Oeuvre de l’homme, oeuvre de Dieu

Méditation, contemplation, union

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I. Méditation

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1. Éveiller notre amour pour le Christ

Quand nous méditons et approfondissons les souffrances que le Seigneur a endurées pour nous, nous sommes touchés de compassion. De plus, il y a de la saveur dans le chagrin et les larmes qui procèdent de cette considération. Quand nous pensons à la gloire, objet de notre espérance, à l’amour de Notre Seigneur pour nous, à sa résurrection, nous sommes portés à une joie qui n’est pas entièrement spirituelle, ni entièrement sensible, mais cette joie est vertueuse, comme la peine précédente était très méritoire. Ainsi en est-il de tout ce qui cause une dévotion qui est en partie le fruit de l’intelligence, bien que nous ne puissions ni la mériter, ni l’obtenir, si Dieu ne la donne. Une âme que Dieu n’aura pas élevée au-dessus de cet état fera très bien de ne pas chercher à monter d’elle-même plus haut. Qu’elle y fasse bien attention, sans quoi, elle ne pourrait qu’y perdre. Lorsqu’elle se trouve dans ce degré d’oraison (la méditation), elle peut produire des actes nombreux ayant pour but de la stimuler à de grandes œuvres pour Dieu et de réveiller son amour pour lui. Elle en accomplit d’autres pour favoriser l’accroissement des vertus.

Autobiographie, chapitre XII,1-2
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2. Lui parler avec confiance

Nous pouvons par la pensée nous mettre en présence du Christ, nous embraser peu à peu du plus grand amour pour sa Sainte Humanité, lui tenir toujours compagnie, lui parler, lui recommander nos besoins, nous plaindre à lui dans nos peines, nous réjouir avec lui dans les consolations, nous garder de l’oublier dans la prospérité. Ne cherchons point à lui faire de beaux discours. Parlons-lui simplement pour lui exprimer nos désirs et nos besoins. C’est là une méthode excellente et elle nous fait avancer en très peu de temps. Celui qui s’étudie à vivre dans cette précieuse compagnie, qui cherche à en retirer les plus grands avantages, et y puise un amour sincère pour ce Maître, auquel nous sommes redevables de tant de bienfaits, celui-là, je l’affirme, est avancé dans la voie de l’oraison. Nous ne devons donc pas, comme je l’ai dit déjà, nous affliger, si la dévotion sensible vient à nous manquer. Remercions plutôt le Seigneur, qui, malgré les imperfections de nos œuvres, entretient en nous le désir de lui plaire. Cette méthode d’oraison, qui consiste à se tenir dans la compagnie du Sauveur, est un moyen très sûr pour faire des progrès.

Autobiographie, chapitre XII,2
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3. Laisser parler son cœur

Revenant donc à ceux qui se servent du discours (la méditation), je leur recommande de ne pas l’employer tout le temps de l’oraison. Comme cet exercice est très méritoire plein de délices, il leur semble qu’il ne doit y avoir pour eux ni dimanche, ni un seul instant exempt de travail, sans quoi, ils s’imaginent aussitôt qu’ils perdent leur temps. Pour moi, je regarde cette perte de temps comme un gain très précieux. Qu’ils se tiennent donc, ainsi que je l’ai dit, en présence de Notre Seigneur, sans fatiguer leur entendement. Qu’ils lui parlent et mettent leur joie à se trouver avec lui. Qu’ils ne se préoccupent point de composer des discours, mais lui exposent simplement les nécessités de leur âme et les motifs qu’il aurait de ne pas 1es souffrir devant lui. On doit s’appliquer tantôt à 1’une tantôt à l’autre de ces considérations, pour ne point fatiguer l’âme en lui donnant toujours la même nourriture. Ces aliments sont pleins de saveur et très utiles. Quand on s’y habitue, on y prend goût et on y puise cette forte substance qui donne la vie à l’âme et lui procure les plus précieux avantages.

Autobiographie, chapitre XIII,11
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4. Méditer sur la vie du Christ

Nous méditons, je suppose, un mystère de la Passion, par exemple celui qui nous représente Notre Seigneur à la colonne. L’entendement recherche les motifs qui lui feront comprendre quelles grandes douleurs et quelle angoisses Sa Majesté endure dans un tel abandon. S’il est actif et enrichi de connaissances, il déduira encore beaucoup d’autres considérations. Tel est le mode d’oraison par lequel tous doivent commencer continuer et finir. Cette voie est excellente et très sûre jusqu’à ce que le Seigneur nous élève à d’autres chose surnaturelles. Je dis que ce mode est pour nous. Bien des âmes néanmoins trouveront plus de profit à méditer d’autres sujets que ceux de la Passion. S’il y a beaucoup de demeures au ciel, il y a ans beaucoup de chemins pour y arriver. Certaines âmes profitent en se considérant déjà en enfer. D’autre que la pensée de l’enfer attriste, profiteront davantage en se considérant au ciel. Il y en a encore pour qui la pensée de la mort est très utile. Certaines personnes qui ont une grande tendresse de cœur, se fatiguent beaucoup si elles méditent constamment la Passion, mais elles trouveront du repos et du profit à considérer le pouvoir et la grandeur que Dieu manifeste dans les créatures, l’amour qu’il a eu pour nous et qu’il fait resplendir en tous lieux. Ce mode d’oraison est admirable, mais il faut revenir souvent à la Passion et à la vie de Notre Seigneur, car c’est de là que nous sont venus et nous viennent tous les biens.

Autobiographie, chapitre XIII,12-13

5. Demeurer avec lui

Je reviens donc à ce que je disais sur le mystère de Notre Seigneur à la colonne. Il est bon de se servir du raisonnement pendant quelques instants. Examinons ensuite les tourments que Notre Seigneur endure et le motif pour lequel il les endure, la qualité de celui qui souffre et l’amour avec lequel il souffre. N’allons pas toutefois nous fatiguer à poursuivre toujours ces considérations. Faisons taire le raisonnement et demeurons près du Sauveur. Si nous le pouvons, occupons-nous à considérer qu’il nous regarde, que nous lui tenons compagnie. Parlons-lui ; exposons-lui nos suppliques ; humilions-nous ; réjouissons-nous avec lui, et souvenons-nous bien que nous ne méritons pas d’être en sa présence. Quand une âme pourra produire ces actes, bien que ce soit au commencement de l’oraison, elle en retirera un très grand profit. Ce genre d’oraison est en effet très avantageux.

Autobiographie, chapitre XIII,22
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II. Contemplation

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1. Un don de Dieu

L’eau (de la contemplation) naît de la source même, qui est Dieu. Donc, comme Sa Majesté le veut quand sa volonté est d’accorder une faveur surnaturelle, elle émane avec une quiétude immense et paisible du plus intime de nous-même. Je ne sais où, ni comment il se fait que ce contentement et cette délectation ne se ressentent pas dans le cœur comme les joies d’ici-bas, du moins au début, car ils finissent par tout inonder. Cette eau se répand dans toutes les Demeures et toutes les puissances et atteint enfin le corps. C’est pourquoi j’ai dit qu’elle commence en Dieu et finit en nous, car vraiment, comme le verra quiconque l’éprouvera, l’homme extérieur tout entier jouit de ce plaisir et de cette douceur. Tout en écrivant, je considérais tout à l’heure le verset que j’ai cité : « Tu as dilaté mon cœur » (Ps.118,32). Il ne me semble pourtant pas que cela prenne naissance dans le cœur, mais en un point encore plus intérieur, comme en quelque chose de très profond. Je pense que ce doit être le centre de l’âme, comme je l’ai compris depuis et le dirai pour finir, car vrai, je vois en nous des mystères qui m’émerveillent souvent. Combien doit-il y en avoir d’autres ! Ô mon Seigneur et mon Dieu, que vos grandeurs sont grandes ! Nous nous conduisons ici-bas comme de naïfs petits bergers, nous croyons saisir quelque chose de vous, et ce doit être moins que rien, puisqu’il y a déjà en nous-même de grands mystères que nous ne comprenons pas.

Le château intérieur, quatrièmes Demeures, chapitre II,4-5
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2. Une dilatation du cœur

Pour en revenir au verset (« Tu as dilaté mon cœur »), s’il peut éclairer, ce me semble, ce que j’écris ici, c’est à propos de cette dilatation, car il apparaît que lorsque cette eau céleste commence à couler de la source dont je parle au plus profond de nous, on dirait que tout notre intérieur se dilate et s’élargit, et on ne saurait exprimer tout le bien qui en résulte. L’âme elle-même ne peut comprendre ce qui lui est donné. Elle respire un parfum, disons-le maintenant, comme s’il y avait dans cette profondeur intérieure un brasero sur lequel on jetterait des parfums embaumés : on ne voit pas la braise, on ne sait où elle est, mais sa chaleur et la fumée odorante pénètrent l’âme tout entière, et même, comme je l’ai dit, le corps en a fort souvent sa part. Attention, comprenez-moi, on ne sent pas de chaleur, on ne respire pas une odeur, c’est chose plus délicate que ces choses-là, mais cela peut vous aider à comprendre, et les personnes qui n’en ont pas l’expérience sauront que cela se produit vraiment ainsi, qu’on le comprend plus clairement que je ne l’exprime. Ce n’est pas un de ces cas où l’on puisse se faire illusion, puisque nos plus grands efforts ne pourraient rien obtenir. Cela même nous prouve que ça n’est pas d’un métal courant, mais l’or infiniment pur de la sagesse divine.

Le château intérieur, quatrièmes Demeures, chapitre II,6
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3. Paix et repos en Dieu

Cette quiétude et ce recueillement sont une chose dont l’âme ressent profondément la paix intime et la satisfaction, jointes à l’immense bonheur et au repos des puissances dans une très suave délectation. Comme elle n’a jamais rien obtenu de plus, il lui semble n’avoir plus rien à désirer, et elle dirait de bon cœur comme saint Pierre qu’elle voudrait fixer là sa demeure. Elle n’ose se déplacer ni bouger. Il lui semble que ces biens vont lui glisser des mains. Elle voudrait même parfois se retenir de respirer. Elle ne comprend pas, la pauvrette, qu’impuissante à s’attirer ces biens, il lui est encore plus impossible de les garder plus longtemps que le Seigneur ne le veut. Dans ce premier recueillement de quiétude, les puissances de l’âme ne sont pas inactives, mais tant que cela dure, même si les deux puissances s’agitent, elle ne perd ni sa quiétude ni sa paix tant que la volonté reste unie à Dieu. Au contraire, peu à peu, elle recueille à nouveau l’entendement et la mémoire. Sans être totalement abîmée en Dieu, l’âme est si bien occupée de lui, sans savoir comment, que pour beaucoup d’efforts que fassent les deux autres puissances, elles ne peuvent l’arracher à son bonheur et à sa joie. Bien plus, sans aucun effort, elle fait le nécessaire pour que cette petite étincelle d’amour de Dieu ne s’éteigne point.

Autobiographie, chapitre XV,1
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III. Union

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1. Expérimenter l’amour de Dieu

Ici, bien que toutes nos puissances soient endormies, et bien endormies aux choses du monde et à nous-mêmes, (car, en fait, on se trouve comme privée de sens pendant le peu de temps que dure cette union, dans l’incapacité de penser, quand même on le voudrait), ici, donc, il n’est pas nécessaire d’user d’artifices pour suspendre la pensée. Et même pour aimer, car si elle aime, elle ne sait comment, ni qui elle aime, ni ce qu’elle aimerait. Enfin, elle est comme tout entière morte au monde pour mieux vivre en Dieu. Et c’est une mort savoureuse, l’âme s’arrache à toutes les opérations qu’elle peut avoir, tout en restant dans le corps : délectable, car l’âme semble vraiment se séparer du corps pour mieux se trouver en Dieu, de telle sorte que je ne sais même pas s’il lui reste assez de vie pour respirer. J’y pensais à l’instant, et il m’a semblé que non. Du moins, si on respire, on ne s’en rend pas compte. L’entendement voudrait s’employer tout entier à comprendre quelque chose de ce qu’éprouve l’âme, et comme ses forces n’y suffisent point, il reste ébahi de telle façon que s’il n’est pas complètement annulé, il ne bouge ni pied, ni main, comme on le dit d’une personne évanouie si profondément quelle nous paraît morte. Ô secrets de Dieu ! Jamais je ne me lasserais de chercher à vous les faire comprendre, si le pensais avoir quelque chance d’y réussir. Je dirai donc mille folies dans l’espoir de tomber juste une fois ou autre, afin que nous louions vivement le Seigneur.

Le château intérieur, cinquièmes Demeures, chapitre I,3-4
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2. La certitude d’être aimé infiniment

Donc, pour en revenir au signe dont je dis qu’il est le vrai, vous voyez cette âme que Dieu a rendue toute bête, pour mieux graver en elle la vraie science. Elle ne voit rien, n’entend ni ne comprend rien le temps que dure cet état, temps bref, mais il lui semble à elle, plus bref encore qu’il ne l’est. Dieu se fixe dans cette âme de telle façon que lorsqu’elle revient à elle, elle ne peut absolument pas douter qu’elle fut en Dieu, et Dieu en elle. Cette vérité s’affirme si fortement que même si des années se passent sans que Dieu lui fasse à nouveau cette faveur, elle ne peut l’oublier, ni douter de l’avoir reçue. C’est ce qu’il y a de plus important. … Vous me direz donc : « Comment l’a-t-elle vu ou compris puisqu’elle ne voit ni ne comprend ? » Je ne dis pas quelle l’ait vu dans l’instant, mais qu’elle le voit clairement après coup. Ce n’est pourtant pas une vision, mais une certitude que Dieu seul peut donner à l’âme.

Le château intérieur, cinquièmes Demeures, chapitre I,9-10
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3. Vouloir ce que Dieu veut

Nous pouvons très bien atteindre à la véritable union, avec la faveur de Notre Seigneur, si nous nous efforçons de l’obtenir en n’ayant d’autre volonté que celle de nous attacher en tout à la volonté de Dieu. Oh ! Que nous devons être nombreux à parler ainsi, à croire que nous ne voulons rien d’autre et que nous sommes prêts à mourir pour cette vérité, comme je crois l’avoir dit ! Mais je dis ici, et je le répéterai souvent, que si vous pensez ainsi, cette faveur du Seigneur vous est acquise. Ne soyez donc nullement en peine des régals de l’autre union dont j’ai parlé, son intérêt majeur est de découler de celle dont je parle ici, et du fait qu’il soit impossible d’y atteindre si l’union qui asservit notre volonté à celle de Dieu n’est pas bien affirmée. Oh quelle union à désirer ! Heureuse l’âme qui l’a obtenue, elle vivra en paix en cette vie, et également dans l’autre, car aucun des événements de la terre ne l’affligera, sauf de se trouver en quelque danger de perdre Dieu, ou de voir qu’on l’offense, mais ni la maladie, ni la pauvreté, ni mille morts, s’il ne s’agit de quelqu’un de nécessaire au service de Dieu, car cette âme voit bien qu’il sait ce qu’il fait mieux qu’elle ne sait ce qu’elle désire.

Le château intérieur, cinquièmes Demeures, chapitre III,3

4. Aimer son prochain

Si vous avez l’amour du prochain, je vous affirme que vous ne manquerez pas d’obtenir de Sa Majesté l’union dont j’ai parlé. Si vous constatiez qu’il vous fait défaut, même si vous avez de la ferveur et des joies spirituelles, même si vous croyez être parvenues à l’union, avoir eu une quelconque petite extase dans l’oraison de quiétude, croyez-moi quand je vous dis que vous n’avez pas obtenu l’union. Demandez à Notre Seigneur de vous donner à la perfection cet amour du prochain, et laissez faire Sa Majesté. Elle vous donnera plus que vous ne sauriez désirer, à condition que vous fassiez des efforts et que vous recherchiez, tant que vous le pourrez, cet amour-là. Contraignez votre volonté à être en tout conforme à celle de vos sœurs. Même si vous perdez vos droits, oubliez-vous pour elles, pour beaucoup que cela révolte votre nature et cherchez à assumer des tâches pour en délivrer votre prochain, lorsque vous en aurez l’occasion. Ne pensez pas que cela ne vous coûtera guère, et que c’est déjà chose faite. Considérez ce que son amour pour nous a coûté à notre l’Époux, lui qui pour vous délivrer de la mort mourut de la mort si douloureuse qu’est la mort sur la croix.

Le château intérieur, cinquièmes Demeures, chapitre III,12

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