qu’il y a un bœuf et un âne dans nos crèches. En effet, aucun texte des Évangiles ne mentionne la présence d’un bœuf ni d’un âne à la naissance de Jésus. À la rigueur, peut-on supposer qu’il y ait eu les moutons et les chiens des bergers, mais il n’y a aucun indice pour le bœuf et l’âne. Si la tradition chrétienne nous fait placer un bœuf et un âne de chaque côté de l’enfant Jésus, c’est en référence à un texte d’Isaïe (1,3). « Le bœuf connaît son possesseur, et l’âne la crèche de son maître, mais Israël ne connaît pas, mon peuple ne comprend pas. » Ainsi, la tradition veut nous dire que pour reconnaître la lumière apparue au jour de la naissance de Jésus, il s’agit de n’être pas plus bête qu’un bœuf ou qu’un âne ! Le bœuf et l’âne devraient être les deux personnages de la crèche qui nous font le plus réfléchir, car ce sont eux qui nous représentent auprès de l’enfant Jésus. Le bœuf et l’âne savent reconnaître leur maître et le lieu où ils reçoivent leur nourriture, et nous, saurons-nous devenir disciple de Jésus et recevoir de lui la vraie nourriture ?

Avec son prologue, St Jean nous pose aujourd’hui cette question : En vous inclinant devant l’enfant de Bethléem, saurez-vous reconnaître et accueillir la lumière venue dans le monde ? Durant le credo, nous nous arrêterons quelques instants après les mots « et s’est fait homme » pour poser personnellement notre acte de foi et d’adoration pour accueillir la lumière.

Fr. Antoine-Marie Leduc, o.c.d.

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