Dimanche de prière pour l’unité des chrétiens, Jn 17,17-23

« Qu’ils soient un »

Quand la communauté des disciples de Jésus veut méditer sur son unité, elle revient comme d’instinct aux paroles d’adieu de Jésus, et tout spécialement à la prière qui parachève son entretien après la Cène. Jésus, qui va quitter ce monde, rejoint par la pensée, au-delà du petit groupe des disciples qui l’entourent, les hommes et les femmes de tous les temps qui entendront son message et se lèveront pour le suivre. À tous ceux-là qui, par millions, renaîtront de l’Esprit Saint et deviendront à leur tour des passionnés et des témoins de son évangile, Jésus parle d’avance de cohésion et de concorde. Et ses paroles, dans les tourmentes de notre Église, nous apportent aujourd’hui un grand réconfort.

En effet, avant même d’être l’œuvre difficile des croyants, l’unité est l’objet de la prière de Jésus : « Père, que tous soient un ! » Dans notre effort, cahotant et décevant, vers l’unité, nous sommes toujours devancés par le Christ, par son projet, par son intercession.

Et non seulement Jésus a inclus ce souci de l’unité dans son testament spirituel, mais il en a posé les bases pour toujours, par sa croix glorifiante : « Moi, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, pour qu’ils soient un ». Or, quelle est-elle, cette gloire deux fois donnée, à l’Heure de Jésus, sinon la manifestation éclatante d’un grand secret, du grand secret de Dieu : la communion, dans l’amour, du Père et de son Christ ?

Ainsi, pour nous mettre sur la voie de l’unité et nous la faire espérer comme possible, Jésus nous la montre à la fois comme réalisée en Dieu et offerte à l’humanité gratuitement, joyeusement, sereinement, comme la bague des fiançailles.

L’unité du Père et du Fils nous est d’abord offerte en modèle ; et Jésus y insiste : « Qu’ils soient un comme nous sommes un. Que tous soient un comme Toi, Père, tu es en moi et moi en Toi. »

L’unité des croyants va donc être un reflet de la réciprocité indicible du Père et de Jésus. Modèle inaccessible, et pourtant dynamisant pour nous tous. En effet, plus encore qu’un modèle, l’unité divine est un lieu pour celle des croyants. Le mouvement même de la prière de Jésus le montre bien. Jésus dit d’abord : « Qu’ils soient un ! », et aussitôt il ajoute : « Qu’ils soient en nous ».

Pour nous, être un, c’est être ensemble en Dieu. Être un, c’est être en. Et c’est pourquoi il s’agit beaucoup moins pour nous, disciples de Jésus, de créer l’unité que de la rejoindre, de la cueillir là où elle est, déjà donnée, exemplaire, fascinante.

De plus, comme pour souligner la nouvelle réciprocité entre Dieu et les hommes établie par la nouvelle Alliance, Jésus, immédiatement, inverse la perspective. Non seulement Dieu est le lieu où nous sommes un, mais il vient vivre en nous son unité : nous sommes, nous devenons, le lieu où Dieu est un.

L’unité vers laquelle nous sommes en marche se laisse trouver déjà à l’intérieur. C’est là tout le paradoxe de la prière de Jésus :« Qu’ils soient un comme nous sommes un, moi en eux et toi en moi. »

Nous découvrons donc deux intériorités l’une dans l’autre : au cœur de la communauté vit Jésus, le Christ de la gloire ; et à l’intime de Jésus, se trouve la source, le foyer, le commencement, le Père.

Le Père est commencement, et donc initiative, et de fait c’est de lui, source paternelle, que partent tout amour et tout envoi. L’amour du Père traverse le Christ, travers la communauté, pour atteindre le monde ; l’envoi, la mis­sion, traverse le Christ, traverse la communauté, et rejoint tous ceux, proches ou lointains, que le Père a donnés à son Fils.

Ainsi, lorsque l’unité du Père et du Fils habite et transforme la communauté, lorsque la communauté, par son union courageuse, entre en consonance avec le Dieu Un qui l’habite, lorsqu’elle se laisse unir en un seul Corps et se laisse prendre dans l’Eucharistie du Seigneur, c’est alors qu’elle devient missionnaire, parce que rien, en elle, ne fait plus écran au dynamisme de la Parole qui appelle : « Alors, dit Jésus, le monde pourra connaître que c’est Toi qui m’as envoyé, et que Tu les as aimés comme Tu m’as aimé. »

Fr. Jean-Christian Lévêque, o.c.d.

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