4e Dimanche TO -C- (1Co 12-13)

L’extrait de l’épître aux corinthiens que nous venons d’entendre est très souvent choisi par les couples qui célèbrent leur mariage, car ce texte met particulièrement en relief ce qu’est l’amour au sens chrétien, à la fois sa profondeur et sa force et aussi sa délicatesse.

Tout d’abord, c’est l’un des rares textes du nouveau testament qui associe clairement ce que nous appelons aujourd’hui les 3 vertus théologales, foi, espérance et charité. Ces vertus sont appelées théologales car elles nous permettent de communier avec Dieu, d’être en relation avec lui. Et d’habitude, nous soulignons l’importance de chacune de ces trois vertus à égalité, or Saint Paul, ici, veux souligner que la charité est plus importante que la foi et l’espérance, et cela pour deux motifs. En premier lieu, à la fin de cet extrait, Saint Paul nous redit que les trois vertus sont essentielles tant que nous sommes sur terre, mais que la charité est plus importante que les deux autres car, dit-il plus haut, elle seule demeurera éternellement. En effet, si aujourd’hui pour nous guider dans notre cheminement spirituel, nous avons besoin de la foi, de l’espérance et de la charité, quand nous verrons Dieu, la foi et l’espérance disparaîtront car nous verrons et posséderons ce que nous croyions et espérions. Dieu étant l’amour même, notre communion à lui nous fera partager éternellement cette charité divine.

De plus, pour souligner l’importance supérieure de l’amour, même par rapport à la foi, au début du texte que nous avons lu, Saint-Paul ose nous dire : « J’aurais beau être prophète, avoir toute la science des mystères et toute la connaissance de Dieu, et toute la foi jusqu’à transporter les montagnes, s’il me manque l’amour, je ne suis rien ». Ainsi, la foi, comme connaissance et force de Dieu, n’a pas de valeur sans la charité. Car la véritable foi, celle qui nous ouvre le chemin vers Dieu, est une foi amoureuse de Dieu et non une connaissance intellectuelle ou une force surnaturelle. La foi, ce n’est pas ce que vous croyez ! Dans le sens où la véritable foi n’est pas une connaissance, ni avant toute une soumission de l’intelligence à des vérités révélées. La foi est un acte de confiance et d’amour envers celui que nous reconnaissons comme notre créateur et notre Sauveur. La foi est une reconnaissance de l’amour que Dieu nous porte et un désir de répondre à cet amour. Certes, la foi comporte une dimension de connaissance et est une force intérieure, mais cette connaissance et cette force est supportée fondamentalement par une adhésion amoureuse à notre Seigneur.

Dans la suite de ce texte, en continuant sa présentation des vertus théologales, Paul nous met aussi en garde contre une erreur au sujet de la charité. Comme on peut se tromper au sujet de la foi, on peut aussi se tromper sur ce qu’est véritablement l’amour. La véritable charité n’est pas d’abord des actes à poser, des choses à faire, mais une attitude profonde de l’être. Saint Paul nous dit clairement que nous ne sommes pas charitables parce que nous avons donné quelque chose, ni que nous nous sommes donnés nous-mêmes, mais la charité consiste en une grande délicatesse dans les relations humaines. En effet, l’épître aux corinthiens nous dit clairement que donner toute sa fortune aux pauvres, et même donner sa vie, ce n’est pas la charité, puisque l’on peut faire tout cela sans la charité. Si cela ne venait pas de l’apôtre Paul, qui aurait osé l’affirmer ! Si la foi, ce n’est pas ce que vous croyez, la charité, ce n’est pas ce que vous faites, mais ce que vous êtes avec les autres.

D’où cette litanie : « L’amour prend patience, l’amour rend service, l’amour ne jalouse pas, il ne se vante pas, ne se gonfle pas d’orgueil, il ne fait rien de malhonnête, il ne cherche pas son intérêt, il ne s’emporte pas, il n’entretient pas de rancune, il ne se réjouit pas de ce qui est mal, mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai ; il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout ». Bref, l’amour est bonne poire ! Oui, on peut dire, l’amour est bonne poire. La charité nous invite à être bonne poire non pour être l’idiot du village, mais pour être humble, délicat, désintéressé, sans prétention, sans souci de soi-même. Et inversement, du fait de notre peur de « nous faire avoir » par les autres, de notre volonté de toute-puissance, de notre crainte de nous perdre, nous risquons de manquer la véritable richesse de la charité. Certes, malheureusement, cette qualité de relations n’est pas possible partout et dès maintenant, tout d’abord parce que le monde qui nous entoure est bien imparfait, nous ne pouvons pas nous livrer entre les mains du premier venu, mais plus encore, parce que moi-même je suis bien imparfait. Il suffit de remplacer le mot amour, charité, par nos prénoms pour se rendre compte que nous ne savons pas aimer véritablement. (…)

Oui, nous ne savons pas aimer véritablement, mais particulièrement dans nos relations familiales et dans notre communauté religieuse, nous ne devons pas perdre cet objectif de la véritable charité : être une bonne poire ! Même si on abuse quelquefois de nous. Car cette véritable charité nous faire ressemblant à Dieu notre Père, c’est elle qui nous ouvre la communion avec l’amour trinitaire. En cela, comme nous le dit saint Paul, la charité est la véritable vertu théologale, la plus grande des trois. « Ce qui demeure aujourd’hui, c’est la foi, l’espérance et la charité ; mais la plus grande des trois, c’est la charité. »

Fr. Antoine-Marie, o.c.d.

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