« Sur ta parole je vais jeter les filets » (Ho 5°dim. TO 06/02/22)

Textes liturgiques (année C) : Is 6, 1-2a.3-8 ; Ps 137 (138) ; 1 Co 15, 1-11 ; 1 Co 15, 3-8.11 ; Lc 5, 1-11

La barque de l’artisan pêcheur de Galilée rentre au port. Le jour se lève mais dans le cœur de Pierre la déception est grande. Toute une nuit et pas un poisson ! Triste constat. Pour cet artisan de la pêche, c’est l’angoisse d’une recette qui s’évapore. Les taxes de l’occupant romain ne cessent de grimper et malgré un travail sans relâche les résultats sont faibles, pour ne pas dire nuls. Cependant en rentrant au port, Pierre est surpris : une foule s’assemble au bord du lac de Génésareth. Si c’est pour acheter du poisson, elle peut faire demi-tour : il n’y a rien à vendre ! La pêche a été nulle. Mais Pierre s’aperçoit vite que cette foule n’est pas à la recherche de poissons, mais qu’elle entoure un homme, un certain Jésus de Nazareth.

A peine a-t-il accosté que Jésus interpelle Pierre et lui demande de l’accueillir, non pas chez lui, mais dans une de ces deux barques. Cette demande insolite trouble Pierre fatigué par cette nuit de travail. Il aurait besoin de repos après cette nuit harassante, mais la voix de l’homme qui l’a interpellé semble si forte et douce à la fois qu’il n’ose pas refuser. Aussi laisse-t-il Jésus monter dans sa barque et s’éloigne un peu du rivage. Ainsi tout le monde verra et pourra entendre. Alors Pierre fait cette expérience, malgré sa fatigue et son découragement, de prêter attention aux paroles de Jésus. Des prédicateurs, il en a entendus…Mais pas comme celui-ci. Celui-ci parle de Dieu comme on parle d’un familier, d’un ami, d’une connaissance. Ce n’est pas un scribe, ni un docteur de la Loi qui enseignent dans la synagogue. Tout dans son discours est invitation, proposition. Il ne récite pas une leçon apprise pour convaincre. Il semble vouloir annoncer Dieu proche, Dieu amour. Comment cet homme peut-il parler de Dieu avec tant d’assurance, de bonheur et surtout en dehors de la synagogue, le lieu officiel de la prédication ? Pierre semble surpris, intrigué par cette parole qui est loin d’un discours électoraliste ou persuasif.

Il y a chez ce Jésus quelques chose d’étrange, de surprenant. Quelque chose qui fait que Pierre accueille l’attitude de cette foule : il se met à écouter, tendre l’oreille et semble surpris pas ces paroles : jamais il n’a entendu parler de Dieu comme ce Jésus le fait. Qu’importe la fatigue, le découragement, la lassitude, Pierre laisse la parole de cet homme de Nazareth s’inviter en lui, s’installer en lui.

Nous, nous venons d’entendre et d’acclamer l’Évangile, mais comment recevons-nous les paroles de Jésus ? Avec une habitude, un certain ronronnement ? Pourrions-nous être de ceux qui se rassemblent au bord du lac de Génésareth, acceptant d’arrêter toute occupation pour nous mettre en état d’écouter ? Non comme on écoute d’une oreille distraite ou pressée, mais comme cette foule qui se met en état de recevoir une Parole, la Parole de Dieu émise par son Fils Jésus. Des discours, des interpellations, des messages dont on ne sait plus s’ils sont vrais ou fabriqués pour convaincre et apporter alors un soutien ou une adhésion…On en est fatigué … et ça ne fait que commencer !

Mais où est la source qui nous irrigue et féconde notre vie ? Où prenons-nous des moyens pour nourrir notre foi, mais aussi notre vie sociale, familiale, citoyenne ? Comment passer des « blablas.. » à la parole performative, la parole qui laisse des traces et fait avancer, qui questionne et peut-être déplace et ouvre un champ nouveau de réflexion ? Ainsi le Conseil Permanent des Évêques de France a publié un petit livre intitulé : « L’espérance ne déçoit pas » des repères de discernement sur la vie sociale et politique en 2022…Comment allons-nous laisser la parole de nos Pasteurs s’inviter pour éviter d’être à la remorque de slogans, d’idées toute faites. Prendre le temps de discerner ce qui sera le mieux pour que notre pays s’équipe de responsables qui mettront en place une politique courageuse et audacieuse au service de tous les français…et notamment des plus faibles. Affaire à suivre.

Alors Jésus, lui qui n’est pas un artisan pêcheur, ne possédant pas le savoir-faire de l’artisan de la pêche, propose à Pierre une initiative nouvelle : oser repartir pour une nouvelle pêche. Et Pierre, oubliant la fatigue et habité par la parole de Jésus, va lancer de nouveau les filets malgré toutes ses résistances et jeter à nouveau les filets. Le miracle se réalise. Non seulement il s’accomplit, mais ça déborde. Le poisson devient abondant et il faut appeler d’autres compagnons de pêche pour récupérer tous ces poissons.

Des signes de découragements, de fatigues, de lassitudes…nous en connaissons tous. Alors interrogeons-nous : comment ce temps de l’Eucharistie va-t-il ouvrir pour chacun de nous un renouveau pour oser, encore et encore, des gestes et des paroles qui auront le goût de l’Evangile, la bonne odeur de Jésus. Pari fou ou audacieux, je vous le concède, mais invitation à nous renouveler et repartir avec cette assurance que tout effort pour faire naître plus de paix, de joie, de partage, d’amour et de miséricorde ne sera pas vain et produira des fruits que nous ne verrons peut-être pas mais qui laisseront toujours des traces pour nos proches ou plus éloignés. « Eloigne-toi de moi, Seigneur, car le suis un homme pécheur. » Qui de nous n’accepterais pas ce constat ? Nous connaissons notre fragilité, notre péché, mais Jésus propose alors à Pierre de marcher à sa suite.

De commencer, ou de recommencer une autre aventure, là est l’interpellation que nous recevons tous. Comment oser repartir, ouvrir des pistes de rencontre, de partage, d’accueil… ? En un mot : accepter de suivre à pas frais Jésus, car avec Lui tout commence… toujours. L’invitation est faite, la réponse est personnelle. Allons-nous oser poursuivre le chemin et même nous renouveler, même si la fatigue est grande ?

« Sur ta parole je vais jeter les filets. ». Et si nous entrions, comme Pierre, dans cette perspective ? Sur ta parole, Seigneur, que vas-je accomplir cette semaine ?

Fr. Didier-Joseph Caullery, ocd - (couvent d’Avon)
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