Pentecôte 2008

Les langues de feu

Comme les Apôtres dans la chambre haute de Jérusalem, nous voici rassemblés, unanimes dans la prière, avec Marie, mère de Jésus. Une fois de plus l’Esprit du Christ nous a réunis en cet anniversaire de la première Pentecôte, pour recevoir de lui une mission universelle, et pour accueillir sa grâce de renouveau intérieur.

L’Esprit de Jésus vient à nous ce matin sans vent de tempête et sans flammes de feu, et il ne va pas attrouper autour de nous trois mille hommes se demandant ce qui nous arrive, et pourtant il nous envoie, nous aussi, jusqu’aux confins du monde, car nul ne peut entrer dans l’amour de Dieu sans entrer aussitôt dans son œuvre, et chaque fois que l’Esprit rassemble une communauté, c’est pour la mettre en état de mission.

De tous ses missionnaires, (et donc de nous tous), l’Esprit exige deux choses : qu’ils aiment passionnément l’unité, et qu’ils aiment passionnément la diversité. C’est là le sens profond du miracle des langues : plus les hommes sont différents, plus Dieu les veut unis, et plus ils sont unis, plus il les aime différents, car alors éclate la puissance de la charité.

Pour renouveler la face de la terre, l’Esprit Saint a donné aux Apôtres toutes les langues du monde, affirmant par là que l’Église, née universelle, ne s’identifierait jamais avec aucune culture, mais qu’elle les assumerait toutes. Il faut que chaque peuple entende "proclamer dans sa langue les merveilles de Dieu ?

Il faut aussi, au niveau de la vie quotidienne, que l’Évangile dont nous sommes porteurs trouve le chemin du cœur de chaque homme. Certains ou certaines d’entre nous seront envoyés, par l’Esprit de Jésus, aux frères lointains, aux terres lointaines, mais tous et toutes nous recevons aujourd’hui l’Esprit Saint pour parler la langue du frère tout proche, celle qui permet le dialogue des intelligences ert des cœurs :

  • langage des enfants, qu’on ne prend pas le temps d’écouter,
  • langage d’un mari qu’on supporte de moins en moins,
  • langage d’une épouse qu’on a cessé d’entendre,
  • langage des aïeuls, murés dans leurs souvenirs,
  • langage des jeunes qui n’attendent parfois qu’un signe pour faire confiance et se mettre à construire,
  • langage silencieux des malades en quête d’un peu de douceur et d’amitié,
  • langage des frères ou des sœurs d’une même communauté, qui ne doivent pas être écartés parce qu’ils sont différents.

Mais ce cœur universel, ce cœur ouvert à toute joie, à tout projet, à toute détresse, ce « cœur de chair » vibrant à la vie de Dieu et à la vie des hommes, sera en nous l’œuvre de l’Esprit, dans la mesure où nous accueillerons le renouveau qu’il nous apporte.

Il est une lumière intérieure que seul l’Esprit Saint peut nous donner, parce qu’il scrute les profondeurs de Dieu et les profondeurs de l’homme et qu’il nous est plus intime que l’intime de nous-mêmes. Au-delà de toute impression, au-delà des prises de notre conscience, au-delà des barrières de l’inconscient, il est là, déjà là, et il agit pour nous remodeler à l’image de Jésus Seigneur, l’homme nouveau, l’homme selon Dieu, l’Homme-Dieu lui-même, qui condense en sa personne toutes les énergies du monde recréé.

Il est une liberté que seul l’Esprit peut susciter en nous. Nous vivons enchaînés à notre passé, à nos craintes, à notre agressivité, à nos systèmes et à nos idéologies intolérantes, celles d’hier et celles d’aujourd’hui, mais l’Esprit nous donne part à la liberté du Christ Seigneur, qui est liberté de Fils. Notre liberté dans l’Esprit Saint n’est donc pas une liberté qui débouche sur le refus, sur une soif perpétuelle d’autonomie, sur des revendications adolescentes face à Dieu, mais une liberté d’assentiment, devant un Père qui est source de toute vie et de tout amour, c’est la liberté d’un fils ou d’une fille qui se reçoivent eux-mêmes des mains de Dieu et qui accueillent avec courage le devoir de créer, le devoir de vivre et de bien mourir.

Il est une qualité d’amour que seul l’Esprit de Jésus peut faire naître et grandir en nous, c’est l’amour de gratuité, qui « excuse tout, croit tout, espère tout, endure tout » (1 Co 13,7) et recommence sans cesse le premier pas, l’amour qui conduit chaque jour jusqu’à la croix, jusqu’au don de la vie. De cet amour-là, Jésus disait :« Il n’en est pas de plus grand ».

Et de fait il est « neuf tous les matins », comme la tendresse de Dieu.

Fr. Jean-Christian Lévêque, o.c.d.

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