Descendre avec Jésus (Rameaux 28/03/21)

donnée au couvent d’Avon

Textes liturgiques (année B) : Is 50,4-7 ; Ps 21 ; Ph 2,5-11 ; Mc 14 - 15

« Dieu éternel et tout-puissant, pour montrer au genre humain quel abaissement il doit imiter, Tu as voulu que notre Sauveur, dans un corps semblable au nôtre, subisse la mort de la croix … » Cet abaissement qui est offert à notre imitation est celui du Fils de Dieu ; il est admirablement décrit dans la 2e lecture : « il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes. Reconnu homme à son aspect, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix.  »

Cet abaissement du Verbe de Dieu, nous l’avons déjà médité lors de l’Annonciation du Seigneur jeudi ; nous découvrons aujourd’hui jusqu’où il va. Toute la trajectoire de Jésus-Christ a été un abaissement, une descente, une kénose. Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus le résumera en une formule saisissante : « le propre de l’Amour est de s’abaisser. » (Ms A, 2 v°) Cet abaissement est repérable tout au long de la vie de Jésus, par exemple quand il s’abaisse vers le sol devant la femme adultère. Il sera manifeste le jeudi saint quand Jésus s’abaisse pour laver les pieds de ses disciples. Il sera abyssal quand l’Eglise célèbre au jour du samedi saint la descente aux enfers du Verbe de Dieu.

Pourtant, si la mort d’amour en croix est le point le plus bas de la vie de Jésus, elle correspond pourtant déjà à une élévation. « Il faut que le Fils de l’homme soit élevé » (Jn 3,14) et qu’il attire ainsi tout à lui. Jésus est bien monté sur une croix pour être contemplé par tous et donner à tous le salut. Et tragiquement, paradoxalement, notre humanité veut alors qu’il descende. Les passants disent : «  sauve-toi toi-même, descends de la croix ! » Les grands prêtres insistent diaboliquement : «  Il en a sauvé d’autres, et il ne peut pas se sauver lui-même ! Qu’il descende maintenant de la croix, le Christ, le roi d’Israël ; alors nous verrons et nous croirons. »

Notre humanité ne comprend rien aux manières de Dieu. Pierre en est la figure. Il ne supporte pas un Dieu qui s’abaisse à laver les pieds de l’humanité. Il ne supportait pas un Messie qui annonçait sa passion et osait s’interposer devant lui « cela ne t’arrivera pas, Seigneur », de sorte qu’il agissait sans le savoir tel Satan. Satan qui présente au Fils de Dieu la tentation ultime : descendre au moment où il faut demeurer sur la hauteur de la croix. Dans ce consentement à ne pas se sauver en descendant, Jésus fait sa plus grande œuvre, précise saint Jean de la Croix (Montée du Carmel II 7). Il livre le plus grand amour.

« C’est pourquoi Dieu l’a exalté : il l’a doté du Nom qui est au-dessus de tout nom. » Désormais nous savons quel est le chemin pour nous. Notre vie sera féconde dans la mesure où nous apprenons à nous abaisser par amour comme Jésus. Soyons lucides : nous serons toujours décontenancés et dérangés par cette logique de l’amour. Elle nous rebute et il ne sert à rien de vouloir la comprendre avec la tête. Il faut que notre cœur soit touché, que notre intériorité soit atteinte. Quelque chose de la dureté de notre cœur doit craquer en nous pour que le salut nous atteigne. « Seigneur, descends  » (Jn 4, 49), viens à notre secours, sans toi nous périssons. Oui, ouvrons les yeux du cœur, prenons la main de Jésus et plongeons dans sa passion pour mourir et ressusciter avec lui. Amen

Fr. Jean-Alexandre de l’Agneau, ocd - (couvent d’Avon)
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