La libre obéissance du Fils (Ho 26° dim. TO) - 27/09/20

donnée au couvent d’Avon

Textes liturgiques (année A) : Ez 18, 25-28 ;Ps 24 (25) ; Ph 2, 1-11 ; Ph 2, 1-5

Jésus raconterait-il cette parabole pour dire une vérité de La Palice ou une tautologie ? Quel est celui des deux enfants qui a fait la volonté du Père ? Celui qui l’a faite, répondent les grands prêtres et les anciens du peuple ! Mais en donnant en exemple les publicains et les prostituées, Jésus déplace radicalement la portée de cette évidence. Ceux qui se trouvent être dans une situation d’égarement et de péché sont précisément ceux qui en définitive font la volonté du Père ! La parabole des deux fils explicite ce paradoxe surprenant : Le texte ne parle pas d’abord d’un père avec ses fils, mais d’un humain qui avait deux rejetons. Cet homme s’adresse de manière personnelle à chacun d’eux pour lui dire : « Mon enfant, va aujourd’hui travailler dans la vigne. » Lorsque nous entendons cette phrase, nous la comprenons spontanément comme si le père disait : « Viens tous les jours travailler dans ma vigne. » Nous prenons le verbe travailler au sens d’un service pénible alors qu’il a ici le sens d’œuvrer. L’homme n’appelle pas à un travail d’esclave, mais à œuvrer en étant soi-même créateur. En outre, l’ordre est donné seulement pour un jour et non pour une durée indéterminée. De plus, l’homme ne parle pas de « sa » vigne, mais de « la » vigne, une vigne qui est à tous et qui symbolise le lieu par excellence du travail heureux. Enfin le verbe employé pour donner l’ordre « va » exprime un envoi et non une prise de possession comme le serait l’impératif « viens ». Ainsi Dieu avait dit à Abraham « va vers le pays que je te montrerai. » l’invitant à quitter le pays de l’enfance pour s’aventurer dans une existence libre qui soit promesse de bénédiction.

En répondant « Je ne veux pas. », le premier enfant prend de la distance vis-à-vis d’un ordre qu’il entend au sens de : « Viens tous les jours travailler dans ma vigne. ». Il s’oppose d’abord à l’image d’un maître à qui il faudrait se soumettre jusqu’à ce qu’il reconnaisse en lui la bonté d’un père. Le second enfant dit : « Moi, Seigneur. » Son « moi » colle immédiatement au désir de l’homme qu’il voit comme un seigneur à qui il faut obéir. Deux verbes décrivent ensuite son comportement : dire et ne pas faire. N’étant pas advenu à sa liberté de sujet responsable, il s’avère incapable de mettre en œuvre sa parole.

Pour le premier au contraire, il y a trois verbes qui sont de l’ordre du dire, du penser et du faire. Le temps intermédiaire de la réflexion entre la parole et l’agir permet de recevoir autrement la demande. Il peut en effet se démarquer du désir de l’homme parce que celui-ci s’est adressé à lui en le désignant tendrement comme son enfant, sans exercer de pression, ni proférer de menaces. Cette parole, qui a la forme d’un ordre, est en réalité remise entre les mains des deux enfants pour qu’ils se l’approprient de manière libre : la loi est donnée à des personnes pour les constituer en sujet responsable ; comme le dit Jésus ailleurs, la loi est faite pour l’homme et non pas l’homme pour la loi. (cf. Mc 2,27)

Le mot « père » apparaît justement au moment où Jésus pose la question de savoir qui a accompli la volonté de l’homme. Si celle-ci l’a été en effet, c’est que l’homme a finalement été identifié, non pas comme un maître, mais comme un père désirant voir son fils accéder à la liberté d’un travail créateur. Ainsi, l’important dans la réponse du premier fils n’est pas le refus initial, mais le fait qu’il puisse s’exprimer comme en une personne responsable face à celui dont il a reçu la vie. Cela étant fait, il peut accomplir ce qui lui est demandé non pas par un acte de soumission, mais par un engagement libre. La véritable obéissance à la volonté de Dieu consiste en effet en une adhésion libre à son projet de vie. Les pécheurs, qui se sont égarés sur des chemins de mort, ont soif d’une promesse de salut, tandis que ceux, qui s’estiment sauvés en raison de leur soumission à des lois, s’avèrent esclaves de conduites mortifères. La reconnaissance de son péché dans l’humble accueil de la miséricorde de Dieu ouvre le chemin d’une véritable liberté : le Père nous a donné son Fils, lui qui n’a pas tenu pour un avantage d’être traité à l’égal de Dieu, mais s’est fait obéissant jusqu’à la mort et la mort de la Croix. La libre obéissance du Fils nous révèle le vrai visage du Père afin que nous accédions nous aussi à la liberté filiale par amour du Père.

Fr. Olivier-Marie Rousseau, ocd - (couvent d’Avon)
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