Homélie 1er dim. Avent (B) : veiller sur le don de Dieu

donnée au couvent de Paris

Textes liturgiques du 1er dimanche de l’Avent (année B) : Is 63, 16b-17.19b ; 64, 2b-7 ; Ps 79 ; 1 Co 1, 3-9 ; Mc 13, 33-37)

Il y a dans une vie des périodes de grâce, des instants de lumière et de feu. Sans doute avons-nous connu ces moments d’enthousiasme qui décident parfois d’une existence entière. Ce don de Dieu apparaît comme une irruption de son amour. Il peut aussi se manifester tout simplement la conscience claire qu’un trésor nous est confié. La foi est ce trésor, qui donne sens et cohérence à notre vie. En tout état de cause, cela est donné ; cela est gratuit ; cela est immérité. Le don de la vie, le don de Dieu excède toute compréhension et tout savoir-faire. C’est donc une grande chose que de reconnaître dans la foi le don qui nous est fait, mais la Parole de Dieu nous met en garde : le plus exigeant est d’être fidèle à ce don.

Le temps de l’Avent est un temps de renouvellement de notre conscience du don de Dieu et de notre désir de lui être fidèle. Quel drame ce serait en effet que de laisser ce don s’étioler ou se perdre. L’appel de Jésus à rester éveillé est empreint de cette gravité. Il résonne avec d’autant plus de force qu’il précède de peu le récit de la Passion et spécialement la scène de Gethsémani : « Veillez et priez pour ne pas entrer en tentation. L’esprit est ardent, mais la chair est faible. » (14,38). Tout semble facile dans la nouveauté du commencement, mais qu’il est exigeant d’être fidèle jusqu’à la fin !

Dans la parabole de ce jour, l’homme organise sa maisonnée pour le temps de son absence en donnant à chacun un travail particulier. Il distingue cependant le portier à qui il intime l’ordre de veiller. Le texte nous invite à nous identifier plus particulièrement à ce portier : « veillez donc. » Le rôle de ceux qui ont reçu une responsabilité dans les divers postes de travail semble ainsi passer au second plan. Le portier apparaît comme la figure majeure pour une exhortation adressée à tous sans exception. Chacun doit se tenir à la porte pour ouvrir au Maître quand il viendra à l’improviste. La mention des quatre veilles de la nuit souligne combien cette vigilance doit être permanente. Rien n’est dit de la manière dont le Maître reviendra. Il ne s’agit pas d’imaginer un scénario à venir, mais de veiller aujourd’hui sur notre cœur et son désir profond.

Cette vigilance du cœur porte en tout premier lieu sur la reconnaissance des dons que nous avons reçus afin d’en prendre soin. La vie est fragile. Le don de Dieu l’est tout autant comme cet enfant de Bethléem dont nous allons célébrer la naissance. Paul s’émerveille de ce don lorsqu’il déclare aux chrétiens de Corinthe : « Je rends à mon Dieu de continuelles actions de grâces à votre sujet, pour la grâce de Dieu qui vous a été accordée en Jésus Christ. Car en lui vous avez été comblés de toutes les richesses de la parole et de la connaissance de Dieu. » (1 Co 1,4s) Veiller, c’est garder en son cœur la Parole de Jésus ; c’est prendre soin de cette Parole comme d’un trésor qui n’est autre que la vie de Dieu en nous.

Cette vigilance du cœur consiste encore à rester ouvert à un avenir qui est caché en Dieu. Veiller sur son cœur, c’est ici se garder disponible à l’imprévu de Dieu. Une telle veille n’est possible que dans la mesure où elle est portée par le désir. Veiller, c’est désirer au-delà de ce que nous pouvons imaginer ou comprendre. Le désir véritable ne vient pas des nuées du Ciel, mais de l’intime d’un cœur attentif à la nouveauté de la vie. La vigilance espère tout et croit tout. Fruit de la confiance en un Dieu plus grand que nos projets humains, elle accepte l’imprévisible comme marque de la liberté et de l’amour. Être dérouté, ne pas toujours comprendre le sens des évènements, vivre des ruptures parfois douloureuses, fait partie de ce chemin. Nous pouvons donner sens à nos échecs, si nous acceptons que la réussite finale ne nous appartienne pas. Comme l’argile entre les mains du potier, nous sommes appelés à vivre une totale confiance en l’amour de Dieu. Nous ne sommes pas les Maîtres de ce Royaume dont la venue ne peut que nous surprendre, mais il dépend de nous de l’accueillir à travers les aléas de l’existence, aussi bien que dans l’inépuisable générosité de la vie.

En ce temps de l’Avent, puissions-nous mieux prendre conscience du trésor que nous avons reçu pour nous ouvrir au désir d’en vivre pleinement et d’accueillir ce Dieu qui ne cesse de renouveler nos vies pour les conduire à lui.

fr. Olivier-Marie Rousseau
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