Comment accueillir la vie de Dieu ? (Ho 14° dim. TO 4/07/21)

donnée au couvent d’Avon

Textes liturgiques (année B) : Ez 2, 2-5 ; Ps 122 (123) ; 2 Co 12,7-10 ; Mc 6, 1-6

« Un prophète n’est méprisé que dans son pays, sa parenté et sa maison. » La succession des termes « patrie, parenté, maison  » est une réminiscence de la vocation d’Abraham (cf. Gn 12,1) qui a consenti à des ruptures pour répondre à son élection. Dieu promet à Abraham une surabondance de bénédictions, non pas seulement pour lui, mais pour tous ceux qui le béniront (cf. Gn 12,3). Le don de Dieu passe par l’élection, c’est-à-dire par une relation d’amour unique, personnelle et irremplaçable avec lui. En réalité, cette relation singulière est destinée à tous ceux et celles qui, loin d’en concevoir de la jalousie, sauront se réjouir de l’élection d’Abraham. Caïn a jalousé Abel au lieu de se réjouir de ce que Dieu se souciait du cadet méprisé ; il s’est condamné ainsi à une vie malheureuse. A l’inverse, tous ceux et celles qui se réjouissent de l’élection d’Abraham participent à sa bénédiction, car toutes les familles de la terre sont appelées à être bénies à travers lui et le peuple élu issu de sa descendance. Jésus, le bien-aimé du Père, est l’héritier par excellence de cette bénédiction, qui n’efface pas celle du peuple juif, mais la consacre. La reconnaissance du Fils unique et Bien-aimé de Dieu ouvre à tous ceux et celles qui croient en lui la grâce de devenir enfants de Dieu.

Comme Abraham, Jésus a quitté « son pays, sa parenté et sa maison » pour répondre à l’appel de Dieu. Il a fait l’expérience, lors de son baptême par Jean le Baptiste, de l’amour de Dieu son Père pour lui. Cela l’a conduit au désert, puis à l’annonce du Règne de Dieu. Sa famille a bien tenté de le ramener au village, mais Jésus leur a opposé une fin de non-recevoir (Mc 3,21.31-35). A présent, il y revient librement, non pas en tant que charpentier, mais en tant qu’envoyé de Dieu. Mais le choc de la nouveauté représentée par sa sagesse et ses miracles s’avère insupportable au regard de son origine humble. Son métier de menuisier n’explique pas une telle sagesse. Quant à sa famille, ses frères, nommés avec précision, sont des inconnus à l’exception de « Jacques, le frère du Seigneur », qui jouera un rôle dans l’église primitive. L’expression « le fils de Marie » est une véritable insulte. Le fait de référer la filiation à la mère n’avait lieu que pour une fille-mère. Même en cas de veuvage, on continuait à signifier la filiation en référence au père. Le père est encore ignoré lorsque Jésus est désigné comme le charpentier et non comme le fils du charpentier. Jésus est un fils sans père, car on n’a pas oublié au village le scandale de sa naissance. Comment admettre alors qu’il soit élu par Dieu ? Jésus se voit dans l’impossibilité de faire des miracles à cause de leur manque de foi. Les habitants de Nazareth reconnaissent bien sa sagesse et ses miracles, mais la jalousie les empêche de s’en réjouir. Ils se privent ainsi de la bénédiction dont Jésus est porteur et n’accueillent pas l’annonce du Règne de Dieu.

Les liens de parenté charnelle marqués par la possessivité empêchent d’accéder à la naissance d’en haut. Pour accueillir la vie de Dieu, celle qui ne vient de la chair, mais de la foi en sa Parole, il faut quitter « son pays, sa parenté et sa maison ». Cela est déjà nécessaire pour fonder une famille comme le déclare le livre de la Genèse : « L’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme. » (Gn 2,24) A fortiori, pour naître à la vie d’enfants de Dieu, faut-il vivre aussi une forme de séparation, de rupture avec son origine terrestre. Une telle rupture est un bienfait pour celui qui accède ainsi à une vie nouvelle, mais cela l’est aussi pour son entourage dans la mesure où il y consent, car ce dépouillement ouvre les autres au dynamisme de la vie. En croyant en Jésus, le béni et l’élu de Dieu, pour nous mettre à sa suite, nous accueillons la bénédiction de Dieu. Devenus libres à l’égard de toute forme de jalousie, nous devenons capables de reconnaître aussi cette bénédiction à l’œuvre en nos frères et sœurs. Communier au Corps du Christ, c’est communier à la bénédiction divine en ce Fils qu’il a élu de toute éternité ; c’est discerner cette bénédiction à l’œuvre en chacun de nos frères et sœurs dans le Christ ; c’est enfin devenir, à notre tour, porteurs de bénédiction pour toute personne rencontrée dans la lumière du Fils unique et bien-aimé. Jésus a non seulement quitté pour cela « son pays, sa parenté et sa maison », mais il a donné sa vie afin que tous puissent naître à la vie divine. C’est ce que nous célébrons à présent en cette Eucharistie.

Fr. Olivier-Marie Rousseau, ocd - (couvent d’Avon)
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