Homélie pour Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus : 1er octobre 2016

donnée au couvent de Lisieux

Pèlerinage à Lisieux pour la Fête de Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus

Textes  : Isaïe 66 10–14 ; Ps 131 ; Matthieu 18 1–5

Qu’est-ce qui nous rassemble aujourd’hui ? Le Seigneur, assurément. Nous sommes à sa recherche, désirons le connaître et l’aimer car, nous le savons, il est lui-même à notre recherche et s’est révélé à nous comme le redisent – magnifiquement – les pages de l’Ecriture de ce jour. Pourtant, Dieu est Saint, non manipulable, jamais à notre image et l’Ecriture nous parle sur le mode de l’incomplétude. Selon Jean, « Dieu a envoyé son fils unique  » mais « nul ne l’a jamais vu » ; selon Isaïe, Dieu tel une mère « console », « fait connaitre sa puissance à ses serviteurs » mais c’est une promesse ; dans l’évangile, Dieu se révèle mais aux tout-petits, au Fils et à ceux à qui le Fils le révèle. Désir brûlant du Saint et de la sainteté mais éprouvé, contrarié, retardé car Dieu est Dieu et nous le cherchons souvent ailleurs, c’est cette quête du Seigneur qui était celle de Thérèse à qui nous pouvons demander sa ferveur en ce jour. On se méfie avec raison de ce terme, pour ne pas confondre foi et sentiment, émotion et sincérité, enthousiasme et divine obéissance et les saints du Carmel nous gardent bien de céder à cette confusion. Thérèse l’attestait quelques semaines avant sa mort, avec ce mot un peu vieillot sur lequel les franciliens et autres citadins ne doivent pas se méprendre : « mourir d’amour, ce n’est pas mourir dans les transports » ; en contemplant la Passion, elle disait : « Notre-Seigneur est mort sur la Croix, dans les angoisses et voilà pourtant la plus belle mort d’amour ». Pourtant c’est un feu qui animait Thérèse, le feu de la foi, feu éprouvé – que l’on pense à son parcours si contrarié – feu qui lui faisait dire au soir de sa vie « Je l’aime ! Mon Dieu, je vous aime ! » Demandons au Seigneur ce feu, cette ferveur : qu’elle anime notre volonté sans volontarisme, nos convictions sans idéologie, nos sentiments sans sentimentalisme. Demandons au Seigneur son vrai désir.

Sainte Thérèse au milieu des Docteurs

Qu’est-ce qui nous rassemble aujourd’hui ? La conscience de notre pauvreté que l’on peut ressentir et exprimer de manière contrastée : notre misère, notre péché, notre impuissance, nos médiocrités, nos fatigues, nos ambiguïtés, nos hontes, nos fardeaux, nos ressentiments. A l’école de Thérèse, nous savons qu’à travers tout cela, le Seigneur nous éduque, nous conduit, se révèle à nous, nous donne sa grâce si nous reconnaissons que celle-ci n’est pas à notre mesure et que nous sommes acculés à la quémander, les mains vides. Qu’est-ce qui nous rassemble aujourd’hui ? La joie d’être pauvre, l’appel à la petitesse selon l’évangile qui n’a rien de la mièvrerie dont on l’affabule parfois mais qui doit peut être consentir au risque de le paraître. Il nous faut « consentir à rester pauvre et sans force et voilà le difficile  » disait Thérèse. Telle est la voie où nous conduisent le désir du Seigneur et la découverte de notre pauvreté, multiforme mais radicale : accueillir la miséricorde du Seigneur, croire à son pardon plus fort que nos péchés, lui plus grand que notre cœur et le découvrir miséricorde. Thérèse en parlant de la miséricorde de prévenance nous fait comprendre que tout est grâce, même ce qui pourrait nous faire croire à de la vertu. « Quand même j’aurais sur la conscience tous les péchés qui se peuvent commettre j’irais, le cœur brisé de repentir me jeter dans les bras de Jésus (…) Ce n’est pas parce que le bon Dieu dans sa prévenante miséricorde a préservé mon âme du péché mortel que je m’élève à Lui par la confiance et l’amour  ». Autrement dit, ce qui compte n’est ni la conscience d’être accablé par des péchés dont nous pourrions penser qu’ils ne mériteraient pas le pardon ni celle de se trouver sans réel péché à confesser – car voilà peut-être les deux offenses possibles à la miséricorde, la croire impuissante ou inutile – : « ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu » résume saint Jean. Qu’est-ce qui nous rassemble aujourd’hui ? L’espérance aveugle en sa miséricorde, la joie d’être sauvé en étant pauvre, la demande de l’humilité et de la petitesse à Thérèse qui s’écriait : « Ma folie à moi, c’est d’espérer. »

Qu’est-qui nous rassemble aujourd’hui ? La petite Thérèse bien sûr. « Venez à moi, vous tous qui peinez, je vous procurerai le repos  » nous semble-t-elle dire elle-même. Appropriation scandaleuse des phrases de l’évangile ? Les saints nous habituent à davantage car là est le mystère de l’Eglise et de la communion des saints : canal de la grâce et transparence à l’évangile, leurs vies nous montrent, par leur chemin, le chemin de l’évangile. Combien nombreux – et parmi nous ! – pourraient en témoigner ?

Qu’est-ce qui nous rassemble aujourd’hui ? La joie d’être ensemble, en famille carmélitaine. L’amour du prochain et le désir de la communion sont le fruit – et le test – de notre recherche de Dieu, ce que dit saint Jean : «  puisque Dieu nous a aimés, nous devons nous aimer les uns les autres ». La fraternité nous rassemble car « l’espérance c’est la fraternité », l’espérance comme seule issue de la rencontre de notre désir de Dieu avec notre indigence, la fraternité comme, au fond, seul rempart évangélique face à la tentation de désespérance. Aimer et le faire aimer : cette fraternité et cet appel de l’amour nous emmènent loin et en tout cas bien au-delà de nous-mêmes, dans un même désir missionnaire que Thérèse et dans ce souci de la création auquel nous convie le thème de notre pèlerinage. Qu’est-ce qui nous rassemble aujourd’hui ? Une diversité heureuse autour de Thérèse, celle de nos liens d’appartenance à la famille carmélitaine et celle de nos « dévotions » dont témoigneront les ateliers de cet après-midi. Que ce pèlerinage soit l’occasion de la rencontre, dans la foi que Dieu seul sauve, dans le respect mutuel et l’action de grâce ! Prions les uns pour les autres dans le silence et les éclats, la louange et l’intercession.

Diversités des fêtes carmélitaines, canonisation d’Elisabeth de la Trinité le 16 octobre et béatification du père Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus le 19 novembre, nous vivons en ces semaines des mois riches et fastes. Non pour nous rengorger mais comme des promesses : amour qui nous attend, amour qui nous conduit, amour qui est Dieu même. Amen. Bon pèlerinage !

fr. Guillaume Dehorter, Provincial de Paris ocd
Revenir en haut