Nuit de Noël 2010

« Dieu a rendu brève sa Parole, il l’a abrégée »

Pour guider notre foi, la Parole de Dieu qui nous est offerte dans cette liturgie de Noël nous propose le contraste entre la nuit et la lumière, la gloire et l’humilité. Au cœur de la nuit, c’est élevé une lumière pour éclairer tout homme, « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; sur ceux qui habitaient le pays de l’ombre, une lumière a resplendi » nous dit le prophète Isaïe. Et l’apôtre Paul précise que « La grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes. C’est elle qui nous apprend à (… ) attendre le bonheur que nous espérons avoir quand se manifestera la gloire de Jésus Christ, notre grand Dieu et notre Sauveur ». Tandis que l’ange annonce aux bergers : « je viens vous annoncer une bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple : Aujourd’hui vous est né un Sauveur, dans la ville de David. Et voilà le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire ».

Dans ce contraste se trouve résumé le mystère de l’incarnation où Dieu rejoint notre humanité. Rien de merveilleux, rien d’extraordinaire, rien d’éclatant n’est donné comme signe aux bergers. Ils verront seulement un enfant entouré de langes qui, comme tous les enfants, a besoin de soins maternels ; un enfant qui est né dans une étable et qui, de ce fait, est couché non pas dans un berceau, mais dans une mangeoire. Le signe de Dieu est l’enfant, avec son besoin d’aide et avec sa pauvreté. C’est seulement avec le cœur que les bergers pourront voir qu’en cet enfant, la promesse du prophète Isaïe que nous venons d’entendre dans la première lecture est devenue réalité : « Un enfant nous est né, un fils nous a été donné ; l’insigne du pouvoir est sur ses épaules » (Is 9, 5). La Lumière et la force de Dieu se sont limitées dans la faiblesse de l’Enfant-Jésus.

Dans sa dernière encyclique de sur la Parole de Dieu, Benoît XVI nous rappelait que « selon leur traduction grecque de l’Ancien Testament, les Pères de l’Église ont trouvé une parole du prophète Isaïe - que saint Paul cite aussi - pour montrer que les voies nouvelles de Dieu étaient déjà annoncées dans l’Ancien Testament. On pouvait y lire : "Dieu a rendu brève sa Parole, il l’a abrégée" (Is 10, 23 ; Rm 9, 28). Les Pères l’interprétaient dans un double sens. Le Fils lui-même est la Parole, le Logos ; la Parole éternelle s’est faite petite – si petite qu’elle peut entrer dans une mangeoire. Et elle s’est faite enfant, afin que la Parole devienne pour nous saisissable. À présent, la Parole n’est pas seulement audible, elle ne possède pas seulement une voix, maintenant la Parole a un visage que nous pouvons voir : Jésus de Nazareth. »

Ainsi, « Dieu a abrégé sa Parole », Il n’est plus loin, Il n’est plus inconnu, Il n’est plus inaccessible à notre cœur. Il s’est fait enfant pour nous et, il a dissipé toute ambiguïté. Il s’est fait notre prochain dans la faiblesse, restaurant encore de cette manière l’image de l’homme qui, souvent, nous apparaît si peu aimable. Et par là, Dieu pour nous s’est fait don, Il s’est donné lui-même. Lui, l’Éternel qui est au-delà du temps, a assumé le temps, il a tiré vers le haut notre temps, près de lui. Noël est devenu la fête des dons, pour imiter Dieu qui s’est donné lui-même à nous. Dès lors tous nos échanges de vœux et de cadeau ne prennent véritablement sens que dans la mesure où ils expriment notre bonne volonté de nous donner aux autres, notre générosité.

« Dieu a abrégé sa Parole » pour la rendre définitivement accessible non seulement en se livrant dans un corps mais aussi dans sa prédication en sachant ramener nos cœurs à l’essentiel. Alors que la Parole de Dieu communiquée dans les livres de l’Écriture Sainte était, au fil du temps, devenue longue. Longue et compliquée, non seulement pour les gens simples, mais même encore plus pour les personnes qui connaissaient l’Écriture Sainte, pour les savants qui, clairement, se perdaient dans les détails et dans les problèmes qui en découlaient, ne réussissant presque plus à trouver une vision d’ensemble. Jésus a « rendu brève » la Parole – il nous a fait voir à nouveau sa plus profonde simplicité et sa plus profonde unité. Tout ce que nous enseignent la Loi et les prophètes est résumé – dit-il – dans les paroles : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit… Tu aimeras ton prochain comme toi -même » (Mt 22, 37-39). Tout est là – la foi entière se réduit à cet unique acte d’amour, qui englobe Dieu et les hommes.

Enfin, les Père de l’Église donnent une troisième signification à l’affirmation sur la Parole devenue « brève » et « petite ». Aux bergers, il fut dit qu’ils auraient trouvé l’enfant dans une mangeoire pour animaux. Relisant Isaïe (1, 3) « Le bœuf connaît son propriétaire et l’âne, la crèche de son maître. Israël ne me connaît pas, mon peuple ne comprend pas », les Pères ont déduit que, près de la mangeoire à Bethléem, il y avait un bœuf et un âne et ils ont interprété le texte dans le sens où ce serait un symbole des Juifs et des païens, donc de l’humanité entière, qui ont besoin d’un sauveur : de ce Dieu qui s’est fait enfant. Ceux qui nous représentent à la crèche, ce sont le bœuf et l’âne qui nous interroge sur notre Foi : nous avons reconnu notre sauveur, et vous ? L’homme, pour vivre, a besoin de pain, du fruit de la terre et de son travail, mais il ne vit pas seulement de pain, il a besoin de nourriture pour son âme : il a besoin d’un sens qui remplit sa vie. Ainsi, pour les Pères, la mangeoire des animaux est devenue le symbole de l’autel, sur lequel est déposé le Pain, qui est le Christ lui-même : la vraie nourriture pour nos cœurs. Et nous voyons encore une fois qu’il s’est fait petit, sous l’humble apparence de l’hostie, d’un petit morceau de pain, Il se donne lui-même à nous pour être notre nourriture.

Le signe de Dieu est la simplicité de l’enfance et de l’hostie. Le signe de Dieu est qu’Il se fait petit et vulnérable pour nous. Telle est sa façon de régner. Il ne vient pas avec puissance ni grandeur extérieure. Il vient comme un enfant. Il ne veut pas s’imposer par la force. Il nous enlève la peur de sa grandeur. Il ne veut rien d’autre de nous, si ce n’est notre amour. « Dieu a rendu brève sa Parole, il l’a abrégée » (Is 10, 23 ; Rm 9, 28). Le Fils, lui-même, est la Parole de Dieu, il est le Logos, la Parole éternelle qui s’est faite petite, si petite qu’elle peut entrer dans une mangeoire. La Parole s’est faite enfant et pain, afin qu’Elle devienne pour nous saisissable, assimilable.

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