« Ayez foi en votre foi ! » (Homélie dim. 13e TO)

donnée au couvent d’Avon

Textes liturgiques (année B) : Sg 1, 13-15 ; 2, 23-24 ; Ps 29 (30) ; 2Co 8, 7.9.13-15 ; Mc 5, 21-43

« Frères, puisque vous avez tout en abondance, la foi, la Parole, la connaissance de Dieu, … » Avons-nous bien entendu, pour nous, cette affirmation de saint Paul ? Nous avons tout, et en plus, en abondance ! Et Paul de citer comme premier don, celui de la foi. La foi opérant par la charité qui est le grand sujet de sa lettre aux Romains et de celle aux Galates. Cette foi qui nous rend juste devant Dieu. Cette foi qui nous sauve, nous dit autrement le Christ dans l’évangile, à travers sa parole adressée à cette femme : «  Ma fille, ta foi t’a sauvée. » Et en effet, le récit évangélique nous laisse un beau témoignage croisé de la force de la foi. Deux histoires qui se croisent sans se rencontrer mais qui, toutes deux, rejoignent Jésus. La principale passe par un vrai déploiement avec des étapes : la demande initiale et quelque peu solennelle d’un chef de synagogue suppliant pour la santé de sa fille ; l’épreuve de la mort et du découragement ; la persévérance dans la foi ; enfin la guérison. La deuxième est plus obscure et se joue essentiellement dans un geste qu’on pourrait qualifier trop rapidement de superstitieux : toucher le vêtement de Jésus. Mais tout acte de foi a souvent besoin d’être éprouvé par la parole : aussi est-ce Jésus qui donne la parole à cette femme. Elle est évidemment toute tremblante car elle sait que ses pertes de sang la rendaient impure et qu’en touchant ce rabbi, elle l’avait rendu impur. Mais peut-être savait-elle que Jésus avait déjà osé toucher un lépreux pour le guérir (Mc 1,41) ? Toujours est-il qu’elle doit s’exposer en vérité pour ne pas être simplement guérie mais aussi sauvée par la parole de Jésus. La foi n’est pas quelque chose de magique  : elle engage toute notre personne et nous devons pouvoir en rendre compte en vérité comme le font ces deux personnages.

Notons aussi que ces deux parcours de foi, bien différents, passent par un combat intérieur. Il y a celui de cette femme, tentée de se cacher dans la foule et de disparaître pour ne pas avoir à affronter le regard des autres et être condamnée. Il y a également celui de Jaïre que Jésus encourage : « Ne crains pas, crois seulement. » Alors même qu’on l’invite à renoncer : « Ta fille vient de mourir. À quoi bon déranger encore le Maître ? » Toute foi rencontre des obstacles : la peur d’être jugé par les autres, la honte, le découragement, … Nombreuses sont les voix intérieures ou extérieures qui nous incitent à baisser les bras ou plutôt à baisser les yeux en cessant de les garder fixer sur le Christ. Croire qu’un miracle reste possible, croire que tout n’est pas fini, car ce qui est impossible pour nous ne l’est jamais pour Dieu. « Ne crains pas, crois seulement » redit le Seigneur à chacun de nous, lorsque nous sommes tentés de basculer dans le désespoir ou le fatalisme. Ces deux attitudes ne sont pas à la hauteur de notre dignité baptismale. Par le baptême, nous avons été équipés de la force de la foi, comme de celle de l’espérance et de la charité. Mais peut-être l’oublions-nous et n’en vivons-nous pas assez ?

Le bienheureux Père Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus, qui a vécu son noviciat ici à Avon, insistait beaucoup, à la suite de saint Jean de la Croix, sur l’importance décisive de la foi dans la vie chrétienne. « Ayez foi en votre foi ! » disait-il parfois. Avoir foi en sa foi peut sembler une étrange redondance… Ce bon mot veut pourtant nous aider à prendre conscience du pouvoir que Dieu nous a donné, mais dont nous ne nous servons jamais assez. Pourtant, nous voyons bien dans l’évangile à quel point la foi est une force, une puissance qui obtient. Jésus ne dit pas : ‘je te guéris’, mais « ta foi t’a sauvée ». Cette foi qui est en toi, travail de l’Esprit Saint en ton cœur. Nous avons en nous une capacité, une audace, une confiance qui ne vient pas de nous mais dont nous seuls pouvons faire usage. Au plus intime de notre personne, la foi nous est donnée pour que nous osions demander, parler et faire. La foi est un pur don de Dieu mais ce don ne se reçoit pleinement que dans notre liberté. Cela ne sert à rien de recevoir un cadeau si nous ne le déballons pas et ne l’usons pas. La foi nous est donnée pour vivre, pour aimer et pour servir. Quelle tristesse de penser à nos manques de foi et à ces rendez-vous ratés avec le Seigneur et la vie parce que nous n’avons pas assez cru à ce don de Dieu qui nous habite.

Pourquoi chercher une force en dehors de nous-mêmes ? La foi est la vraie richesse, le premier don que Dieu nous fait. Le Père Marie-Eugène le dit avec clarté : « Avoir une foi développée et affinée est, pour ainsi dire, la meilleure et la plus grande richesse que nous puissions trouver ici-bas. C’est la foi qui fait la qualité de nos rapports avec Dieu. Toute notre vie d’oraison est faite de cela, de cette conviction que notre foi touche Dieu . » La foi touche Dieu car elle atteint le cœur de Jésus, comme dans l’évangile. Il n’y a pas d’autre moyen de nous unir au Seigneur et de le rencontrer vraiment. Seule la foi touche Dieu et nous rend capables de Le recevoir avec ses dons ! Voilà pourquoi il nous faut avoir foi en notre foi ! Songeons au magnifique chapitre 11 de la lettre aux Hébreux qui relit l’histoire sainte avec le leitmotiv « par la foi ». Peut-être que cela suscitera en nous le désir de vivre de cette manière et qu’au dernier jour de notre vie, on pourra dire de chacun et chacune d’entre nous : par la foi, il a vécu telle chose ; par la foi, il a agi ainsi ; par la foi, etc. Et un des sommets de la foi est de croire en Dieu qui ressuscite les morts, comme Abraham pour son fils Isaac. Dieu ne nous a pas créés pour la mort mais pour une plénitude de vie en sa présence. Les deux personnages de l’évangile ont cru que Jésus avait autorité même sur la mort et la maladie. En ce jour, après avoir reçu Celui qui est le pain de la vie, prenons le temps de lui rendre grâce pour le don inestimable de la vie et pour le don précieux de la foi. Seigneur, Jésus, nous te prions : vraiment, augmente en nous la foi ! Amen

fr. Jean-Alexandre de l’Agneau , ocd - (Couvent d’Avon)
Revenir en haut