Ste Thérèse de Jésus 2008

Pour découvrir ou approfondir votre connaissance de la vie et de la spiritualité de Sainte Thérèse de Jésus, visitez notre rubrique Thérèse d’Ávila.

Deux événements marquent la vie présente de notre Eglise. A Rome se poursuit le Synode général des évêques sur la Parole de Dieu tandis que nous vivons l’année jubilaire de Saint Paul. Thérèse d’Avila comme on la nomme le plus souvent, notre mère sainte Thérèse de Jésus, comme nous l’appelons avec vénération et amour filial, a toujours vécu au rythme de la vie ecclésiale de son temps. L’Eglise d’Espagne connaît au 16e siècle – le siècle d’or – pour ainsi dire deux saisons : un magnifique printemps, puis un temps de plus en plus hivernal…

La première période couvre les 40 premières années de la vie de Thérèse. Depuis la fin du 15e siècle en effet, l’Eglise espagnole a connu ce que les historiens appellent une « pré-réforme », un renouveau spirituel et une renaissance théologique remarquables sous l’autorité des Rois catholiques puis de Charles Quint et sur l’impulsion du cardinal franciscain Cisneros. C’est dans ce contexte vivifiant que Thérèse « amie des bons livres » (Vie 3,7) lit et assimile énormément d’ouvrages : dans son enfance, le Flos Sanctorum – la Légende dorée de Jacques de Voragine, nourrit son désir du martyre ; puis entre 12 et 16 ans elle avale à l’instar de sa mère qui vient de mourir les romans de chevalerie : « quand je n’avais pas un nouveau livre, je ne prenais plaisir à rien » (Vie 2,1). Puis elle passe aux livres sérieux, où se détachent, à des moments essentiels de son cheminement chrétien et du discernement de sa vocation, trois Pères de l’Eglise : saint Jérôme, saint Grégoire le Grand et saint Augustin.

Thérèse a donc largement bénéficié de la culture humaniste, des lettres et des lettrés (« letrados »), les théologiens éminents qui, durant la décennie 1555-1565 de la conversion et des premiers phénomènes mystiques, vont la confirmer sur son chemin singulier de femme « spirituelle ». On ne parle pas alors « des mystiques » ; ce n’est encore qu’un adjectif au triple sens d’abord biblique : il désigne ce qui est en lien avec le « Mystère de Dieu » exposé par saint Paul ; puis il reçoit un sens liturgique pour nommer l’Eucharistie puis l’Eglise comme corps du Christ, et enfin il se dit de la théologie, la théologie mystique (une expression présente 4 fois dans le Livre de la Vie) étant « non pas celle qui s’enseigne mais celle qui se connaît par l’amour et dans laquelle non seulement on connaît mais en même temps on savoure », comme l’explique saint Jean de la Croix dans le prologue de son Cantique spirituel.

Puis surviennent des temps plus dramatiques, comme un automne et bientôt un hiver de l’Eglise. Le règne de Philippe II, à partir de 1556, est caractérisé par Thérèse comme des « tiempos recios » (Vie 33,5), des temps rudes, cruels, difficiles à supporter. Sous la menace de la réforme protestante et de la déchirure de l’unité de la Chrétienté, on prend peur, on se durcit, la peur dans l’Eglise est toujours mauvaise conseillère, on tient en otage Jean de la Croix, on accuse Thérèse auprès de l’Inquisition, mais elle ne cède jamais à la peur s’appuyant avec douceur, humour et souveraine liberté sur « la foi de l’Eglise et des Saints ». En 1559, on interdit la plupart des livres en espagnol. Thérèse perd son principal soutien dans la prière. C’est alors que le Seigneur la réconforte par ces paroles intérieures : « N’aie pas de peine, je te donnerai un livre vivant ». Elle ne comprit rien sur le moment. Elle écrit : « Quelques jours plus tard, je le compris très bien, car j’ai reçu tant à penser et à me recueillir dans ce que je voyais présent : le Seigneur m’a montré tant d’amour pour m’enseigner de tant de manières, que j’ai eu très peu et même pas du tout besoin de livres. Sa Majesté a été le livre véritable où j’ai vu les vérités. Béni soit un tel livre qui laisse imprimé ce qu’on doit lire et faire de manière qu’on ne peut l’oublier ! » (Vie 26,5)

Thérèse, qui aimait tant la lecture, n’a pas eu de Bible et n’a pas pu lire la Bible. Malgré cela nous comptons dans les écrits de la Madre plus de 600 citations tirées de 47 livres des Ecritures : 200 citations dans 26 livres de l’AT ; et 400 citations de 21 écrits du NT. Car heureusement il y a la liturgie, comme en témoigne ce qu’elle dit par exemple à ses sœurs dans son propre et audacieux commentaire du Cantique des cantiques : « Dans l’office que nous récitons de Notre-Dame, chaque semaine, vous pouvez voir les nombreuses antiennes et leçons qui y sont écrites tirées de ce livre (du Cantique des cantiques)… Chacun pourra le comprendre comme Dieu veut le donner à comprendre. Chacun pourra voir très clairement s’il a reçu quelque chose de ces faveurs, semblables à celle que dit l’Epouse : il a ordonné en moi la charité » (Méditations sur le Cantiques 6,8).

Pour Thérèse, le critère fondamental de tout discernement c’est la conformité avec les Ecritures : « Tout le malheur qui vient au monde est de ne pas connaître les vérités de l’Ecriture con clara verdad, dans la claire vérité » (Vie 40, 1).

Selon les vœux du concile Vatican II, la Sainte Ecriture est pour la Madre « la source pure et intarissable de la vie spirituelle ». Dans le jardin des Ecritures Thérèse s’est sentie appelée à danser. Lire, écouter la Parole de Dieu c’est célébrer sa grandeur. Le Christ « parle fort bien au cœur quand de tout cœur nous le lui demandons. Il nous enseigne sa prière avec douceur et humilité et nous donne à entendre que dans sa parole il y a toujours un plus, qui n’est pas dit et ne peut se dire. Ainsi parvenue à la septième demeure, Thérèse s’écrie : « Qui pourra jamais raconter toutes ses miséricordes et grandeurs ? C’est impossible, ne vous étonnez donc pas de ce que j’ai dit et de ce que je dirai encore car ce n’est qu’un indice – una cifra, un abrégé – auprès de ce qu’il nous faut raconter de Dieu » (7 D 1, 1). Après les évangiles, l’auteur le plus cité par Thérèse est saint Paul. C’est à lui qu’elle recourt pour exprimer la transformation dans le Christ par la métaphore du ver à soie mourant dans son cocon et changé en papillon qui court des 5es aux 7es Demeures. Dans les cinquièmes « le ver à soie édifie la maison où il doit mourir, cette maison c’est le Christ. Je crois avoir lu ou entendu que notre vie est cachée dans le Christ ou en Dieu et que le Christ est notre vie. » (5 D 2,4) Dans la 7e demeure, elle recourt encore à saint Paul pour expliquer le « sublime mariage spirituel » : « Peut-être est-ce là ce qu’entendait saint Paul lorsqu’il disait : Celui qui s’unit au Seigneur n’est avec lui qu’un seul esprit… il dit aussi : Le Christ est ma vie et la mort m’est un gain ; voilà me semble-t-il ce que l’âme peut dire dans le mariage spirituel, car c’est ici que meurt le petit papillon dont nous avons parlé et avec une indicible joie parce que le Christ est devenu sa vie » (7 D 2,5). Accueillons donc l’invitation de la Madre : « Tous les biens nous viennent de notre Seigneur. Il vous instruira. Considérez sa vie, c’est la meilleur modèle. Que voulons-nous avoir de mieux à nos côtés qu’un si bon ami qui ne nous abandonnera pas dans les peines et les tribulations comme le font ceux du monde ? Bienheureux celui qui l’aime et le garde toujours auprès de lui ! Regardons le glorieux saint Paul, on eût dit que Jésus lui sortait toujours par la bouche tant il le gardait présent dans le cœur. » (Vie 22, 7)

Frère Philippe Hugelé, OCD

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