Prix Humanisme chrétien 2010

Le prix de « l’humanisme chrétien » a été décerné à notre frère Didier-Marie Golay pour son livre « Edith Stein, devant Dieu pour tous ».

La cérémonie a eu lieu vendredi 15 octobre 2010, en la fête de notre mère Ste Thérèse de Jésus.

Discours de remerciement du Fr. Didier-Marie Gollay

Monsieur le Président, je vous remercie pour vos propos qui me vont droit au cœur. Je tiens à remercier également les membres du jury du prix « humanisme chrétien » pour m’avoir décerné le prix 2010.

Lorsqu’au mois de mai 2010, le docteur Henri Lafont m’a téléphoné pour m’apprendre que j’étais lauréat du prix Humanisme chrétien 2010, j’ai été à la fois très surpris, honoré bien sûr, mais surtout profondément touché. En effet, dans ces deux mots « humanisme » et « chrétien », je trouvais une confirmation du chemin qui avait été le mien à la suite d’Edith Stein et que j’avais envie de proposer à d’autres par cet ouvrage. Vous l’avez souligné, il ne s’agit pas seulement d’une biographie, car ici le cheminement existentiel et la pensée rigoureuse s’interpénètrent et sont indissociables.

Permettez-moi après avoir rappelé l’esprit de ce projet éditorial, de présenter brièvement la pensée d’Edith Stein et son actualité pour les lecteurs d’aujourd’hui.

Ce livre est né après plus de vingt ans de fréquentation de la personne et de la pensée d’Edith Stein. Je tiens à remercier ici le père Nicolas Jean Sed et le père Renaud Escande qui ont soutenu et accompagné ce projet. Ils m’ont permis d’intervenir à toutes les étapes pour que cet ouvrage corresponde au désir que j’avais de faire découvrir la vie et la pensée de cette grande figure philosophique et mystique contemporaine.

J’ai souhaité faire un ouvrage d’introduction à la lecture de ses œuvres car rien ne pourra remplacer l’accès direct aux écrits d’Edith Stein. Les photographies, les diverses présentations historiques, les extraits de ses œuvres et la présentation des vingt-cinq tomes de ses écrits permettent au lecteur de mieux situer les dimensions concrètes et existentielles dans lesquelles naissent la réflexion et la pensée d’Edith Stein. Je tiens à remercier les diverses personnes qui ont accepté de collaborer avec moi pour la rédaction de ces annexes. J’ai voulu présenter la vie et le message d’Edith Stein d’une manière simple, mais non pas simpliste, de manière à ce que tous puissent y trouver un intérêt.

Edith Stein est une personnalité exceptionnelle qui peut faire peur, mais quand on s’approche d’elle, elle devient vite une amie. Une de ses amies donne ce témoignage : « ses grands yeux noirs, au regard intense, se faisaient sévères, presque distants, pour écarter les curiosités importunes. Mais dès qu’on l’abordait en personne, une indescriptible douceur illuminait ses yeux, un sourire ravissant animait son visage. »

La vie d’Edith Stein fut une recherche humble et constante de la vérité ; une vérité conçue comme un principe de vie qu’elle cherche à saisir. Mais elle découvre soudain que cette vérité, c’est Quelqu’un ; Quelqu’un qui est « Chemin, Vérité et Vie. » (Jn 14,6.) Saisie au plus profond d’elle-même, au cœur de son être, elle se laisse emporter par Lui et marche à sa suite jusqu’à la Croix pour recevoir de Lui la plénitude de Vie. Son existence est marquée par des ruptures qui semblent être parfois des oppositions : juive et chrétienne, philosophe et religieuse… Cependant nous pouvons y découvrir, dans la foi, la totale liberté d’une créature face à son Créateur. Cette découverte peut nous inviter à rendre de grâce pour l’œuvre de Dieu manifestée dans la vie d’Edith Stein et nous appelle peut-être à porter un autre regard sur notre propre vie. En son être s’est accomplie une profonde unité qui fit dire à Edmund Husserl : « En elle tout est authentique. » C’est vers cette authenticité de l’être qu’elle veut mener ceux qui s’approchent d’elle.

Edith Stein est profondément humaine. Attentive à la dimension sociale de la personne, elle note à propos de son enfance : « je savais depuis mes premières années qu’il était bien plus important d’être bon que futé. » (Vie d’une famille juive, p. 182.)

Si elle a soif de savoir, ce n’est pas pour acquérir simplement des connaissances, mais pour vivre ; elle exprime ainsi une de ses plus hautes convictions : « nous sommes en ce monde pour servir l’humanité… Le meilleur moyen d’y arriver c’est de faire ce pour quoi on a les aptitudes requises… » (Vie d’une famille juive, p. 228).

Sa recherche philosophique est imprégnée de sa quête existentielle : « Mes travaux n’ont toujours été que l’impression de ce qui m’a préoccupé dans la vie. » (Lettre du 15 octobre 1921.)

Exigeante vis-à-vis d’elle-même – selon sa propre expression il faut « se tenir en main » (De la Personne, p. 22) – elle s’ouvre à un nouveau mode de relation : « J’avais appris qu’on ne rend que très rarement les autres meilleurs en leur « disant la vérité » : cela ne peut être utile que s’ils ont vraiment eux-mêmes le désir de devenir meilleurs, et qu’ils accordent aux autres le droit de leur faire des remarques. » (Vie d’une famille juive, p. 303.)

Belle leçon d’humanisme dans les relations humaines.

Réfléchissant sur les limites, sur la finitude de son être, elle découvre Celui qui, plus intime à elle-même qu’elle-même, la soutenait dans l’existence, lui donnant « la vie, le mouvement, et l’être » (Ac 17, 28). Elle le découvre comme Celui qui se donne lui-même, comme Celui qui veut communiquer sa sainteté, sa vie : « Dieu est Amour et l’Amour est Bonté qui s’offre elle-même, une plénitude d’Être qui ne reste pas enclose en elle-même mais qui veut se communiquer, s’offrir aux autres et les combler de bonheur. » (Source Cachée, p. 118.)

Son intérêt pour l’être humain ne s’estompe pas avec sa découverte du Christ Jésus, qui devient « le centre de sa vie » (Lettre du 13 décembre 1925) ; bien au contraire, cet intérêt s’approfondit en découvrant que l’être humain est à l’image et à la ressemblance de Dieu et qu’il est appelé à devenir enfant bien-aimé du Père, dans le Fils unique.

La vie sacramentelle qu’elle découvre et à laquelle elle participe intensément devient à ses yeux un chemin qui permet aux femmes d’accomplir leur être profond : « le principe formateur le plus profond de l’âme féminine est l’amour tel qu’il jaillit du cœur divin. L’âme féminine acquiert ce principe formateur en s’attachant le plus intimement possible au cœur divin dans une vie eucharistique et liturgique. » (La femme, p. 85.)

Sa propre réflexion lui permet de se situer à une juste place dans l’aide qu’elle peut apporter aux autres : « Je ne suis qu’un instrument dans les mains du Seigneur. Celui qui vient à moi, je voudrais le mener à Lui » (Lettre du 19 décembre 1930.)

À plusieurs reprises, elle insiste sur cette réalité : « Au fond, je n’ai à dire qu’une simple et petite réalité : comment on peut commencer à vivre en tenant la main du Seigneur. » (Lettre du 29 avril 1931.)

Son “être chrétien” lui a permis d’approfondir son “être humain” et de l’accomplir pleinement : « l’imitation du Christ conduit l’être humain – écrit-elle – à remplir sa vocation originelle qui est de reproduire en lui l’image de Dieu. » (La femme, p. 166.) Nous sommes bien là en présence d’un authentique “humanisme chrétien”.

En proclamant sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix, co-patronne de l’Europe, le 1er octobre 1999, Jean-Paul II disait : « En elle, tout exprime le tourment de la recherche et l’effort du « pèlerinage » existentiel.

Déclarer aujourd’hui Edith Stein co-patronne de l’Europe signifie déployer sur l’horizon du vieux continent un étendard de respect, de tolérance, d’accueil, qui invite hommes et femmes à se comprendre et à s’accepter au-delà des diversités de race, de culture et de religion, afin de former une société vraiment fraternelle. » Dans ces quelques lignes, tout est dit de l’actualité d’Edith Stein pour notre temps.

Thérèse-Bénédicte nous est étonnamment proche parce qu’elle a cherché un sens à sa vie, parce qu’elle a voulu “êtreˮ, et “être pleinementˮ. Elle a connu l’angoisse, le mal de vivre, l’épreuve… Elle peut être un guide aujourd’hui pour nous apprendre à poser un regard de foi sur nos existences et sur les événements de l’histoire, malgré leurs incohérences apparentes.

C’est à tout homme et à tout l’homme qu’elle adresse cet appel à la sainteté : « La pensée que la miséricorde de Dieu pourrait se limiter aux frontières de l’Église visible, m’a toujours été étrangère. Dieu est la Vérité. Qui cherche la vérité, cherche Dieu, qu’il en soit conscient ou non. » (Lettre du 23 mars 1938.)

Elle nous montre l’importance du travail intellectuel et en même temps la nécessité de son dépassement. Son adhésion au Christ ne l’a pas conduite à un rejet de ce qu’elle avait fait auparavant mais à un approfondissement dans la foi.

Vivre de cette Vie-là et permettre à d’autres d’en vivre, telle est la “petite véritéˮ qu’elle veut transmettre. Une marche avec Dieu qui, peu à peu, saisit la totalité de l’être, pour le conduire, par l’Eucharistie et par la Science de la Croix, à une vie de plus en plus pleine, à une vie donnée, à une vie offerte. Sœur Thérèse-Bénédicte de la Croix a parcouru ce chemin à la suite du Christ, elle peut devenir notre guide et notre amie pour notre propre parcours d’“homme” et de “chrétien”.

N’ayons pas peur d’elle : à l’égard de ses lecteurs, elle garde cette belle attitude de formatrice qu’elle définit ainsi : « le jeune qui nous est confié doit devenir un être vrai et vraiment lui-même. » (ESGA 16, p. 6.)

L’interrogation qu’elle formulait en janvier 1932 garde toute sa pertinence : « Nous ne pouvons éluder la question de savoir ce que nous sommes et quel est notre devoir. Ce n’est pas seulement notre intellect réfléchissant qui nous y oblige. La vie elle-même a rendu notre existence problématique. » (La femme, p. 171.)

Au mois de mai, un frère carme à qui je confiais la bonne nouvelle de la réception du prix “humanisme chrétien” 2010, m’écrivait : « quelle surprise… Que de responsabilités aussi pour suivre cette voie de l’humanisme chrétien que d’autres ont reconnu en toi. »

En recevant ce prix, je suis encouragé à poursuivre sur cette voie à la suite d’Edith Stein, à la suite du Christ Jésus. Et je forme le souhait que de nombreux lecteurs, grâce à cette distinction, puissent s’approcher d’Edith Stein pour apprendre d’elle à devenir plus “homme” en choisissant le Christ comme centre de leur vie.

Aujourd’hui, 15 octobre, l’Église célèbre sainte Thérèse d’Avila qui a conduit Edith Stein vers le Baptême. Écoutons pour conclure le témoignage d’Edith : « La force de son langage, la sincérité et la simplicité de son style ouvrent les cœurs et y portent la vie divine. Le nombre de ceux qui lui doivent d’avoir trouvé le chemin de la Lumière ne sera connu qu’au jour du jugement dernier. » (L’art d’éduquer, regard sur Thérèse d’Avila, p. 99.) Nous pouvons tout à fait appliquer ces paroles à Edith Stein elle-même.

Merci de votre attention.

Fr. Didier-Marie GOLAY, carme déchaux

Edith Stein, devant Dieu pour tous du père Didier-Marie Golay (Le Cerf)

L’Académie d’éducation et d’études sociales (AES) et l’association d’éducation et d’entraide sociales (AEES) - créée en Suisse pour soutenir les buts de l’Académie – promeuvent, depuis 1922 et 1925, toutes formes d’action soutenant l’éducation et les applications possibles des enseignements sociaux chrétiens.

En attribuant le prix Humanisme chrétien 2010 au père Didier-Marie Golay pour son livre « Edith Stein, devant Dieu pour tous », l’AES et l’AEES tiennent évidemment à couronner un ouvrage qui réponde à tous les critères du prix : « ouvrage novateur et formateur, accessible au plus grand nombre, et répondant aux valeurs de tradition sociale et d’humanisme chrétien » que l’association a pour but de promouvoir. Mais elles souhaitent aussi attirer l’attention, dans ce monde déboussolé, sur la question essentielle à tout homme : à qui, et vers qui allons-nous ?

Edith Stein, Juive et catholique, philosophe et théologienne, infirmière et religieuse carmélite, sœur Thérèse–Bénédicte de la Croix, assassinée à Auschwitz, est une personnalité immense. Ses qualités humaines et religieuses la désignent comme un modèle accompli d’humanisme chrétien. Le mérite du père Golay est de donner dans son livre non seulement une biographie captivante et abondamment illustrée mais, plus encore, un exposé clair de l’œuvre philosophique de cette femme contemporaine qui a su faire dialoguer la pensée moderne avec la philosophie thomiste. Jean Paul II cite Edith Stein dans Fides et Ratio (74) aux côtés du cardinal Newman, de Maritain, de Gilson.

Fr. Didier-Marie Golay devant le monument dédié à Ste Thérèse-Bénédicte de la Croix (Edith Stein) à Cologne

En rassemblant ces éléments, historiques, biographiques, philosophiques et spirituels, autour de ce personnage exceptionnel, l’œuvre est pénétrée d’un humanisme chrétien authentique et pleinement actuel.

On l’aura compris cet ouvrage décapant renouvelle le regard de chacun face à sa propre réalité, à celle de l’autre, si différent soit-il et surtout face au Créateur. C’est un livre à proposer à tous, à chaque jeune qui se pose les questions essentielles sur l’être humain, sa dignité et le sens de la vie.

Prix Humanisme chrétien

Créée en 1922 l’académie d’éducation et d’études sociales (AES) promeut toutes formes d’action soutenant l’éducation et les applications possibles d’une doctrine sociale chrétienne et humaniste.

Elle regroupe et a regroupé en son sein, comme membres titulaire, associés ou correspondants, ceux et celles qui, en France et dans les pays francophones, veulent contribuer à approfondir le christianisme social.

Elle s’est donné pour objet d’étudier les questions sociales dans un esprit conforme à la tradition humaniste chrétienne ; de rechercher les applications possibles des perspectives ouvertes par les principes de l’enseignement social chrétien ; de communiquer ses travaux à un public de responsables dans la cité.

Dans ce but, elle fait appel chaque année à des personnalités du monde politique, économique, social et universitaire, en vue d’ouvrir un débat et de présenter ses travaux dans un esprit de large ouverture.

Elle comprend statutairement 40 membres, des membres associés et honoraires. Elle entretient également des relations avec d’autres associations et des institutions par l’intermédiaire de membres correspondants.

Lorsqu’elle l’estime indiqué, l’Académie (AES) décerne un prix destiné à encourager un auteur, une œuvre ou une réalisation sociale ; ou elle attribue avec l’Association d’éducation et d’entraide sociales (AEES) le « Prix Humanisme chrétien » destiné à un ouvrage novateur et formateur, accessible au plus grand nombre, et répondant aux valeurs de tradition sociale et de l’humanisme chrétien.

En 1925, l’association d’éducation et d’entraide sociales (AEES) a été créée en Suisse pour soutenir et poursuivre les buts de l’Académie (AES) ; Le prix Humanisme chrétien est attribué en partenariat avec cette association.

  • Prix Humanisme chrétien 2004 : « Morale en désordre » du Père Paul VALADIER s.j. Seuil
  • Prix Humanisme chrétien 2005 : « Étincelles » du Père François CASSINGENA Ad Solem
  • Prix Humanisme chrétien 2006 : « Le moine et la psychanalyste » de Marie BALMARY Albin Michel
  • Prix Humanisme chrétien 2007 : « Les mirages de l’Art contemporain » de Christine Sourgins Éditions de La Table Ronde
  • Prix Humanisme chrétien 2008 : « Philippine - La force d’une vie fragile » de Sophie Chevillard Lutz Éditions de l’Emmanuel
  • Prix Humanisme chrétien 2010 : « Devant Dieu pour tous » de Didier-Marie Golay, Éditions du Cerf

Académie d’éducation et d’études sociales - 5, rue Las Cases - 75007 Paris - academie.etudes.sociales chez wanadoo.fr - rép/fax : 01 43 36 69 75 Site : aes-France.com

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