Homélie Ste Famille : Dieu dans nos familles

donnée au couvent de Paris

Textes liturgiques de la Sainte Famille (année C) : 1 S 1, 20-28 ; Ps 83 ; 1 Jn 3, 1-2.21-24 ; Lc 2, 41-52

Le dimanche qui suit Noël, l’Eglise fête la Sainte Famille : Jésus, Marie, Joseph. Nous sommes dans l’année C, l’Evangile de cette fête est donc cette année celui où Jésus n’est plus un bébé, il a douze ans ! Aujourd’hui, à douze ans, on est considéré comme un enfant. A l’époque de Jésus, dans la société juive, il en allait autrement, douze ans était l’âge qui faisait du garçon une personne religieusement adulte. L’histoire, qui se passe au terme du pèlerinage annuel à Jérusalem, a pour nous des aspects exotiques, le contexte oriental de la famille élargie, cette caravane joyeuse de parents et de relations, qui explique pourquoi, pendant une journée, les parents ne savent pas que leur enfant n’est pas avec eux, sur la route du retour. Non, Marie et Joseph ne sont pas comme ces jeunes parents irresponsables dont parlent régulièrement les médias.

L’Evangile nous dit tout le contraire, puisque nous les voyons, au terme d’une journée où ils n’ont pas vu leur enfant, se lancer non sans inquiétude à sa recherche, d’abord dans la caravane, puis à Jérusalem. Il leur fallut trois jours pour le trouver, « dans le Temple, assis au milieu des docteurs de la Loi ». Et Marie exprime bien légitimement son inquiétude : « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois comme ton père et moi, nous avons souffert en te cherchant ! » Souffert en le cherchant ? Marie exprime ici une réalité qui rejoint l’expérience de beaucoup aujourd’hui ! Elever un ou plusieurs enfants, n’est pas une sinécure. C’est à la fois une joie et beaucoup de soucis, de souffrances… La fugue de Jésus a certainement surpris ses parents, l’enfant Jésus devant être en général très obéissant, l’Evangile le dit bien par ces mots : « il leur était soumis ». La réponse de Jésus à la remarque de sa mère : « Comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ?  », n’a certainement pas mis fin à leur surprise ! Jésus répond à la question de sa mère par une autre question ! Souvent, dans les dialogues familiaux, cela se passe ainsi, manifestant des incompréhensions de part et d’autre.

Ces incompréhensions, qui vont parfois jusqu’à des séparations, des ruptures, plus ou moins longues, sont douloureuses, et même s’il ne s’agit pas de cela dans l’évangile, nous pouvons comprendre la souffrance de Marie et de Joseph devant la disparition de Jésus. Ces incompréhensions sont d’autant plus douloureuses que la famille est le lieu le plus intime de nos joies et de nos peines. Une famille heureuse est comme un « paradis », à l’opposé, une famille peut être un enfer ! La famille est le bien le plus précieux pour les humains, en particulier pour les pauvres et nous sommes tous pauvres, à un moment ou à un autre, à l’heure de l’incompréhension, de l’échec, de la maladie ou de la mort. La Sainte Famille a connu, elle-aussi, des moments difficiles. Rappelons-nous, au début, la décision de Joseph de rompre son mariage avant que l’ange ne lui parle, rappelons-nous la fuite en Egypte pour sauver l’enfant menacé de mort, et aujourd’hui cette inquiétude, cette souffrance que Marie et Joseph ont vécue pendant trois jours ! Une souffrance, qui continue peut-être après l’avoir entendu dire : « Comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ?  » Car « ils ne comprirent pas ce qu’il leur disait  ».

Que s’est-il passé exactement pendant ces trois jours ? L’évangile dit seulement où était Jésus quand ses parents l’ont retrouvé. Jésus était dans le Temple, où il suivait l’enseignement des docteurs de la Loi et les interrogeait, comme le ferait tout jeune homme juif venant d’accéder à la maturité religieuse, mais avec quelque chose de singulier : « Il les écoutait et leur posait des questions, et tous ceux qui l’entendaient s’extasiaient sur son intelligence et sur ses réponses. » Jésus, à l’âge de douze ans, étonne déjà son entourage, comme il ne cessera de le faire et cela, jusqu’à la Croix ! La Sainte Famille n’est pas une famille ordinaire, c’est l’évidence même, cependant, et c’est le mérite de cet évangile, nous apprenons que Marie et Joseph ont ressenti, comme de nombreux parents ordinaires, des angoisses, des inquiétudes à propos de leur enfant.

Rechercher longtemps, trois jours dans notre évangile, l’être aimé disparu est une expérience que beaucoup d’êtres humains vivent à leur manière. En ce jour où nous fêtons la Sainte Famille, soyons confiants en la grâce de Dieu, cette grâce qui fait de nous ses enfants. Au-delà des surprises de la vie de famille, bonnes ou mauvaises, Dieu se tient, Il nous cherche, lui-aussi, et il saura nous retrouver quand nous serons perdus dans l’inquiétude ou la détresse.

Croyons, comme l’attitude de Marie et de Joseph envers Jésus nous en donne un avant-goût, que le Père de miséricorde nous accueillera dans sa maison, nous témoignant simplement de sa propre inquiétude pour nous. C’est Lui, le Père de Jésus, le véritable chef de famille, famille dans laquelle Il nous appelle à entrer, pour notre salut ! Amen

fr. Robert Arcas, ocd (Couvent de Paris)
Revenir en haut