Il est notre désir, il est notre prière ! (Ho 5e dimanche TO - 07/02/21)

donnée au couvent d’Avon

Textes liturgiques (année B) : Jb 7, 1-4.6-7 ; Ps 146 (147a) ; 1 Co 9, 16-19.22-23 ; Mc 1, 29-39

« Ton désir, c’est ta prière ! » Le raccourci de saint Augustin nous renvoie à nos aspirations profondes, nos quêtes et nos tourments. Que sont-ils ? La liturgie de la Parole en fait affleurer trois principaux. Premièrement, il y a la quête du bonheur : du bien-être, de la santé et fondamentalement du sens de la vie. C’est celle de Job qui s’exprime de manière poétique et pathétique. C’est celle aussi de tous ces éclopés de l’évangile rassemblés autour de Jésus qui leur répond en prodiguant guérison et libération. Deuxièmement, il y a le tourment du Royaume et de l’évangélisation qui s’exprime impérieusement chez saint Paul : nécessaire et gratuite, c’est une mission qui le pousse à se faire tout à tous pour que l’évangile soit annoncé. C’était déjà le geste de Jésus au début de son ministère public : «  le Royaume de Dieu s’est approché ». Il y a troisièmement le désir de la prière, la recherche du Père qui pousse Jésus au désert. C’est le cœur de notre péricope évangélique, sa pliure qui marque le passage de Capharnaüm à toute la Galilée, du sabbat au huitième jour. C’est un secret mystérieux : « Là il priait ». Ce n’est pas tant un contenu qui ne nous est d’ailleurs pas révélé qu’une posture, debout, dans le silence, dans la solitude, une rencontre, une écoute qui renvoie au début de l’évangile : « Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi je trouve ma joie  ». Ces trois quêtes sont les nôtres. Philosophiquement, elles correspondent à celle du bon, du vrai et du beau : le bon de la vie bonne et du bonheur dans un monde marqué par le mal et la souffrance ; le vrai dont la découverte, fût-elle simplement entrevue, suscite la joie, l’envie du partage et de la proclamation (le mot évangélique a donné le terme de « kerygme » qui désigne le condensé de la foi) ; le beau de cette « beauté qui sauvera la monde » et dont la source est Dieu même. Ces trois quêtes correspondent à trois axes de notre vie chrétienne, aux trois vocations baptismales, de roi, de prophète et de prêtre : le roi qui a le souci des pauvres et des souffrants, le prophète qui annonce, à temps ou contretemps, la Bonne Nouvelle de Dieu et ses exigences de conversion et le prêtre qui va à la rencontre du Seigneur, intercédant pour le monde. Nous pourrions les associer aux trois missions de l’Eglise : diakonia (la solidarité et service), kerygma (l’annonce) et leiturgia (la liturgie, la prière) où il s’agit respectivement d’attester, de témoigner et de vivre du Royaume. Il n’y a pas à les opposer comme s’il y avait les chrétiens sociaux qui feraient dans l’associatif et le caritatif, les chrétiens identitaires qui feraient dans l’apologétique et le politique et les chrétiens dévots qui feraient dans les prières et la piété. L’un sans l’autre perd sa saveur et sa droiture : dans l’humanitaire qui oublie sa source et son Orient, dans l’idéologie qui, méprenant que Dieu est une rencontre qui nous échappe toujours, succombe à l’idolâtrie des cadres et des concepts, dans la dévotion qui confond « oraison et vie douillette » pour reprendre les mots de la Madre qui, aux septièmes demeures du Château de l’âme, insiste sur les œuvres impérieuses. Il n’y a pas à choisir car le Christ a tout tenu, tout assumé et tout accompli comme nous le voyons dans notre évangile. Prenons le temps de le contempler avec le désir de marcher à sa suite.

Pour parler comme les prédicateurs du XVIIe, adorons sa compassion, sa liberté, sa clairvoyance et sa détermination. Il est l’homme parfait qui se fait tout à tous mais nous mène « ailleurs », plus loin, sans se laisser enfermer par nos requêtes par trop ambigües… car que cherche ce « tout le monde » dont lui parle Simon ? Un guérisseur certainement, tout en pressentant dans son autorité une divine origine. Jésus nous conduit de fait à la source qui est le Père. C’est pour cela qu’il « est sorti ». Sans faire de la Françoislâtrie ni du psittacisme, soulignons ce verbe. Aussitôt « sorti » de la synagogue, Jésus va à la maison. Puis, il « sortit » et se rendit dans un endroit désert avant de justifier sa course vers les villages voisins : « c’est pour cela que je suis sorti ». Fondamentalement c’est du Père qu’il est sorti pour entrer dans le monde et manifester d’où il vient. Tel est le Royaume. Jésus est la Parole dont la course se répand comme un feu ainsi que nous le voyons de la maison de Simon à la ville entière de Capharnaüm puis dans les villages voisins et finalement dans toute la Galilée. Poursuivons notre méditation. Une force secrète est à l’œuvre dans ces pages de l’Ecriture, celle de la Résurrection. Jésus relève (verbe de la Résurrection) la belle-mère de Simon qui se met aussitôt au service, marque biblique de la libération pascale tels les hébreux dont le passage de la mer Rouge fut celui, comme on l’a joliment écrit, de la servitude au service. Deuxièmement, c’est au creux de la nuit allant du sabbat au lendemain, qui est donc notre dimanche, que Jésus sort : nuit heureuse, nuit secrète, nuit conductrice, « nuit qui unit l’Amant avec la bien-aimée, l’amante en l’Amant transformée ». Au petit matin, les disciples vont le chercher comme ils le feront à l’aube de Pâques, non pour le saisir mais pour « aller ailleurs », en Galilée annoncer le kérygme. Troisième saveur pascale, dans l’attitude missionnaire, Paul souligne le geste de kénose qui ne retient rien jalousement mais se dépouille pour se faire « tout à tous ». Un même souffle pascal traverse nos trois quêtes : il relève, il proclame, il abreuve. Ainsi dans l’évangile de ce jour contemplons-nous le feu de la Parole, la source du Père, le souffle de l’Esprit : que Dieu Trinité soit notre unité, notre quille et notre boussole, qu’il nous conduise, qu’il nous transforme. Il est notre désir, il est notre prière ! Amen

Fr. Guillaume Dehorter, ocd - (couvent d’Avon)
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