Le pouvoir de donner (4e dim. Temps Pascal 25/04/21)

donnée au couvent d’Avon

Textes liturgiques (année B) : Ac 4,8-12 ; Ps 117 ; 1Jn 3,1-2 ; Jn 10,11-18

« J’ai le pouvoir de donner [ma vie], j’ai aussi le pouvoir de la recevoir de nouveau. » Qu’il est donc étonnant ce pouvoir, un pouvoir de donner ! Nous sommes plutôt habitués à associer le pouvoir à la possession, à la domination et à la capacité à prendre, et ce jusqu’à la vie des autres. Jésus nous parle ici d’un pouvoir de donner et de recevoir, donc d’un pouvoir qui se joue dans la relation ; car donner, c’est toujours donner à quelqu’un et recevoir c’est toujours recevoir de quelqu’un. Il y a là comme un résumé saisissant de la vie de Jésus ; la vie d’un homme qui n’a cessé de tout recevoir de la part de son Père et qui n’a cessé de tout donner aux hommes. Ce pouvoir de Jésus, c’est précisément ce qui fait son autorité car c’est le même mot dans notre évangile qui traduit pouvoir et autorité ; cette autorité de Jésus qui a tant marqué les foules lui vient de sa capacité à recevoir et à donner, sans jamais mettre la main sur la vie des autres. Tel est le bon pasteur, celui qui reçoit et qui donne tandis que le berger mercenaire prend et ne lâche rien, gardant tout pour lui. Regardons de plus près, ces deux verbes : recevoir et donner.

Recevoir n’est certainement pas l’attitude la plus confortable car elle nous fait vivre une expérience proche de la passivité et ce n’est pas toujours très gratifiant. Nous préférons plutôt jouer le rôle de celui qui n’a pas besoin de recevoir des autres, l’indépendant. Mais toute vie commence par une attitude de réceptivité ; la naissance est une pure passivité pour le bébé. Chacun de nous a commencé par recevoir, le don de la vie. Nous ne nous sommes pas faits nous-mêmes. Et ceci reste vrai aujourd’hui ; si nous sommes réunis aujourd’hui, c’est bien que jusqu’à présent Dieu nous fait le don du souffle de vie. Aujourd’hui, nous recevons la vie. Vivre, c’est donc fondamentalement recevoir, comme Jésus a reçu sa vie à sa naissance, mais aussi de nouveau dans le mystère de sa Résurrection.

Vivre, c’est aussi donner et se donner. Et la foi chrétienne affirme qu’une vie accomplie est une vie donnée par amour à la suite de Jésus. Le bon berger est la figure de celui qui est venu donner la vie en abondance ; mais cette vie abondante n’est pas abstraite. On ne peut pas vraiment donner la vie sans donner sa vie ; ou bien on donne du vent ! Donner la vie, c’est toujours donner sa vie. Cela peut être de façon héroïque et spectaculaire comme l’a fait le père Jacques de Jésus ; il a risqué sa vie pour sauver des enfants juifs ; il a donné sa vie dans les camps pour que d’autres vivent. Mais plus simplement, donner sa vie se réalise dans une obéissance au quotidien, à faire avec amour ce qui nous est demandé de faire. « Aimer, c’est tout donner et se donner soi-même. » (Ste Thérèse de Lisieux) Ce don de soi est la seule preuve objective de notre amour pour Dieu et le prochain. Le sentiment de l’amour est beau mais il n’est pas fécond en lui-même ; c’est le don de soi qui signe l’amour.

Vivre, vivre vraiment et non pas vivoter, c’est aimer ; et aimer, c’est donc, avec Jésus apprendre à recevoir et à donner. On ne peut pas donner ce que l’on n’a pas reçu. Il nous faut chaque jour apprendre à recevoir l’amour du Père et comme Jésus, le donner autour de nous. Mais n’est-ce pas un peu court ? Entre recevoir et donner, il y a une autre étape : incarner le don reçu pour le transmettre. La grâce n’est pas magique. Chacun de nous personnalise les talents reçus de Dieu pour les déployer. Et cela suppose tout un travail de connaissance de soi et de transformation pour trouver sa manière propre de donner. C’est précisément ici que se situe le travail vocationnel. Chacun de nous trouve sa vocation et sa mission dans la mesure où il fait avec la grâce de l’Esprit ce travail intérieur d’accueil de ce qu’il est et de discernement de ce qu’il est appelé à devenir et à donner. Toute vocation est unique et voit le jour dans un enfantement douloureux et libérateur. Car rien n’est écrit à l’avance ; c’est à chacun de nous de collaborer avec la Providence divine pour donner forme à sa vie. Alors nous pourrons la donner de façon consistante.

En quoi consiste ce travail d’incarnation et de personnalisation ? Il s’agit essentiellement de revenir à la grâce baptismale. Car là demeure notre vraie et seule vocation : celle des enfants de Dieu, comme nous le rappelle la 2e lecture. Saint Jean le dit dans le prologue de l’évangile : « A ceux qui l’ont reçu, le Verbe a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu. » (1,12) Voilà la source de notre vrai pouvoir : en recevant le Verbe dans la grâce du baptême, nous recevons le pouvoir immense d’être enfants de Dieu. Avec le Fils et par le Fils, nous recevons la capacité de devenir nous-mêmes de façon singulière. Nous accueillons le pouvoir de recevoir la vie de Dieu, de l’incarner avec notre note propre et de la donner. Ainsi nous prenons notre place dans le grand orchestre de la communion des saints. Chacun de nous a le pouvoir de jouer à sa manière le chant nouveau de l’Agneau et de le jouer avec sa note propre, afin que la symphonie soit mélodieuse.

Alors que pouvons-nous demander en ce dimanche du Bon Pasteur ? Seigneur Jésus, augmente en nous la foi. Donne-nous de croire davantage en ce pouvoir remis totalement entre nos mains. Que chacune de nos vies soit un reflet unique de la tienne. Amen

Fr. Jean-Alexandre de l’Agneau, ocd - (couvent d’Avon)
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