« Heureux les pauvres… » (Ho Toussaint - 01/11/22)

donnée au couvent d’Avon

Textes liturgiques (année C) : Ap 7, 2-4.9-14 ; Ps 23 (24) ; 1 Jn 3, 1-3 ; Mt 5, 1-12a

L’exclamation nous renvoie à la réalité de notre condition humaine. Elle nous rappelle que nous n’avons rien par nous-mêmes, que nous avons tout reçu de Dieu. Elle vient questionner en nous la soif de vivre, d’exister aux regards des autres, d’être reconnus, d’avoir du poids. Cette recherche, dans son fond, est légitime, cette aspiration à la grandeur fait partie de notre destinée, mais nous nous y aventurons à la force du poignet en donnant parfois un petit coup de pied à ceux qui s’approchent trop prêt ou qui seraient plus rapides. Jalousie oblige ! Ou quel qu’autre forme d’amour propre. Car nous voulons toute la place comme le petit enfant qui a du mal à partager son jouet alors qu’il n’a rien en propre puisque tout lui est donné.

Jésus nous rappelle à un autre ordre : c’est Dieu qui exalte. Là, nous avons du mal à le percevoir. Il y a une confusion en nous alimentée par la peur de ne rien être. La pauvreté, ce n’est pas tant le fait d’avoir des biens ou non, c’est avant tout celle du cœur. C’est avant tout la prise de conscience que ce n’est pas notre capital qui nous assure la sécurité, ni le pouvoir, mais la relation à Dieu, avec Dieu. Dieu donne et nous voulons prendre parce que nous avons peur de perdre ce qui vient de nous être donné. Alors nous accumulons.

L’amour est gratuit et nous voulons le posséder. Nous avons tellement peur du vide que nous cherchons à nous approprier la vie. Notre angoisse est là qui nous tient rivés sur nous, alors qu’il s’agit d’entrer dans la confiance en Dieu. La vie, celle du fond de notre être est faite de relations, c’est ce que Jésus nous rappelle par cette béatitude. Ce que les saints de tous les jours, les petits, ceux qui ne sont pas sur nos autels, nous apprennent si nous ouvrons nos regards, c’est cette ouverture de leur cœur, c’est la pureté de leurs intentions, la gratuité de leur sourire.

On ne trouve pas cela chez les gens pressés. Tout l’inverse d’un monde qui cherche la sécurité, l’efficacité, le rendement. Les pauvres de cœur, ceux qui ont quitté leur moi, nous montrent des sourires comme des fleurs qui ouvrent leurs corolles et qui s’épanouissent. Un rayon de lumière dans les bidonvilles de nos cités trop pleines de bruits. Dieu est simple et la sainteté n’est peut-être pas si compliquée que cela, celle des petits. Il n’est pas facile de résister aux tourbillons de notre vie trépidante d’autant que nous y trouvons parfois notre compte. Le champ de roses est plus tentant que la simple rose, c’est une affaire de technique et nous en embrassons plus à la fois. Nous cédons à l’apparente efficacité, au savoir-faire, à la productivité.

Le rendement, la technique, la rapidité, s’ils ont leur vertu, nous masquent l’accès à la profondeur de la vie et à sa simplicité. Le chemin du cœur est pourtant de ce côté-ci. Nous en aurions peut-être peur tant il pourrait paraître futile. Mais qu’il peut être difficile de se laisser aimer, gratuitement.Et celui de Dieu, de ce Dieu qui ne cesse de crier du plus profond de notre être : « où es-tu ? » et sur la croix en Jésus « j’ai soif ». Dieu est relation.

Fr. Yannick Bonhomme, ocd (Avon) - (Couvent d’Avon)
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