Jésus, libère et fais grâce (Ho 5° dim. carême - 03/04/22)

donnée au couvent de Lisieux

Textes liturgiques (année C) : Is 43, 16-21 ; Ps 125 (126) ; Ph 3, 8-14 ; Jn 8, 1-11

Après la fêtes des Tentes, Jésus et ses disciples sont montés au Mont des Oliviers. Puis au petit matin, ils sont revenus au Temple de Jérusalem.
Ce que l’évangéliste nous rapporte de ce qui s’y est passé alors nous permet d’entrer plus profondément dans la connaissance du Mystère de Jésus, du Verbe incarné, du Fils de Dieu. Ainsi nous pouvons, par notre écoute attentive de la Parole, accomplir ce que saint Paul nous invite à vivre et se présentant comme un modèle à suivre dans la deuxième lecture de ce jour.

Dans l’évangile nous découvrons l’attitude de Jésus avec quatre groupes : Tout d’abord avec la foule, puis avec les scribes et les pharisiens, ensuite avec la femme dite « adultère », et pour conclure, Jésus et face à un quatrième groupe dont nous parlerons tout à l’heure.

Face à la foule

« Tout le peuple » nous dit l’Évangile, vient à Jésus qui, alors, s’assoit et se met à enseigner. Jésus nous est révélé ici comme un homme qui a un pouvoir d’attraction, qui attire la foule. Il prend alors l’attitude du « Rabbi », du Maître, il s’assoit et enseigne. Et ceux qui sont venus, écoutent sa parole.
Pendant qu’il est en train d’enseigner, un nouveau groupe arrive : celui des scribes et des pharisiens.

Face aux scribes et aux pharisiens

Ils arrivent en apportant avec eux une femme qu’ils qualifient « d’adultère ». Ils évoquent la Loi de Moïse qui parle de lapider ceux qui sont adultères.
Citons le livre du Deutéronome : « Lorsque tu trouveras un homme couché avec une femme mariée, ils mourront tous deux, l’homme qui a couché avec la femme et la femme également » (Dt 22,22). La lapidation est indiquée quelques versets plus loin. Le Livre du Lévitique dit la même chose (Lv 20,10).
Face à l’exigence de la Loi, nous pouvons nous étonner que les scribes et les pharisiens n’ont pas chercher à arrêter l’homme. Ils amènent simplement la femme.
Et cela nous indique clairement qu’il s’agit d’un prétexte, le but qu’ils poursuivent n’est pas d’obéir à la Loi, mais de « mettre Jésus à l’épreuve, afin de pouvoir l’accuser » (Jn 8,6).
Or le mot qui signifie « adultère » a également une autre signification : « Trahir la vérité ». Nous découvrons qu’en apportant la femme à Jésus, c’est le groupe des scribes et des pharisiens qui a un comportement adultère car ils cherchent à trahir la vérité de manière à pouvoir s’en prendre à Jésus.
Ils le placent face à la Loi de Moïse et face à la femme dite « adultère ».
Or, dans un premier temps, Jésus se baisse et de son doigt, il écrit sur le sable. Beaucoup se sont demandés ce que Jésus pouvait bien écrire… toutes les suppositions sont possibles et n’ont pas grand intérêt. C’est l’attitude de Jésus qui est ici révélatrice : « Du doigt, il écrivait ».
Dans l’Écriture, nous trouvons deux passages où il est dit que Quelqu’un écrit avec son doigt : « Quand le Seigneur eut fini de parler avec Moïse sur le mont Sinaï, il lui donna les deux tables du Témoignage, les tables de pierre écrites du doigt de Dieu » (Ex 31,18). « Le Seigneur m’a donné les deux tables de pierre écrites du doigt de Dieu » (Dt 9,10).
En écrivant de son doigt, Jésus manifeste qu’il est l’égal de Celui qui l’a envoyé. Il est l’envoyé de Dieu et cela lui donne autorité. C’est pourquoi, il peut se relever et prononcer une parole : « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre » (Jn 8,7). Jésus indique qu’avant toute sentence, avant tout jugement, il faut d’abord entrer en soi-même, faire son propre examen de conscience. Cela permet de s’interroger que la légitimité qu’il y a de juger la femme dite « adultère ».
Ayant prononcé cette parole, Jésus se baisse à nouveau et continue d’écrire sur le sable. Eux se retirent discrètement, plus concrètement, ils prennent la fuite car ils ont perdu la face. Avec humour et réalisme, l’évangile indique : « En commençant par les plus âgés » (Jn 8,9). Ils sont comme Adam et Ève qui entendant les pas de Dieu se cachent après la faute (Cf. Gn 3,8).
Les scribes et les pharisiens se sont enfuis honteux de leur péché. Ils ne sont pas ouverts au repentir à la miséricorde.
Ils laissent la femme seule face à Jésus.

Face à la femme

Seul, face à la femme, Jésus se relève et à nouveau, de toute son autorité, il l’interroge. En s’adressant à elle, il la reconnaît comme une personne avec qui l’on peut entrer en relation. Il lui redonne sa dignité d’être humain doué de la parole.
Face à la double interrogation de Jésus, la femme répond en le reconnaissant comme « Seigneur », comme celui qui, seul, peut la juger.
Alors Jésus, Fils de Dieu, peut, debout, délivrer la triple sentence :
« Je ne te condamne pas », « va », « désormais ne pèche plus » (Jn 8,11).
« Je ne te condamne pas » : Jésus lui fait grâce.
« Va » : Jésus la libère et l’envoie au monde.
« Ne pèche plus » : Jésus rend capable de ne plus être esclave du péché.

Mais, je le disais en commençant, Jésus rencontre un quatrième groupe dans cet évangile. Et ce groupe, c’est nous-même qui, dans la liturgie, écoutons cette parole. Dans le Décalogue, Dieu demande à son peuple de ne pas avoir d’autres Dieux que Lui. Il l’invite à renoncer aux idoles, aux faux dieux. Et l’Écriture assimile souvent la prostitution ou l’adultère avec le fait de servir d’autres dieux que le vrai Dieu, de servir des idoles.

Nous pouvons donc nous demander ce matin si nous-mêmes ne sommes pas adultères. Le temps de Carême nous est donné justement pour renoncer à toutes les idoles que nous nous faisons et que nous suivons parfois sans même nous en rendre compte. Il s’agit pour nous de rentrer en nous-même, de faire notre examen de conscience à partir du réel de nos attitudes, de nos paroles etc.
Jésus nous invite, chacun, chacune, à évaluer où nous en sommes : nous pensons-nous sans péché ?
Quelle sera alors notre positionnement : choisirons l’orgueil et la fuite, ou entrerons-nous dans l’humilité et dans la repentance ?
Laisserons-nous Dieu opérer une libération du péché dans notre cœur ?
Le laisserons-nous nous envoyer sur les routes du monde, pour en être les témoins émerveillés et reconnaissants ?

Nous sommes entrés, avec ce cinquième dimanche de Carême, dans le temps de la Passion. Remobilisons nos énergies humaines et spirituelles pour continuer l’œuvre du Carême, pour désensabler notre cœur et le préparer à recevoir la lumière de Pâques.

Amen.

Fr. Didier-Marie Golay, ocd - (couvent de Lisieux)
Revenir en haut