Vivre pleinement

Charité, savoir se remettre en cause, humilité, détachement…

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I. Charité

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1. Ne pas juger

Comprenons, mes filles, que la véritable perfection est dans l’amour de Dieu et du prochain ; plus nous observerons ces deux commandements, plus parfaites nous serons. Toute notre Règle et nos Constitutions ne tendent à rien d’autre. Elles ne font que nous donner le moyen de mieux les observer. Trêve de zèles indiscrets qui peuvent nous faire grand mal. Que chacune se considère elle-même. Cet amour que vous devez avoir les unes pour les autres est si important que je voudrais que vous ne l’oubliez jamais, car à force de considérer chez les autres de petits riens, qui d’ailleurs ne sont peut-être pas des imperfections, mais que, dans notre ignorance, nous prenons en mauvaise part, notre âme peut perdre la paix, et même inquiéter celle des autres. Considérez que cette perfection-là coûterait cher.

Le château intérieur, premières Demeures, chapitre II,17
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2. Savoir se remettre en cause

Considérons nos fautes, et laissons là celles des autres, car le fait des personnes vertueuses est souvent de s’offusquer de tout, et, d’aventure, ceux dont nous nous offusquons pourraient bien avoir beaucoup à nous apprendre d’essentiel. Il se peut que dans l’attitude extérieure, la manière d’être, nous les surpassions, mais le principal n’est pas là, bien que ce soit important, mais il n’y a pas de quoi vouloir que tout le monde suive immédiatement le même chemin que nous, ni de nous mettre à les instruire des voies spirituelles, alors que, d’aventure, nous les ignorons. Nous pouvons en effet faire un usage fort erroné, mes sœurs, de ce désir que nous donne Dieu d’aider les âmes. Il vaut donc mieux nous en tenir à notre Règle : « Chercher à vivre toujours dans le silence et l’espérance » (Is.30,15), et le Seigneur prendra soin de des âmes. Tant que nous ne négligerons pas de supplier pour elles Sa Majesté, nous serons fort utiles, avec sa grâce. Qu’elle soit bénie à jamais !

Le château intérieur, troisièmes Demeures, chapitre II,13
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3. Servir

Quand je vois des âmes s’adonner diligemment à examiner leur oraison, si encapuchonnées qu’elles n’osent ni bouger ni détourner leur pensée pour éviter qu’un peu de leur plaisir et de leur ferveur ne se dérobe, j’en conclus qu’elles comprennent bien mal par quel chemin on atteint à l’union, et qu’elles pensent que toute l’affaire se réduit à cela. Mais non, mes sœurs, non : le Seigneur veut des œuvres. Si tu vois une malade à qui tu puisses apporter certain soulagement, peu doit t’importer de perdre cette ferveur : aie pitié d’elle ! Si elle souffre, souffre, toi aussi, et si c’est nécessaire, jeûne pour qu’elle mange à ta place. … Si tu entends vivement louer une personne, réjouis-toi beaucoup plus que si on te louait toi-même. … Nous réjouir qu’on reconnaisse les vertus de nos sœurs est une grande chose, de même que, si l’on voit en l’une d’elles un défaut, le déplorer comme s’il s’agissait de nous-même, et le cacher. /…/ Demandez à Notre Seigneur de vous donner, à la perfection, cet amour du prochain, et laissez faire Sa Majesté : elle vous donnera plus que vous ne sauriez désirer, à condition que vous fassiez des efforts et que vous recherchiez, tant que vous le pourrez, cet amour-là. Contraignez votre volonté à être en tout conforme à celle de vos sœurs. Même si vous perdez vos droits, oubliez-vous pour elles, pour beaucoup que cela révolte votre nature et cherchez à assumer des tâches pour en délivrer votre prochain, lorsque vous en aurez l’occasion. Ne pensez pas que cela ne vous coûtera guère, et que c’est déjà chose faite. Considérez ce que son amour pour nous a coûté à notre l’époux, lui qui pour vous délivrer de la mort mourut de la mort si douloureuse qu’est la mort sur la croix.

Le château intérieur, cinquièmes Demeures, chapitre III,11-12
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4. Donner naissance à des œuvres

Il sera bon, mes sœurs, de vous dire dans quel but le Seigneur accorde tant de faveurs en ce monde. Les effets ont du vous le faire comprendre, si vous avez été attentives, mais je veux toutefois vous en reparler ici, pour qu’aucune d’entre vous n’imagine qu’il ne cherche qu’à choyer ces âmes, ce serait une grave erreur. Sa Majesté ne peut nous accorder une plus grande faveur que de nous faire vivre dans l’imitation de la vie de son Fils tant aimé. J’ai donc la certitude que ces faveurs tendent à fortifier notre faiblesse, comme je l’ai parfois dit ici, afin que nous sachions, à son exemple, beaucoup souffrir. /…/ Ô mes sœurs, quel oubli de son repos, quel mépris de son honneur, quel éloignement de toute recherche d’estime, chez l’âme qu’habite si particulièrement le Seigneur ! Comme elle vit beaucoup avec Lui, il est juste qu’elle ne pense guère à elle-même. Sa mémoire s’emploie toute à chercher le meilleur moyen de le contenter, que faire dans ce but, et comment lui montrer son amour. Tel est le but de l’oraison, mes filles. Voilà à quoi sert ce mariage spirituel : donner toujours naissance à des œuvres, des œuvres.

Le château intérieur, septièmes Demeures, chapitre IV,4.6
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5. Aimer

Aimer, c’est la passion d’agir pour qu’une âme aime Dieu et en soit aimé, car, comme je l’ai dit, s’il n’en est pas ainsi, ces âmes savent que nul autre amour ne dure. C’est un amour qui leur coûte cher, car elles ne cessent de faire tout ce qu’elles peuvent pour que leur amour soit un bienfait. Elles donneraient mille vies pour lui procurer un peu de bien à la personne aimée. Il est étrange de voir combien cet amour est passionné, que de larmes il coûte, que de pénitences, que de prières, quelle diligence pour recommander l’âme aimée à tous ceux que l’on estime puissants auprès du Seigneur. C’est un souci constant, une insatisfaction continuelle, car si celui qui aime voit que l’âme aimée et en voie de progrès retourne quelque peu en arrière, il n’aura plus, semble-t-il, de plaisir en cette vie. Il ne mange ni ne dort, habité par cette préoccupation, craignant toujours que se perde une âme qu’il aime tant, et qu’il doive s’en séparer pour toujours. /…/ C’est un amour sans la moindre parcelle d’intérêt. Tout son intérêt consiste à voir cette âme riche des biens du ciel. Enfin, c’est un amour qui ressemble quelque peu à celui que le Christ a eu pour nous. Il mérite le nom d’amour et n’a rien à voir avec les malheureuses et frivoles amourettes terrestres ; et encore, je ne parle pas des amours défendus. Dieu nous en préserve !

Le chemin de perfection VI,9-VII,1 texte Escorial, numérotation Valladolid
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II. Humilité

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1. Ne pas se justifier

Oh, pour l’amour de Dieu, mes sœurs, faites très attention à ce qu’aucune d’entre vous ne se laisse toucher par une charité indiscrète et ne s’apitoie sur sa sœur pour des insultes imaginaires. … Que toutes les religieuses de cette maison, et les personnes qui aspirent à la perfection, fuient de mille lieues des paroles de ce genre : « j’avais raison » ou « on m’a fait tort ». Dieu nous garde des mauvaises raisons ! Y avait-il une raison pour que le Christ notre bien subisse et reçoive tant d’injures ? Y en avait-il une pour qu’il supportât tant d’injustices ? Je ne sais vraiment pas ce qu’est venue faire dans un monastère celle qui ne veut porter que la croix qu’elle est en parfait droit d’attendre. Qu’elle retourne dans le monde où son prétendu bon droit ne sera pas davantage sauvegardé ! /…/ Que celle qui parmi vous se croira la moins estimée se considère comme la plus heureuse ! A dire vrai, elle l’est réellement si elle supporte cet état de choses comme elle le doit. /…/ Et je vous le répète, ne considérez pas ces choses comme négligeables, car si vous ne faites pas diligence pour les déraciner, ce qui n’est rien aujourd’hui sera peut-être demain un péché véniel, et c’est une pente si dangereuse que si vous laissez les choses aller, le péché ne restera pas seul.

Le chemin de perfection XIII,1.3 texte Escorial, numérotation Valladolid
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2. Avoir une sainte présomption

O Seigneur ! Tout notre mal vient de ce que nous n’avons pas les yeux fixés sur vous, car si nous ne regardions que le chemin nous arriverions rapidement, mais nous faisons mille chutes, mille faux pas, et nous perdons le chemin parce que nous ne fixons pas notre regard sur le vrai chemin. On dirait que ce chemin n’a jamais été parcouru, tant il nous semble nouveau. C’est chose déplorable en vérité. Je dis que nous ne semblons pas être chrétiens, ni ne paraissons avoir lu de toute notre vie le récit de la Passion. Grand Dieu ! Vient-on à chatouiller notre point d’honneur ! C’est celui qui nous dira de ne pas y prêter attention qui passera pour non chrétien. J’ai ri bien souvent ou plutôt je me suis affligée de ce que j’ai pu voir dans le monde et même, pour mes péchés, dans les Ordres religieux : nous montre-t-on un peu moins d’estime, nous ne le supportons pas. Nous disons aussitôt que nous ne sommes pas des saints. Dieu nous préserve, mes filles, quand nous ferons quelque chose d’imparfait, de dire : « nous ne sommes pas des anges », « nous ne sommes pas des saintes » ! Considérez, bien que nous ne le soyons pas, comme il est bon pour nous de penser que, si nous faisons des efforts, Dieu nous aidera à le devenir. Ne craignez pas qu’il nous manque si, de notre côté, nous faisons ce que nous pouvons puisque nous ne sommes venues ici que dans ce but : la main à l’ouvrage, comme on dit ! Qu’il n’y ait rien où nous ne pensions pouvoir servir davantage le Seigneur que nous ne présumions, avec son aide, de mener à terme. Voilà la présomption que je voudrais voir dans cette maison. Elle fait croître l’humilité : nous devons toujours être téméraires, car Dieu aide les forts et il ne fait pas acception des personnes : à vous comme à moi, il donnera du courage.

Le chemin de perfection XVI,11-12 texte Escorial, numérotation Valladolid
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3. Contempler l’humilité de Dieu

La connaissance de soi est si nécessaire, même pour celles d’entre vous que le Seigneur a introduites dans la demeure où il se trouve lui-même, que jamais, malgré votre élévation, vous ne pouvez mieux faire. /…/ Je répète donc qu’il est très bon, et meilleur encore, de chercher à pénétrer d’abord dans la salle qui la concerne (premières Demeures) plutôt que de s’envoler vers les autres. … Il me semble que jamais nous n’arriverons à nous connaître si nous ne cherchons pas à connaître Dieu : la vue de sa grandeur nous montrera notre bassesse, celle de sa pureté, nos souillures et son humilité, nous découvrira combien nous sommes loin d’être humbles. /…/ Notre entendement et notre volonté s’ennoblissent, ils se disposent mieux à accomplir tout ce qui est bien lorsque notre regard se tourne vers Dieu. Il y a de grands inconvénients à ne jamais sortir de notre boue et de notre misère. /…/ Si nous vivons enfoncés dans les misères de notre terre, jamais nous ne sortirons du courant boueux des craintes, des pusillanimités, et de la lâcheté : regarder si on me regarde ou si on ne me regarde pas, me demander s’il y a du danger à suivre cette voie ou s’il n’y aurait pas quelque orgueil à oser entreprendre cette action ? Est-il bon qu’une misérable comme moi s’occupe d’une chose aussi haute que l’oraison ? Me méprisera-t-on si je ne suis pas la voie de tout le monde ? Et puis, les extrêmes ne sont pas bons, même dans la vertu, grande pécheresse que je suis, ne serait-ce tomber de plus haut ? Je ne progresserai peut-être point, et je nuirai à de bonnes gens. Quelqu’un comme moi n’a pas besoin de se singulariser. Dieu secourable, mes filles ! Qu’elles sont nombreuses les âmes que le démon a dû beaucoup appauvrir par ce moyen ! Elles prennent tout cela pour de l’humilité, et bien des choses encore que je pourrais dire. Cela provient de ce que nous ne nous connaissons pas tout à fait. La connaissance que nous avons de nous-même est déviée, et si nous ne sortons jamais de nous-même, je ne suis pas surprise que cela, et pis encore, soit à craindre. C’est pourquoi je dis, mes filles, que nous devons fixer nos regards sur le Christ, notre bien. Là, nous apprendrons la véritable humilité. En Lui et en ses Saints, notre entendement s’ennoblira comme je l’ai dit, et la connaissance de nous-même n’engendrera pas de lâches voleurs, car bien que ce ne soit encore que la première Demeure, elle est très riche et d’un si grand prix que celui qui échappe à la vermine qui s’y trouve ne manquera pas de progresser.

Le château intérieur, premières Demeures, chapitre II,8-11
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4. Humilité et gratuité de la prière

Lorsque vous aurez fait tout ce qu’on accomplit dans les précédentes Demeures, de l’humilité, de l’humilité ! C’est elle qui persuade le Seigneur de nous accorder tout ce que nous attendons de lui. Vous reconnaîtrez en tout premier lieu que vous la possédez à ce que vous ne croirez pas mériter ces faveurs et saveurs du Seigneur, ni jamais les connaître de votre vie. En ce cas, objecterez-vous, comment les obtient-on sans les chercher ? Je réponds que le meilleur moyen est celui que je vous ai dit, ne pas les rechercher, pour les raisons suivantes. La première, c’est qu’il faut d’abord, pour cela, aimer Dieu sans intérêt. La seconde, c’est qu’il y aurait certain manque d’humilité à penser que nos misérables services pourraient nous valoir quelque chose d’aussi grand. La troisième, c’est que la vraie manière de nous y préparer est le désir de souffrir et d’imiter le Seigneur. La quatrième, c’est que Sa Majesté n’est pas obligée de nous l’accorder, comme elle l’est de nous accorder le ciel si nous observons ses commandements, car nous pouvons nous sauver sans cela. Dieu sait mieux que nous ce qui nous convient, et qui l’aime vraiment. C’est vrai, je le sais, car je connais des gens qui suivent la voie de l’amour comme ils le doivent, uniquement pour servir le Christ crucifié, et non seulement ils ne lui demandent pas de plaisirs spirituels et n’en désirent pas, mais ils le supplient de ne pas leur en donner en cette vie. C’est la vérité. La cinquième, c’est que nous travaillerions en vain, car cette eau ne peut être amenée par les aqueducs comme la précédente, et si elle ne peut couler de source, il ne nous sert pas à grand-chose de nous fatiguer. Je veux dire que pour beaucoup que nous méditions, pour beaucoup que nous nous pressurions jusqu’à nous tirer des larmes cette eau ne vient pas de là. Dieu la donne à qui il veut et souvent au moment où l’âme y pense le moins. Nous sommes à lui, mes sœurs ! Qu’il fasse de nous ce qu’il voudra ! Qu’il nous conduise par la voie qui lui plaira ! Je crois bien que si nous nous humilions et nous détachons vraiment, le Seigneur ne manquera pas de nous accorder cette faveur, et bien d’autres encore que nous ne saurions désirer. Qu’il soit loué et béni à jamais ! Amen.

Le château intérieur, quatrièmes Demeures, chapitre II,9-10
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III. Détachement

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1. La nécessité du détachement

Vous remarquerez que la lumière qui émane du Palais où est le Roi, n’éclaire encore qu’à peine ces premières Demeures, car bien qu’elles ne soient pas obscurcies et noires, comme c’est le cas pour l’âme en état de péché, elles sont assez sombres pour que celui qui s’y trouve ne puisse voir de clarté. Ce n’est pas que la salle ne soit pas éclairée, mais toutes ces mauvaises couleuvres, ces vipères et ces choses venimeuses qui sont entrées avec lui ne lui permettent pas d’apercevoir la lumière : comme celui qui, pénétrant en un lieu où le ciel entre abondamment, aurait, sur les yeux, de la boue qui l’empêcherait de les ouvrir. La pièce est claire, mais il n’en jouit pas, il est gêné, et des choses comme ces fauves et ces bêtes l’obligent à fermer les yeux et à ne voir qu’elles. Telle me semble la situation d’une âme, qui, bien qu’elle ne soit pas en mauvais état, est si mêlée aux choses mondaines, si imbue de richesses, ou d’honneurs, ou d’affaires, que, bien qu’elle souhaiterait voir sa beauté et en jouir, elle n’y a pas accès. Il ne semble pas qu’elle puisse se faufiler entre tant d’obstacles. Il est très utile, pour obtenir de pénétrer dans les secondes Demeures, que chacun, selon son état, tâche de se dégager des choses et des affaires qui ne sont pas nécessaires. C’est d’une importance telle que j’estime impossible qu’on accède jamais à la Demeure principale sans commencer par là.

Le château intérieur, premières Demeures, chapitre II,14
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2. La miséricorde de Dieu

Ceux qui ont déjà commencé à faire oraison ont compris l’importances pour eux, de ne pas en rester aux premières Demeures. Mais, souvent, ils ne sont pas encore assez déterminés à ne pas y rester, ils ne s’éloignent pas encore des occasions, ce qui est fort dangereux. Dieu leur fait une bien grande miséricorde lorsqu’ils cherchent par instants à fuir les couleuvres et choses venimeuses, et comprennent qu’il est bon de les fuir. /…/ Ils entendent les appels du Seigneur. Ils se rapprochent du séjour de Sa Majesté : c’est un très bon voisin, et sa miséricorde et sa bonté sont si grandes que même au milieu de nos passe-temps, de nos affaires, de nos plaisirs et des voleries du monde, même lorsque nous tombons dans le péché, et nous en relevons, ce Seigneur, malgré tout, apprécie tellement que nous l’aimions et recherchions sa compagnie qu’il ne manque pas, un jour ou l’autre, de nous appeler, pour nous inviter à nous approcher de Lui. Cette voix est si douce que la pauvre âme se consume de ne pouvoir faire immédiatement ce qu’il lui ordonne. /…/ Il s’agit de paroles de gens de bien, de sermons, de ce qu’on lit dans de bons livres, de beaucoup de choses que vous avez entendues, et qui sont un appel de Dieu, également des maladies, des épreuves, des vérités aussi qu’il nous enseigne dans ces moments que nous consacrons à l’oraison. Si paresseusement que vous vous y adonniez, Dieu prise cela très haut. Et vous, mes sœurs, ne méprisez point cette première faveur, sans toutefois vous désoler lorsque vous ne répondez pas immédiatement au Seigneur. Sa Majesté sait bien attendre de longs jours, des années, en particulier quand elle voit en nous de bons désirs et de la persévérance.

Le château intérieur, deuxièmes Demeures, paragraphes 2-3
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3. Le combat spirituel

Avec la persévérance, on ne manque jamais de beaucoup gagner. Mais la batterie que fomentent sous mille formes les démons est terrible, et bien plus pénible à l’âme que dans la demeure antérieure. Les démons proposent ces couleuvres que sont les choses du monde. Ils présentent ses joies comme étant éternelles, en quelque sorte. Ils nous font craindre de perdre l’estime dans laquelle nous tiennent nos amis et parents ou bien la santé lorsque nous faisons pénitence, et font ainsi surgir mille autres sortes d’obstacles. Ô Jésus ! Quel train mènent ici les démons ! Quelle affliction est celle de la pauvre âme qui ne sait si elle doit avancer ou retourner à la première Demeure ! Car la raison lui montre alors qu’elle se leurre beaucoup si elle s’imagine que tout cela n’est rien, comparé (au bonheur) qu’elle recherche. La foi l’instruit pourtant de ce qui lui est réservé. La mémoire lui représente à quoi aboutissent toutes ces joies mondaines. Elle lui rappelle la mort de ceux qui ont beaucoup joui de ces choses qu’elle a vues, dont quelques-uns, morts subitement, sont bientôt oubliés de tous. Elle a vu fouler aux pieds ceux quelle avait connus en pleine prospérité. Elle est passée elle-même sur leur sépulture. Elle a songé que dans ce corps grouillaient beaucoup de vers, et tant d’autres choses que la mémoire peut lui rappeler. La volonté est alors portée à aimer, lorsqu’elle a vu tant de marques d’amour et de choses innombrables, elle voudrait les payer de retour ; en particulier, il lui apparaît que ce véritable amant (le Christ) ne la quitte jamais, il l’accompagne, il lui donne la vie et l’être. Aussitôt, l’entendement accourt lui faire entendre qu’elle ne peut se faire un meilleur ami, quand elle vivrait bien des années ; que le monde entier est plein de fausseté et ses plaisirs pleins de peines, de soucis, et de contrariétés. Elle comprend qu’elle est certaine de ne trouver ni sécurité, ni paix hors de ce château. Elle doit donc cesser d’aller dans des maisons étrangères puisque la sienne regorge de biens, si elle veut bien en jouir. Qui donc pourrait trouver comme elle tout ce dont elle a besoin dans sa maison, en particulier un pareil hôte, si elle ne veut pas se perdre comme l’enfant prodigue, et manger la nourriture des porcs ? (cf. Lc.15,16) Ce sont là des raisons pour vaincre les démons. Mais, ô Seigneur et mon Dieu ! Les habitudes de la vanité, où tout le monde est engagé, corrompent toutes choses ! La foi est si morte que nous préférons ce que nous voyons à ce qu’elle nous dit. A la vérité, nous ne voyons pourtant qu’infortunes chez ceux qui poursuivent ces choses visibles. C’est le fait de ces choses venimeuses dont nous avons parlé ; comme celui que mord une vipère est tout entier empoisonné, enflé, il en est de même ici-bas, et nous ne nous en préservons pas. Évidemment, de nombreux traitements seront nécessaires pour guérir, et c’est déjà une fort grande faveur de Dieu que de n’en pas mourir.

Le château intérieur, deuxièmes Demeures, paragraphes 3-5
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4. Efficacité de la patience

Que rien ne te trouble Que rien ne t’effraie Tout passe. Dieu ne change pas. La patience obtient tout. Celui qui a Dieu Ne manque de rien. Dieu seul suffit. Poésie n°9

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