L’éblouissement pascal (Ho vigile pascale - 17/04/22)

donnée au couvent d’Avon

Textes liturgiques (année C) : Gn 1, 1 – 2, 2 ; Ps 103 ; … ; Ex 14, 15 – 15, 1 ; Ba 3, 9-15.32 – 4, 4 ; Lc 24, 1-12

«  Dieu dit : ‘Que la lumière soit.’ Et la lumière fut. » Cette affirmation extraite de notre 1re lecture ne nous parle pas que de la création au 1er jour. Elle évoque l’expérience même que nous avons vécue en cette nuit sainte : la lumière du cierge pascal est apparue dans l’obscurité du jardin. Symbole de la parole divine qui a créé la lumière dans l’univers mais aussi de cette même parole qui fait advenir le 8e jour, ce jour de l’éternité qui s’ouvre dans la Résurrection de Jésus. «  La lumière a brillé dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont point arrêtée. » (Jn 1, 8) La lumière du Ressuscité a percé l’opacité de nuit et ouvert le 8e jour, le 1er jour du monde d’après. Et comme le dit l’oraison liturgique qui fait écho à cette 1re lecture, nous découvrons que cette pâque du Christ « est une œuvre plus merveilleuse encore que l’acte de la création au commencement du monde. » La lumière du Christ pour laquelle nous rendons grâce brille plus fort que la lumière du jour et des luminaires créés par Dieu. Cette lumière, elle est magnifiquement préfigurée par plusieurs lectures entendues en cette nuit ; au fond cette nuit pascale nous découvre des trouées de lumière, comme si la Parole de Dieu devenait lumière sur nos pas, éclairant peu à peu l’histoire sainte, celle du peuple d’Israël mais aussi la nôtre, jusqu’à ce que le Christ brille en tout et en tous.

Déjà, la colonne de nuée accompagnant les Hébreux au désert était « à la fois ténèbres et lumière dans la nuit  », conduisant l’écrivain biblique à frôler l’oxymore pour évoquer cette présence mystérieuse. Dieu accompagne son peuple, le protège en se faisant proche, mais jamais sans cesser d’être le Dieu tout autre. La lumière divine éclaire le peuple mais les ténèbres le protègent de Pharaon qui le menace. Et Baruch méditant sur la sagesse et sur la création rappelle à Israël que Dieu est bien l’auteur de la lumière : « Il lance la lumière, et elle prend sa course ; il la rappelle, et elle obéit en tremblant. Les étoiles brillent, joyeuses, à leur poste de veille ; il les appelle, et elles répondent : « Nous voici ! » Elles brillent avec joie pour celui qui les a faites. » Mais surtout Baruch affirme de façon prophétique : « La Sagesse est apparue sur la terre, elle a vécu parmi les hommes. » Oui la Sagesse de Dieu est venue visiter la terre en y jetant une traînée de lumière ; mais cette visite, ce n’est pas que « le livre des préceptes de Dieu  », c’est le Verbe de lumière qui a traversé l’espace et le temps pour nous faire participer de sa lumière éternelle.

Nous l’avons entendu dans le Psaume : « Revêtu de magnificence, [Dieu a] pour manteau la lumière ! » Mais le Nouveau Testament ira plus loin : « Dieu est lumière. Il n’y a point de ténèbres en lui. » (1Jn 1,5) Dans l’évangile, les deux hommes qui rassurent les femmes devant le tombeau vide sont en «  habit éblouissant » ; écho très clair de la Transfiguration de Jésus où Luc précise que « son vêtement devint d’une blancheur éblouissante. » (9, 29) Ce manteau de lumière commun au Ressuscité et aux anges est bien la trace d’une lumière incréée. Il est le signe de notre propre résurrection à venir, quand notre corps sera glorifié par la lumière divine. Aussi il est tout à fait logique que les deux signes qui accompagnent tout baptême soient la lumière du cierge et le vêtement blanc. Le baptisé participe déjà de la lumière pascale ; il communie par anticipation au mystère de la Résurrection. Et il s’agit pour lui de vivre dorénavant en enfant de lumière, devenant toujours plus lumière dans le Seigneur et par là lumière du monde ; éclairant ainsi ceux qui cherchent des points de lumière dans les ténèbres de notre monde désabusé.

Mais concrètement, me direz-vous, qu’est-ce que cela signifie que de participer à cette lumière pascale dans nos vies ? Que change-t-elle ? La lumière a plusieurs propriétés : elle éclaire, elle réchauffe et elle transforme. La lumière du Christ vient éclairer nos intelligences. Elle nous donne de mieux comprendre le mystère de Jésus, Homme accompli afin de mieux nous comprendre nous-même et de saisir davantage comment Dieu nous conduit à travers les ombres et les lumières de notre existence ; la lumière de la foi est la torche qui nous permet de faire le pas d’après, afin de ne pas tomber dans les trous cachés et les ruisseaux…

Ensuite la lumière divine réchauffe : elle nous donne chaleur pour détendre en nous ce qui est raide et doit être assoupli, pour fortifier ce qui est faible afin d’éduquer notre volonté à vouloir toujours plus ce que Dieu veut ; la lumière de la charité est cette impulsion intérieure qui nous donne de poser des actes libres et bons afin que la lumière de l’Amour se diffuse autour de nous et que le Règne du Christ s’étende. Enfin, la lumière de l’Esprit Saint nous transforme : telle une vive flamme, elle transforme le bois que nous sommes en braise incandescente. Elle change ainsi notre manière de voir et de nous souvenir ; elle nous libère de nos attachements morbides pour nous ouvrir à l’espérance qui vient de Dieu. Elle fait entrevoir l’aurore qui se lève et qui fait que désormais plus rien ne sera comme avant.

Sois béni Ô Père, Ô Fils, Ô Saint-Esprit, éternelle lumière qui nous éclaires, qui nous réchauffes et nous transformes. Sois bénie Très sainte Trinité, puisqu’en cette nuit unique, tu fissures nos verrous maudits pour faire jaillir ta vie en abondance. Oui, que ta lumière soit et qu’elle fasse basculer toute notre vie dans ta lumière éblouissante. Que par ta lumière, nous voyions la lumière. Et que désormais nous vivions tous comme de vrais ressuscités, comme des enfants du Père des lumières ! Amen

Fr. Jean-Alexandre de l’Agneau, ocd - (couvent d’Avon)
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