Notre-Dame du Mont Carmel - 16/07/21

donnée au couvent d’Avon

Textes liturgiques (année B) : 1R 18,42-45 ; Ps 14 ; Ga 4,4-7 ; Jn 19,25-27

Disons-le simplement : l’Ordre du Carmel est un ordre privilégié par la Vierge Marie. Parmi les nombreux dons que Dieu lui a faits, par l’entremise de Marie, retenons en trois : un lieu, un nom, un vêtement. Chacun de ces trois dons est pourtant devenu le lieu d’une tentation d’une mainmise ; les membres du Carmel ont donc dû apprendre à recevoir chacun de ces dons de façon humble et intérieure pour les mettre au service de l’Église.

Le 1er don fait par Dieu aux premiers ermites est celui d’un lieu, ou plus précisément d’une montagne, le Carmel. Lieu prestigieux évoquant la vie des prophètes Élie et Élisée entre solitude et action grandiose. Lieu synonyme de beauté évoqué par le prophète Isaïe. La « splendeur du Carmel  » est bien un territoire marqué par la magnificence divine. Cette montagne qui s’achève en un promontoire surplombant la mer est une belle évocation de la création entre terre, ciel et mer. Le risque d’attachement était donc grand pour les ermites et l’histoire s’est chargée de les dépouiller à travers les invasions des Sarrasins. Les ermites du Carmel ont dû quitter cette montagne pour aller chercher d’autres lieux d’hospitalité en Europe. Cette migration, comme un pèlerinage à contre-sens de la croisade, les a ramenés dans leurs lieux d’origine. Ainsi les générations suivantes de carmes ont appris à se dire frères ermites du Mont-Carmel sans y avoir pourtant vécu… Étrange donc… Ils ont dû chercher une appropriation plus spirituelle et intérieure de ce lieu. Le Carmel, c’est au fond une terre intérieure, une manière de vivre qui se transporte au-delà des murs. C’est pourquoi Bernanos faisait dire avec une grande justesse à Mère Marie de l’Incarnation dans Le dialogue des carmélites : « Où il y a une fille de sainte Thérèse, il y a un Carmel. » Ainsi ce lieu précis en Israël est devenu un nom commun pour désigner un couvent ! Et pour être sûrs que nous ayons bien reçu le message et que nous n’idolâtrions pas une terre, les deux oraisons liturgiques de cette fête nous font demander à la prière de Marie : « Accorde-nous, par sa protection, de parvenir à la montagne véritable, le Christ, notre Seigneur. » C’est bien Jésus seul qui le lieu spirituel où nous pouvons atteindre le Ciel.

Le 2e don nous est révélé par une des oraisons liturgiques : « Tu as donné Seigneur à l’Ordre du Carmel de porter le nom de la Vierge Marie, Mère de ton Fils. » Car le nom que reçoit l’Ordre n’est pas seulement lié à un lieu, ce qui est déjà beaucoup : être du Carmel ; c’est aussi un nom lié à une personne invoquée comme patronne de ce lieu, la Bienheureuse Vierge Marie. Notre-Dame est bien la souveraine du Carmel, celle qui était la patronne du premier oratoire des ermites. Ils se sont confiés à elle et en retour ils ont reçu son nom en étant progressivement appelés dans l’Église les frères de la Bienheureuse Vierge Marie du Mont Carmel. Porter le nom de quelqu’un est évidemment quelque chose de profond puisqu’il révèle une identité. C’est ce que dit l’adage médiéval : Carmelus totus marianus est. Le carmel est tout marial. Les frères l’ont progressivement compris avec le temps et accueilli ce don avec reconnaissance. Ils sont aussi tombés quelque peu dans l’orgueil en entrant en rivalité avec les dominicains pour savoir quel était l’ordre le plus marial.

Certes les carmes portaient le manteau blanc en l’honneur de la Vierge et défendaient son immaculée conception contre les prêcheurs… Mais ils ont dû apprendre que porter le nom de Marie était aussi un redoutable appel à l’imitation intérieure. Il nous faut devenir en acte ce que nous prétendons être par le nom. Il nous faut être tels que nous nous disons. Une des deux préfaces de cette fête dit cet appel à regarder Marie comme notre modèle : nous contemplons en elle, comme dans une image parfaite, ce que nous désirons et espérons être dans l’Église. »

Enfin, il y a le don d’un vêtement, le scapulaire, par la Vierge Marie. Ce geste est à la fois une évocation du don du manteau d’Élie à Élisée et aussi un mouvement maternel de protection d’une mère envers son enfant. Les enfants du Carmel sont habillés par leur mère afin d’être protégés des attaques des ennemis. Don précieux que ce vêtement de salut mais qui a pu devenir aussi une sorte de talisman nous faisant croire que le salut était une opération magique. Non, le scapulaire est un vêtement de travail, un tablier qui appelle ceux qui le portent à se mettre au service les uns des autres. Car celui qu’il s’agit de revêtir, c’est le Christ, comme nous le dit saint Paul. Là aussi ceux qui reçoivent ce don ne doivent pas mettre la main dessus de façon égoïste ou orgueilleuse mais le laisser se déployer en œuvre de grâce dans leur vie.

Rendons grâce au Seigneur en ce jour pour ces dons d’un lieu, d’un nom et d’un vêtement. Trois réalités humaines simples et fondamentales qui nous aident à marcher avec Marie, sous sa protection, vers la destination finale, la Jérusalem céleste. Marie ouvre la marche et précède son peuple. Entraîne-nous Vierge Marie : sur tes pas, nous courrons !

Fr. Jean-Alexandre de l’Agneau, ocd - (couvent d’Avon)
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